Claude Bouthillier (1581-1652) appartient à une famille originaire d’Angoulême. Il est le fils de Denis Bouthillier († 1622), seigneur de Foulletourte et du Petit-Thouars, et de Claudine (ou Claude) de Macheco (ou Macheco). Par sa mère, il est à la fois le cousin de René Barjot, baron de Cholet, et le parent, « à la mode de Bretagne, de Françoise du Plessis de Richelieu, décédée en 1615, puis par solidarité lignagère celui de Nicole du Plessis de Richelieu, marquise de Brézé, et celui de leur frère, Richelieu lui-même¹. En 1606, Claude Bouthillier épouse Marie de Bragelongne, qui reçoit les terres et la seigneurie des Caves et du Mesnil-les-Pars, près de Pont-sur-Seine, en 1612, et en transmet de fait la gestion à Claude Bouthillier, qui a déjà acquis des terres non loin de là en 1608 par des achats à Jean de Troyes.

Avocat au parlement de Paris dès 1602, en survivance de son père, il devient conseiller au même parlement en 1613, et profitant de l’introduction de Richelieu à la Cour, il est fait conseiller d’État et secrétaire des commandements de la Reine mère en 1619. Surtout il accède aux fonctions de secrétaire d’État aux Affaires étrangères en 1629, charge qu’il exerce jusqu’en 1632. 

Bras droit de Richelieu qui se réserve la haute main sur la diplomatie au nom de Louis XIII, il est employé dans les affaires d’Italie, principalement pour la paix que le Roi accorde au duc de Savoie en 1630. Deux ans plus tard, il devient surintendant des finances, conjointement avec Claude de Bullion. 

Entre 1628 et 1631, Claude Bouthillier complète ses acquisitions foncières, et en 1632 il achète la seigneurie et la châtellenie de Pont-sur-Seine aux héritiers de la princesse de Conti (les ducs de Guise et de Chevreuse), dont il faut payer les dettes. Suit, en 1633, l’achat, à Louise de La Rivière, de la seigneurie de Pars, et à Paul Ardier de Beauregard, secrétaire des finances et trésorier général de France, son commis, de la seigneurie de Nogent-sur-Seine. Deux autres acquisitions, de moindre ampleur, complètent en 1638 et 1640, l’ensemble détenu par Claude Bouthillier.

C’est également en 1632 que Claude Bouthillier est nommé tour à tour intendant de la maison du Roi, surintendant de la maison, affaires et finances de Navarre, et conseiller d’honneur au Parlement. 

En 1633, il accède encore à la charge de trésorier des ordres du Roi. Selon Michel Antoine, « l’activité de Bullion tendit en général à éclipser celle de son collègue »². Claude Bouthillier contribue alors à définir les termes d’un accord acceptable avec le duc d’Orléans, exilé à Bruxelles. Il est celui à qui peuvent être confiées les missions les plus délicates et est amené à se pencher sur les troubles imputables, dans le royaume, au frère du Roi depuis la journée des Dupes. Grâce à lui, Richelieu suscite le récit chronologique de l’entrée en dissidence de la Reine mère et de son fils puîné, à partir du 10 novembre 1630, et jusqu’en 1634. L’aboutissement de la tâche confiée à Claude Bouthillier constitue le Journal de Monsieur le cardinal duc cardinal de Richelieu durant le grand orage de la court en l’année 1630 et 1631…, qui couvre en réalité la période 1630-1634. On note que pour l’année 1632, la minute d’un courrier que Claude Bouthillier adresse au Roi, pendant la maladie qui retient Richelieu à Bordeaux en novembre, évoque une possible insertion du document aux Mémoires de Richelieu, mais l’hypothèse n’est pas retenue³.

En 1636, le train de vie dispendieux mené par François de Vignerot, marquis du Pont-de-Courlay, neveu de Richelieu, tout juste nommé général des galères, conduit le cardinal-ministre à faire minutieusement contrôler son train de vie par Jacques II Barrin de La Galissonnière, oncle par alliance du marquis du Pont-de-Courlay et par Monsieur de Saint-Denis, sous la houlette de Claude Bouthillier⁴. Le surintendant des finances intervient directement et souligne l’ampleur des dettes contractées par le marquis du Pont-de-Courlay et la ruine qui le menace⁵. Claude Bouthillier livre aussi un émouvant témoignage de l’intimité de la famille de Richelieu, et de la prise en charge par Madame de Combalet, dès cette date, de l’éducation de ses neveux, Jean Armand de Vignerot et Jean-Baptiste de Vignerot, puis d’Emmanuel Joseph de Vignerot⁶. Il contribue peut-être, bien involontairement, à alimenter la rumeur, dont l’origine est attribuée à Urbain de Maillé-Brézé par Gédéon Tallemant des Réaux, selon laquelle Madame de Combalet serait la mère des enfants et Richelieu leur père. Tallemant des Réaux a consacré en effet l’une de ses Historiettes à la duchesse d’Aiguillon, et écrit notamment : « Il [le maréchal de Brézé] disoit toutes les circonstances de la naissance et de l’éducation de chacun des Richelieux, et qu’ils estoient tous trois [Armand Jean de Vignerot (1629-1715) ; Jean-Baptiste Amador de Vignerot (1632-1662) et Emmanuel Joseph de Vignerot (1639-1665)] à Madame d’Aiguillon, et mesme qu’elle en avoit eu un quatrième »⁷.

Claude Bouthillier se porte acquéreur, en 1634-1635, pour son fils aîné, Léon, de la terre de Chavigny, auprès de François de Rouville, et débute ainsi l’implantation foncière de la famille en Touraine. Il poursuit par l’achat, quelques mois plus tard, de la terre de Cécigny, auprès de Charlotte d’Escoubleau, veuve de Charles de Maillé, marquis de Maillé-Carman (ou Kerman) puis comte de Maillé. En 1637, il acquiert la seigneurie de Villiers-Boivin, dans la région de Loudun, auprès de François Le Bossu. Pour compléter la seigneurie de Chavigny, érigée en comté en faveur de son fils, il achète la terre de La Bourrie puis la seigneurie de Lerné en 1640 (aux religieuses de Fontevraud). Enfin, en 1642, il procède à l’acquisition de la seigneurie de La Grande-Gaudrée auprès de Louise Dollé, veuve de Louis de Beauvau, seigneur de la Bessière (branche du Rivau). Il fait donation au comte de Chavigny de l’ensemble des terres achetées en Touraine en 1649⁸.

Claude Bouthillier exerce seul l’administration des finances entre 1640 et 1643. Louis XIII le nomme, par son testament, l’un des conseillers de la Régence. 

À la mort du Roi, il se retire au château des Caves (Pont-sur-Seine), restauré à partir de 1638 par l’architecte Pierre Le Muet. Claude Bouthillier y décède le 13 mars 1652, quelques mois avant son fils aîné, le comte de Chavigny.Son portrait, face à celui de son épouse, tous deux représentés par Philippe de Champaigne, se trouve dans l’église de Pont-sur-Seine. Les deux éléments font partie d’un tableau plus vaste intitulé la Remise du Rosaire.

Voir Yves Le Guillou, Les Bouthillier, de l’avocat au surintendant (ca. 1540-1650) : histoire d’une ascension sociale et formation d’une fortune, thèse de l’école des Chartes, 1997, notamment p. 141 ;

Yves Le Guillou, « L’enrichissement des surintendants Bullion et Bouthillier ou le détournement des fonds publics sous Louis XIII », XVII^e siècle, n° 211, avril-juin 2001, 53^e année (n° 2), p. 195-213 ;

Yves Le Guillou, « Un surintendant des finances en Champagne : Claude Bouthillier », La vie en Champagne, n° 11, 1997, p. 5-15 ;

Yves Le Guillou, « L’enrichissement de l’avocat Denis Bouthillier (1540-1621) : radiographie d’une fortune », Revue de la Société internationale d’Histoire de la Profession d’Avocat, n° 9, 1997, p. 3-33 ;

Yves Le Guillou, « Denis Bouthillier (1540-1621), avocat au parlement de Paris », Revue de la Société internationale d’Histoire de la Profession d’Avocat, n° 7, 1995, p. 3-33.

Voir aussi Marie-Catherine Vignal Souleyreau, « Richelieu et les Bouthillier, seigneurs de Pont-sur-Seine », Mémoires de la Société Académique de l’Aube, tome CXLV, 2021-2022, parution 2023, p. 132-136.

Textes 29, 39, 57, 65, 83, 90, 104, 118, 119, 121, 122, 133, 134, 135, 148, 155, 182, 191, 196, 202, 210, 235, 287, 368, 374, 386, 396, 420, 422, 425, 427, 431, 432, 438, 457, 461, 464, 465, 466, 469, 489, 502, 516, 517, 529, 549, 568, 569, 574, 579, 580, 587, 596, 611, 612, 616, 628, 646, 648, 649, 661, 677, 683, 689, 690, 691, 692, 693, 724, 725, 729, 738, 741, 743, 761, 770, 780, 784, 794, 798, 804, 805, 815, 824, 829, 831, 840, 856, 860, 861, 864, 867, 873, 909, 915, 933, 938, 

1. Voir la lettre que Claude Bouthillier adresse, le 15 février 1636, au marquis Urbain de Maillé-Brézé, texte 580. [↩]
2. Michel Antoine, Le cœur de l’État : surintendance, contrôle général et intendances des finances (1552-1791), Paris, Fayard, 2003, p. 186 [↩]
3. Voir Claude Bouthillier à Louis XIII, Bordeaux, 15 novembre 1632, minute autographe conservée au Ministère des Affaires Étrangères, coll. Mémoires et Documents France, vol. 803, f° 297-298, avec la mention, au f° 298 v°« lettres à employer dans les Mémoires [de Richelieu], après celles de Monsieur ». Le texte figure partiellement en note dans Denis-Louis-Martial Avenel, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome IV, p. 405-406. La version qu’en donne Avenel ajoute cependant à la fin du texte transcrit sur ce site un développement qui ne figure pas sur le manuscrit retrouvé. Voir le texte 431. [↩]
4. Voir le courrier de Richelieu au marquis du Pont-de-Courlay, 6 juin 1636, publié par Denis-Louis-Martial Avenel, ouvrage cité, tome V, p. 481-482 ; et le courrier que Richelieu adresse à Claude Bouthillier, de Rueil le 23 juillet 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, t. VII, p. 194. [↩]
5. Claude Bouthillier au marquis du Pont de Courlay, Paris, 11 juillet 1636, original autographe conservé à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne, coll. Richelieu, vol. 17, f° 17-18, transcription publiée en ligne, texte 661. [↩]
6. Ibidem. [↩]
7. Antoine Adam (éd.), Tallemant des Réaux : Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, voir l’Historiette de la duchesse d’Aiguillon tome 1, p. 304-311, citation p. 307-308. [↩]
8. Yves Le Guillou, « Des Bouthillier aux Chavigny : l’implantation de “créatures” de Richelieu en Touraine », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, XLV, 1998, p. 501-528, voir p. 505-507, article consulté en ligne le 28/01/2023. [↩]

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