Charles Vialart, en religion frère Charles de Saint-Paul, à Richelieu, Paris, 21 septembre 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 805, f° 82. Original autographe.

Jésus Maria

Monseigneur,

Comme ma raison et ma passion m’obligent à exécuter vos commandements avec autant de promptitude que de fidélité, j’envoyai à Pignerol notre provincial de Bourgogne aussitôt que j’eus reçu la lettre qu’il vous plut me faire donner à votre départ de Paris. Messieurs de Toiras, de Servien¹, d’Estampes et de Toulonjon² ont trouvé bon de le mettre en possession de l’abbaye de Pignerol, et de renvoyer les religieux piémontais avant que les Français y fussent arrivés, que j’attendais à faire partir à la première nouvelle que l’on me donnerait qu’ils seraient reçus. Cela a été ainsi exécuté.

Mais il est arrivé ensuite que les religieux piémontais ont fait appeler à Rome notre provincial, prétendant faire déclarer par le saint Père que ce monastère leur demeurera. Or, comme le service du Roi est intéressé en cette affaire, j’ai cru être obligé, Monseigneur, de vous supplier très humblement, comme je fais, qu’il vous plaise agréer que M. Bouthillier³ en écrive à M. de Brassac de la part du Roi, afin qu’il en parle à Sa Sainteté et au cardinal Borghèse, abbé de cette abbaye, et qu’il fasse maintenir les ordres que le Roi a donnés. Je craindrais sans cela que nous fussions aussi maltraités en cour de Rome dans cette affaire que nous avons été en notre séparation. Je n’ose vous supplier, Monseigneur, dans [sic] écrire un petit mot, bien que je sache que vos lettres ont un pouvoir absolu sur les volontés pour les porter à ce qu’il vous plaît, aussi bien que votre présence qui, seule, est capable de faire tomber les armes des mains aux rebelles, et d’obtenir des victoires au Roi aussitôt qu’il les désire, car ce serait passer pour fort importun, maintenant que vous êtes occupé aux plus grandes affaires qui furent de longtemps dans l’État. Je me contenterai, Monseigneur, de vous supplier très humblement d’y faire donner et d’y prescrire l’ordre qu’il vous plaira, et qui ne me donnera point auprès de vous la qualité d’importun que je fuirai toute ma vie avec autant de soin que j’ai de passion de mériter par mes services l’honneur d’être, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,

Frère Charles de Saint-Paul

De Paris, ce 21 septembre 1632.

1. Sans doute Ennemond Servien, plutôt que son frère Abel Servien. [↩]
2. Le comte de Gramont est également titré comte de Toulonjon. Il s’agit probablement de lui. Son fils cadet, Henri de Gramont, qui reprend le titre, est né en 1619, et n’aurais donc que 13 ou 14 ans. [↩]
3. Léon Bouthillier remplace depuis quelques semaines son père, Claude Bouthillier, devenu surintendant des finances, aux fonctions de secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Il reste cependant difficile d’établir de manière certaine à qui de père ou de fils se réfère Charles Vialart. [↩]

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