Un membre de l’entourage de Richelieu, probablement Léon Bouthillier, à François Sublet de Noyers, Cosne-sur-Loire, 23 août 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve coll. Mémoires et Documents France, vol. 802, f° 399. Minute de la main d’un secrétaire, sans signature. Suscription : « à M. des Noyers ».

Monsieur,

La nouvelle qu’a apportée le sieur de Chérelles, de la part de M. le maréchal [d’Estrées], de la défaite du secours qui voulait entrer dans Trèves, a été d’autant plus considérer par le Roi et Monseigneur le Cardinal qu’elle intimidera les ennemis, et donnera courage aux nôtres, outre qu’ils ont appris à passer la rivière qui est une chose de grande conséquence pour la prise de Trèves. Si le pont sur des chevalets s’achève pour passer de l’infanterie, je pense qu’il n’y aura plus lieu de douter de la suite heureuse du siège.

Vous verrez, par la lettre que vous écrit Sa Majesté, que son intention n’est plus que les troupes que lui doit renvoyer M. le maréchal d’Estrées passent en Languedoc, mais qu’elles viennent en Picardie, sous la conduite de M. le comte de La Suze, ayant jugé à propos, à cause de la Religion, que M. le vicomte d’Arpajon demeure auprès du dit sieur maréchal pour être dans Coblence ou dans Trèves s’il se prend. Vous verrez aussi que votre voyage de Languedoc est changé en celui de Picardie, dont je suis bien marri, parce que cela me privera de l’honneur de vous voir et de vous entretenir. 

J’ai fait voir au Roi et à Monseigneur le Cardinal ce que vous m’écrivez du seigneur de La Petite-Pierre et du comte de Hanau. Votre avis a été trouvé fort bon de leur donner à chacun un présent de six ou sept mille livres. On laisse à votre choix de le faire en argent, ou en pierreries. Si c’est en pierreries, vous prendrez la peine de l’écrire promptement afin qu’on y pourvoie d’ici. 

En revanche les bonnes nouvelles que vous avez mandées d’Allemagne, je vous en dirai que nous avons reçues d’hier au soir du Vivarais, où le régiment de Vaubecourt, une partie de celui de Sault et d’Halincourt, ont défait auprès de Privas des gens de pied commandés par le vicomte de Lestrange. Ils étaient huit cents, dont il en est demeuré quatre cents sur la place, et tout le reste des chefs et soldats, pris prisonniers, du nom desquels est le dit vicomte de Lestrange même, qui était dans un fort nommé Toulon, près du dit Privas, que les nôtres ont aussi pris. Vous voyez par là que les armes du Roi ne prospèrent pas seulement en un lieu, et que Dieu les bénit partout, selon la justice de ses intentions. 

Narbonne a reçu six compagnies du régiment de La Tour, conduites par le sieur du Chalard, ce qui met tout-à-fait cette ville en sûreté. Après vous avoir remercié de tout mon cœur de la faveur que vous m’avez fait de m’écrire, je finirai cette lettre par l’assurance que vous donne de demeurer éternellement, Monsieur.

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