Le maréchal de La Force à Louis XIII, Lunéville, 3 juillet 1635.

Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 25, f° 267-268. Original de la main d’un secrétaire, sauf la signature et la formule finale autographe. Suscription au f° 268 v° : « au Roi ».

Sire,

Par deux dépêches consécutives, je donnais avis à Votre Majesté comme le duc Charles de Lorraine avait assiégé Colmar et que, vu l’importance de cette place, nonobstant les incommodités et faiblesse de cette armée, que ne laisserais de la remettre en corps pour en être en état de marcher dans six ou sept jours, qui pourrait être le temps que les commandements de Votre Majesté me pourrait arriver, mais, sur la dépêche que ce courrier me vient d’apporter, je vois que Votre Majesté veut que les troupes que M. de Bellefonds m’avait laissées, qu’il les reprenne pour les conduire entre Vergaville et Vic, afin de les joindre à l’armée que M. le cardinal de La Valette doit commander, ensemble M. le colonel Hebron et son régiment. Je ne manquerai de faire effectuer le tout ponctuellement, mais, en attendant que M. de Bellefonds arrive et que M. le cardinal de La Valette puisse être à son rendez-vous, je ne quitterai point les postes que j’avais prises pour ne laisser les passages libres au duc Charles de venir dans la Lorraine, lequel étant fort de cavalerie, comme il est, pourrait facilement entrer dans le pays et ravager tout, et supplie Votre Majesté de considérer qu’après que les troupes de M. de Bellefonds et le régiment écossais auront joint l’armée que M. le cardinal de La Valette doit commander, qu’ayant éloigné cette frontière, je me trouverai si faible pour me pouvoir apposer au duc Charles en cas qu’il me faille aller à lui, ainsi que j’en suis pressé par M. de Manicamp et ceux de Colmar, que ce serait à moi trop de témérité de l’entreprendre et de préjudice à la réputation des armes de Votre Majesté, d’ailleurs quand ledit duc voudra entreprendre de donner dans la Lorraine, je serai du tout hors de moyen de m’y pouvoir opposer, ainsi que j’ai prié M. le comte de Roussy de représenter plus particulièrement à Votre Majesté.

Votre Majesté trouve étrange la grande inégalité qui s’est trouvée au nombre que nous lui avions mandé être vers Montbéliard et Porrentruy, duquel son armée était composée avec ce qui s’y est trouvé depuis en Lorraine à la revue qui en a été faite. Mais Votre Majesté aura pu voir la cause, si on lui a fait entendre les raisons que je représentais, qui est des régiments qui étaient arrivés depuis, et du grand nombre de compagnies que l’on avait retiré des garnisons et fortes recrues qui étaient arrivées. Je la supplie très humblement de croire que j’y rapporte en bon et fidèle serviteur tout ce qu’il m’est possible. Mais je ne vois bien qu’un chacun a désir de se recommander aux dépens d’autrui, attaché possible plus à ces intérêts particuliers qu’au bien du service de Votre Majesté.

Le sieur Renard ne peut pas dire qu’il ne soit été aussi absolu ici en l’exercice de sa charge que s’il eut été le général et que je ne lui ai toujours offert toute l’assistance qu’il pouvait désirer de moi, ne lui ayant jamais rien refusé de ce qu’il a voulu, n’ayant tenu qu’à lui qu’il n’y ait suivi l’ordre qu’il eût peu désirer et pour rejeter ses propres fautes sur autrui, a été bien aise de s’en aller sans me dire adieu. J’ai une si forte passion que Votre Majesté soit bien servie que je ne manquerai jamais d’observer exactement ce qui me sera commandé.

J’ai envoyé l’état des logements de cette armée dans lequel on aura pu voir qu’il n’y en a point de plus près de Nancy que Saint-Nicolas [Saint-Nicolas-de-Port] et Rosières [Rosières-aux-Salines], qu’il était fort mal aisé d’éviter et ne donnent aucun empêchement à faire la récolte, et puis dire qu’en toute la Lorraine il n’y en a point de plus malicieux contre le service de Votre Majesté que ceux de Saint-Nicolas. Je ne manquerai jamais, s’il plaît à Dieu, à rendre à Votre Majesté tout ce qui sera du devoir, Sire, de votre très humble, très obéissant et très fidèle sujet et serviteur,

Caumont La Force

Je viens depuis ma lettre écrite de recevoir un billet de M. de Manicamp par un officier du régiment de Castelmoron, qu’il a fait sortir exprès. Je l’envoie à Votre Majesté.

Ce 3^e juillet 1635, au camp de Lunéville.

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