Le duc de Chaulnes à Richelieu, Saint-Quentin, 17 septembre 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 1675, f° 222-224. Original autographe. Suscription au f° 224 v° : « à Monseigneur, Monseigneur le cardinal ». 

Monseigneur,

Je vous supplie de me pardonner si n’ai-je pu refuser à M. d’Espagny ce mot de recommandation, qu’il a désiré que j’eusse l’honneur de vous faire en sa faveur, pour un bénéfice qui est vaquant auprès de sa maison. Je joins ma très humble supplication avec la sienne, vous affirmant, Monseigneur, que, s’il restait quelque grâce de votre bonté, qu’il n’y a personne au monde qui vous en demeure plus redevable, ni de laquelle vous puissiez espérer plus de fidélité et d’obéissance. 

Du surplus, Monseigneur, je ne vous saurais exprimer avec quel sentiment de joie les nouvelles de l’heureux succès des armes du Roi en Languedoc et de la défaite des troupes de M. de Montmorency ont été reçues dans cette province, et particulièrement de moi, qui, prenant une entière part à tout ce qui peut regarder votre repos, souhaite avec passion l’accomplissement de tous vos généreux desseins, et prie Dieu que comme cette heureuse action doit être la fin de toutes les affaires qui sont par-delà, qu’elle soit aussi le sujet du retour de Sa Majesté, afin que, vous revoyant par-deçà dans une parfaite santé, nous puissions aussi être plus proches des occasions de vous servir. 

Pour ce qui est de cette province, toutes choses y sont fort calmes, comme aussi dans ce voisinage, n’y ayant seulement qu’environ deux mille hommes que Don Carlo de Colonne [don Carlos Colonna] tient en cette frontière, tant pour l’appréhension de nos troupes que celle du siège de Cambrai, dont ils ont grande alarme jusque-là qu’ils ont coupé tous les arbres et buissons qui sont aux environs de ladite vile, laquelle encore les ont munie puissamment de toutes choses nécessaires [sic]. Ils croient, par même moyen, avec les mêmes troupes, mettre à couvert Bouchain et autres villes, dont ils ont défiance. Et pour cet effet, ils projettent un fort à Arleux, qui est à deux ou trois lieues dudit Bouchain, lieu fort avantageux et qui couvre l’entrée du Pays-Bas, d’autant que n’y ayant aucune ville entre Cambrai et Arras, l’entrée et le passage demeure autrement fort libre. Depuis que je suis en cette vile, le doyen de Cambrai [François de Carondelet] a pris quelque soin de me visiter, et m’entretenir mêmes des affaires de ces pays, et de l’affection qu’il a au service de Sa Majesté. Mais je vous avoue, Monseigneur, que par tous ses discours, je n’ai jamais rien pu connaître ni de certain ni de présent. Mais comme ce sont des affaires dont M. d’Hauterive a le secret et la direction, je n’en dirai rien davantage, m’assurant qu’il a l’honneur de vous en tenir informé. Pour ce qui est des troupes que nous faisons camper, nous sommes toujours attendant les commandements de Sa Majesté et les vôtres, comme aussi sur le sujet de celles qui viennent d’Allemagne, et qui commencent d’entrer dans cette province, sans que nous ayons su encore aucun ordre. Nous l’attendons à toute heure de M. le Comte [de Soissons] pour l’exécuter soigneusement mais cependant, Monseigneur, je vous supplie me conserver l’honneur de vos bonnes grâces, et croire que je suis toujours dans le dessein et dans la passion de vivre, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Chaulnes

Monseigneur, j’ajouterai encore ces lignes pour vous dire que j’apprends que nos voisins ne sont ni en bon état de faire diversion dans cette province, ni qui puissent nous donner grand trouble, la confusion étant si grande parmi eux, qui ne savent de quel côté se tourner.

De Saint-Quentin, <17 septembre>.

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