Nicolas Bautru à Richelieu, Paris, 13 septembre 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 805, f° 64-65. Original autographe. Suscription sur le repli : « à Monseigneur ». 

Monseigneur,

Je ne puis laisser passer tous les sujets de contentement que le Roi et vous avez, sans vous témoigner la part que j’y prends, et celle que tous les gens de bien y prenne aussi.

Je vous puis assurer que les couvents entiers redoublent leurs ferventes prières à Dieu, pour qu’il plaise à sa bonté leur conserver le Roi en bonne santé, et vous aussi, Monseigneur, en qualité du meilleur, et du plus fidèle, et plus nécessaire serviteur que Roi ait jamais eu. Il n’y a plus de mauvaises langues dans Paris qui n’aient changé de langage et qui ne confessent que vous êtes, Monseigneur, le plus admirable qui ait jamais été, et qui méritez le plus de louanges. Il n’y a pas quatre jours qu’en une grande compagnie l’on disait tout haut que le Roi, notre bon maître, avait montré la force de son esprit et de son bon jugement en se conservant un ministre semblable à vous, malgré la plupart des grands de l’État, qui, assurément, vous eussent desservi auprès du Roi, si Sa Majesté eût tant soit peu relâché sa juste bonne volonté qu’il a pour vous, et qu’il aura toute sa vie. Il n’y a maintenant pas grand mérite à se dire dans le royaume votre humble serviteur. C’est une qualité si avantageuse que je ne vois guères de gens qui ne fissent leur possible pour l’acquérir. Je fus hier au Bois-le-Vicomte avec M. de La Rivière, où nous visitâmes votre cavalerie. Je crois que, des quatre petits courriers, il s’en trouvera deux pour le moins en la personne du Roi, qui est la meilleure nouvelle que je vous puisse mander sur ce sujet. Il y en a sept autres de Danemark, qui sont chevaux à faire présent, ou à vous en servir. Les neuf jeunes poulains de Limousin sont très beaux et embellissent tous les jours. Quand vous serez de retour, vous verrez ceux que vous destinez pour coureurs, et celui que vous destinerez pour manège. Nous avons donné charge que l’on galopât un peu vos chevaux de Danemark, craignant que le séjour ne les gâtât. 

J’oubliais à vous dire que l’on dit dans Paris, en de bons lieux, qu’il est plus avantageux pour le Roi d’avoir pris M. de Montmorency en cette saison que si on avait pris Cambrai. Jamais nouvelles n’a tant réjoui les serviteurs du Roi et de l’État. Je vous envoie un paquet de M. de Saint-Chamond. M. le Comte [de Soissons] se prépare pour aller en Picardie, qui a bien sa part en son cœur la prise de M. de Montmorency. 

Je vous dirai, Monseigneur, que le nombre de vos serviteurs est augmenté d’un garçon qui a plu à Dieu me donner, mais la pauvre mère [née Marie Coulon] est bien fort malade. Elle a toujours eu la fièvre depuis qu’elle est accouchée. Elle sera demain matin saignée du pied. Cela me met bien en peine. Elle est votre très humble servante. Je prie Dieu qu’il vous conserve en santé. Il m’ennuie bien que je n’aie l’honneur d’être auprès de vous. Ce sera le plus tôt que je pourrai. Cependant faites-moi, s’il vous plaît, l’honneur de me croire avec toute sorte de passion, Monseigneur, de Votre Éminence, le très humble, très obéissant, très fidèle et très obligé serviteur,

N. Bautru

Ce 13^e septembre au soir 1632, à Paris.

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