Sébastien Zamet (1588-1655) est le fils de Sébastien Zamet, financier italien originaires de Lucques, et de Madeleine Le Clerc du Tremblay. Il est le cousin germain du père Joseph. Après des études de théologie, Sébastien Zamet est reçu sociétaire de la « maison et société de Sorbonne » (1609). Abbé commendataire de Juilly, aumônier servant d’Henri IV, il devient évêque de Langres en 1614, et conserve sa charge épiscopale jusqu’à sa mort.

Il introduit dans son diocèse les oratoriens (1619), les jésuites (1620), ainsi que les carmes déchaux. Sébastien Zamet se montre particulièrement sensible à la spiritualité prônée par le cardinal de Bérulle. En 1624, il rencontre l’abbesse de Port-Royal des Champs, mère Angélique Arnauld. C’est lui qui introduit les oratoriens à Port-Royal, notamment Charles de Condren et le père Séguenot, mais surtout l’abbé de Saint-Cyran. Tout en gouvernant son diocèse, Sébastien Zamet devient, à partir de 1625 et jusqu’en 1633, le directeur spirituel de Port-Royal.

Au début du mois d’avril de cette année 1633, Sébastien Zamet, en compagnie de neuf autres évêques ou archevêques, signe le soutien de l’épiscopat français aux jésuites, face au Petrus Aurelius ((Voir la lettre que les représentants du clergé séculier adresse à Richelieu le 2 avril 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 179-181.)). Mis en cause par l’archevêque de Sens, Octave de Saint-Lary de Bellegarde (frère du duc de Bellegarde), Sébastien Zamet achève, au cours de l’été, de prendre ses distances avec l’abbé de Saint-Cyran en niant toute responsabilité dans l’affaire du Chapelet secret¹. 

Dès 1626, en effet, il envisageait, avec la mère Angélique Arnauld, la fondation d’une nouvelle maison, l’Institut du Saint-Sacrement, né du détachement de l’abbaye de Port-Royal de l’ordre de Cîteaux, et de la réunion à une autre communauté implantée près de Dijon, l’abbaye bénédictine du Tart, qu’il a réformée. Tous deux ont obtenu l’appui de Philippe Cospéau (ou Cospéan, Cospeau), qui intercède en leur faveur auprès des cardinaux Bentivoglio et Francesco Barberini, et auprès du nonce Bernardino Spada. À la même date, fin 1626 – début 1627, la sœur d’Angélique Arnauld, mère Agnès, qui a pris la tête de l’abbaye du Tart, compose un petit opuscule, Le Chapelet secret du Saint-Sacrement, très marqué par l’influence de Sébastien Zamet. Il s’est agi de la mise par écrit de réflexions mystiques, sous forme de seize petits textes, qui déclaraient l’amour infini de Dieu indissociable d’une indifférence totale au salut personnel des êtres humains.

Or dès 1630, Angélique Arnauld a renoncé à diriger la communauté qu’elle a co-fondée. Celle-ci est confiée à Marie de Jésus, ancienne sous-prieure du Carmel. Duvergier de Hauranne partage avec elle le refus de la spiritualité jésuite, le goût de la retraite, de l’isolement, de la simplicité, et de la pénitence, mais aussi le rejet du mysticisme. Tous deux ne peuvent accepter l’écart qui a vu le jour entre les déclarations d’intention de Sébastien Zamet et un mode de vie volontiers fastueux.

En 1633, le pape Urbain VIII ayant autorisé la fondation du Saint-Sacrement, qu’il place sous le gouvernement de l’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, de l’archevêque de Sens, Octave de Saint-Lary de Bellegarde, et de Sébastien Zamet, ce dernier quitte la direction de Port-Royal pour celle de l’institut implanté à proximité du Louvre. La mère Agnès Arnauld, dont la position spirituelle, comme celle de sa sœur, a considérablement évolué, écrit alors à Robert Arnauld d’Andilly à propos du Chapelet secret : « un petit écrit que je fis il y a six ans fort simplement pour exprimer quelques pensées que j’ai eues, sans en vouloir faire usage ni les communiquer à personnes » ((Citée par T. M. Carr, Voix des abbesses du Grand Siècle : la Prédication au féminin à Port-Royal, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2006, p. 104.)). La diffusion du document à l’extérieur de l’abbaye du Tart puis de Port-Royal ne s’est faite qu’à une dizaine de personnes². Parmi elles, l’archevêque de Sens, qui n’a de cesse d’obtenir la condamnation de l’écrit, trop content de pouvoir combattre l’influence de Zamet. L’opuscule a également été porté à la connaissance du supérieur jésuite Étienne Binet, ancien directeur spirituel de Port-Royal des Champs. Ce dernier se saisit également de l’opportunité pour critiquer les dérives des augustiniens. Le 18 juin 1633, alors même que l’évêque de Langres prend la direction de l’institut du Saint-Sacrement, huit docteurs de Sorbonne, sur évocation de l’archevêque de Sens, condamne le Chapelet secret. C’est pour répondre à ces attaques que mère Agnès écrit à Robert Arnauld d’Andilly. Pour la même raison, Sébastien Zamet écrit à Richelieu. En soulignant, en août 1633, le risque d’altération de la règle de saint Benoît, l’affaire attire l’attention de Richelieu autant sur Port-Royal, qui a été transféré faubourg Saint-Jacques à Paris, que sur l’institut du Saint-Sacrement. De surcroît, pour répondre aux attaques d’Étienne Binet, l’abbé de Saint-Cyran publie à la même époque une brochure qui défend le propos de mère Agnès Arnauld, et obtient l’approbation de l’université de Louvain et de Jansénius, avec réserve cependant ((Jean-Robert Armogathe, « Le Chapelet secret de Mère Agnès Arnauld », XVII^esiècle, 1991, n° 170, p. 77-86.)). En 1634, le pape Urbain VIII, prenant acte des soutiens qui se sont exprimés mais aussi de leurs doutes, ordonne la destruction des quelques exemplaires du Chapelet, sans le condamner. Comme mère Angélique Arnauld, Duvergier de Hauranne se montre de plus en plus critique vis-à-vis de l’évêque de Langres. Il est difficile de déterminer si Angélique Arnaud influence Duvergier de Hauranne ou si l’apologie du Chapelet par ce dernier détermine l’évolution de l’abbesse.

Au mois de mars 1635, Duvergier de Hauranne accepte de confesser les moniales de Port-Royal, ainsi que les religieuses du Saint-Sacrement. En 1636, Angélique et Agnès Arnauld se rejoignent dans la clôture. L’abbé de Saint-Cyran évince peu à peu Sébastien Zamet. Le Saint-Sacrement ferme ses portes en 1638. Sa position auprès de Richelieu n’est peut-être pas étrangère à l’arrestation de Saint-Cyran. Vers 1640, en tout cas, la « copie d’une lettre de Monseigneur l’évêque de Langres à Monseigneur l’évêque de Saint-Malo, touchant les maximes de l’abbé de S. Syran [sic] » est opportunément diffusée ((Hélène Duccini, Faire voir, faire croire : l’opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 451.)). Le propos, plus théologique et moral que politique, condamne surtout la pratique insuffisante des sacrements par la mère Angélique Arnauld ((Ibid. Jean Orcibal, quant à lui, se fondant sur les relations rédigées par Angélique Arnauld pour justifier sa position et celle de Saint-Cyran face à Zamet, évoque l’influence de la religieuse sur Duvergier de Hauranne et non une prise de conscience de la religieuse à l’écoute des sermons de l’abbé de Saint-Cyran ou à la lecture de sa défense du Chapelet secret.

Voir Jean Orcibal, Les origines du jansénisme. 3. Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, et son temps, Paris, J. Vrin, 1948, p. 427.)) ;

Joseph Bergin, The Making of The French Episcopate (1589-1661), New-Haven & London, Yale University Press, 1996, p. 719.

Texte 299, 

1. Voir l’évêque de Langres à Richelieu, août 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 413-415. [↩]
2. J. Lesaulnier, « Le Chapelet secret de la mère Agnès Arnauld », dans Chroniques de Port-Royal, 1994, n° 43, p. 9-23, voir p. 15. [↩]

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