Claude Gobelin à Claude Bouthillier, Nancy, 19 septembre 1635.

Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 26, f° 119-120. Original autographe. Suscription au f° 120 v° : « à Monseigneur, Monseigneur Bouthillier, conseiller du Roi en ses Conseils et surintendant de ses finances ». Pour le classement : « M. Gobelin, Nancy, 19 septembre 1635 ».

Monseigneur,

Vous aurez peut-être déjà su la perte que nous avons fait de nos chevaux des vivres à quarante près qui ont été enlevés dans Saint-Nicolas [Saint-Nicolas-de-Port] par le chevalier de Clinchamp, ce qui a fait résoudre pour pourvoir à notre subsistance de faire un autre grand convoi des chevaux et charrettes de notre armée où M. de Fontenay [le marquis de Fontenay-Mareuil], maréchal de camp, est venu commander.

L’on a trouvé à propos que je fusse de cette partie pour pendre l’occasion de faire un châtiment exemplaire des habitants de Saint-Nicolas par la bourse ou en quelque autre façon. J’ai trouvé, pour cet effet, moyen de faire assembler aujourd’hui, prenant prétexte d’autre chose, vingt ou vingt-cinq des principaux d’entre eux. Et leur ayant fait connaître le ressentiment de Messieurs nos généraux de la perte de nos chevaux et de quelques malades de l’armée qui avaient été assassinés dans Saint-Nicolas où était notre hôpital, après plusieurs discours, j’ai disposé tous les principaux de ce bourg par la crainte d’un juste et rigoureux traitement de s’obliger au paiement de cent mille livres dans quinze jours. Et pour sûreté, je viens de mener dix des plus riches d’entre eux prisonniers à Nancy, que si le Roi trouve que cette somme soit un peu trop grande, Sa Majesté la pourra modérer. Et ce que l’on en tirera servira à payer la rançon de quelques officiers de l’hôpital et commis des vivres, qui ont été pris prisonniers, et acheter des chevaux au lieu de ceux qui ont été enlevés. Et en quelque façon que ce soit, il faut faire punition de ce bourg, afin que l’exemple retienne les autres habitants de la Lorraine, où il semble qu’il ne faut pas apporter à présent de la douceur. Il se peut faire que quelques principaux habitants ayant trempé en cette entreprise, mais je n’en ai pu encore découvrir des preuves, au contraire aucuns ont été pillés, et d’autres ont sauvé la vie à leurs hôtes français. Pour le menu peuple, beaucoup y ont participé et plusieurs s’en sont allés avec les ennemis.

J’ai donné avis à M. de Barrault qu’il y avait vingt-cinq ou trente gentilhommes de la noblesse de Normandie qui étaient venus loger à Nancy pour se retirer de l’armée, et qu’il était venu à propos de les faire arrêter à la sortie des portes, ce qu’il a donné ordre de faire. Il est important que le Roi s’avançant donne remède à ces débandements que j’appréhende souvent être fréquents dorénavant.

J’ai été <…> surpris, Monseigneur, d’apprendre par la copie de la lettre que le Roi écrit à M. de Vaubecourt l’ordre qu’il avait reçu de s’en retourner en diligence à Commercy, mais n’en sachant pas les raisons, je n’ai rien à y dire, sinon que nous nous réjouissons <…> de la venue de cette armée qui devrait produire vraisemblablement des effets très avantageux pour le service du Roi en l’état où sont les affaires de-deçà. S’il est vrai, comme l’on dit, que l’armée du duc Charles ne se puisse facilement, ses forts, lignes de communication et redoutes étant <…>, il est nécessaire de tenir une petite armée au poste où nous sommes à présent, où encore plus avancé pour empêcher qu’il ne puisse tirer du fourrage du côté de Lunéville, Vic [Vic-sur-Seille] et de toutes ces plaines. Il en faut encore tenir une autre entre Rambervillers et Épinal pour l’empêcher de tirer du fourrage de ce côté et des vivres du comté de Bourgogne. Il faut avoir à Baccarat cinq cents chevaux et cinq cents du côté de Blâmont, Phalsbourg et autres lieux de ces quartiers-là. Il en faut encore avoir autant à Ravon [Raon-lès-Leau], et cela étant il ne saurait tirer du <foin> des vallées de Saint-Dié, Bruyères, <Ravoy>. Et ainsi, il faudrait qu’il pérît <…> combattre, et s’il est forcé de se retirer, il ne le peut qu’en désordre et qu’en nous donnant lieu de défaire la plus grande partie de son armée. Je vous écris, Monseigneur, avec liberté mes sentiments, sachant que vous les aurez agréables puisqu’ils viennent de la passion que j’ai au service du RoI de la part de, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Gobelin

À Nancy, le 19 septembre 1635.

<Hier> au soir, après être partis du camp de Magnières, M. le duc d’Angoulême nous écrivit que le château de Moyen parlementait.

---

---