Le duc d’Angoulême et le maréchal de La Force, à Louis XIII, Magnières, 21 septembre 1635.

Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 26, f° 143-144. Original, de la main du secrétaire du maréchal de La Force. Suscription au f° 144 v° : « au Roi ». Pour le classement : « MM. d’Angoulême et de La Force, 21 septembre 1635 ».

Sire,

La disposition en laquelle se rencontrent maintenant les affaires de-deçà nous avait fait désirer la jonction de M. de Vaubecourt avec les troupes qu’il mène. Mais il n’y a rien à redire à ce qu’il plaît à Votre Majesté ordonner. Il est certain que nous sommes assez forts pour faire la loi à la campagne au duc Charles de Lorraine. Mais le bon secours qui est venu de cette noblesse de l’arrière-ban n’a été aussi tôt à nous que nous espérions. La dilation  a donné moyen audit duc de ramasser toutes ses forces et se prévalant du temps et au moyen de se retrancher et fortifier puissamment par quantité de forts et une grande circonvallation autour de Rambervillers, de sorte que nous ne pourrions l’aller attaquer là qu’avec le désavantage que donne une telle fortification, ce qui nous obligeait de désirer les forces de M. de Vaubecourt afin de nous l’aller placer tout aux environs de lui, en sorte que nous lui fissions périr son armée, lui coupant les vivres de tous les côtés. 

Il est certain que toute cette noblesse que tenons plein de courage ferait merveilles en un combat. Mais, pour pareilles occasions, là où il est impossible qu’il ne faille pâtir, nous craignons bien qu’ils ne le puissent supporter. En effet, ce n’est pas sans peine que nous les contenons, y ayant toujours parmi eux force murmure, comme il y a des esprits plus impatients les uns que les autres, et tous les jours il s’en échappe quelques-uns, et jugeons qu’il serait très à propos qu’il plût à Votre Majesté leur en écrire, ou à M. le duc de Longueville, quelque bonne lettre pour les obliger à ne rendre pas inutile et sans la peine qu’ils ont eue jusqu’ici, et les témoignages qu’ils ont rendu de leur bonne volonté [sic]. 

Nous ne devons pas taire à Votre Majesté que véritablement à le prendre au nombre soit de cavalerie, soit d’infanterie que les ennemis en ont plus que nous, néanmoins, nous ne faisons aucunes difficultés que partout où nous pourrons aller à eux, qu’ils tiennent pied devant nous et tacherons de les incommoder en sorte, s’il est possible, que nous les puissions contraindre par la  nécessité des vivres que nous leur faisons quitter ce post [sic] de Rambervillers ; que si nous pouvons faire cela, sans doute nous les pousserons partout sans marchander, et en ce lieu-là mêmes, si Votre Majesté en donne le commandement absolu, étant un coup de maître, et sans lequel nous craindrions que la perte qu’il en pourrait arriver nous fût reprochée, ne craignant point d’exposer librement nos vies partout où son service le requerra.

Votre Majesté aura su l’accident qui est arrivé aux chevaux de la munition que nous envoyons à Nancy pour en retirer les pains et farines nécessaires à la subsistance de cette armée. M. de Rambures, qui conduisait l’escorte, s’arrêta à Rosières, suivant notre ordre. Mais ceux qui menaient les chevaux voulurent aller jusqu’à Saint-Nicolas[-de-Port] pour être plus à leur aise. Le malheur a été tel qu’il se rencontra que les ennemis avait fait une partie de sept ou huit cens chevaux pour enlever les malades de l’armée qui s’y est retirés, ce que nous tenons être provenu de la déloyauté des habitants qui avait promis de les garantir, sur l’assurance que nous leur avions donnée aussi de les exempter de logement, la même nuit qu’ils y devaient donner, ce soir-là y étaient arrivés lesdits chevaux de voiture. Nous avons jugé raisonnable que les habitants fussent contraints de payer ladite perte et leur faire fournir l’argent nécessaire pour acheter pareil nombre de chevaux et satisfaire à la rançon des malades qu’ils en ont emmené prisonniers et payer leurs chevaux. 

M. de Fontenay [le marquis de Fontenay-Mareuil], que nous avons envoyé pour conduire un nouveau convoi, nous a écrit, et M. de Gobelin qui était allé avec lui¹, qu’ils ont saisi les principaux habitants et les ont fait obliger à la somme de cent mille francs pour y satisfaire. Les ennemis avaient fortifié le château de Moyen, à un quart de lieu d’ici, ayant jugé l’incommodité que nous en pouvions recevoir. Le laissant derrière, nous résolûmes de le faire attaquer. M. le marquis de Sourdis y alla avec quatre régiments et quelque cavalerie, pensant même par ce moyen attirer les ennemis hors de leurs retranchements pour le venir secourir et rencontrer l’occasion de les combattre. Mais ils ont laissé emporter ce château sans essayer de le secourir, après avoir enduré trois ou quatre cents coups de canon, et n’a tenu que trois ou quatre jours, y ayant M. le marquis de Sourdis apporté bonne diligence.

Il plaira à Votre Majesté nous adresser ses commandements sur tout ce qui sera de ses volontés, lesquels attendant, nous prions Dieu incessamment, Sire, pour l’accroissement de la royale grandeur de Votre Majesté et qu’il lui donnent en parfaite santé très heureuse et longue vie, vos très humbles et très obéissants et très fidèles serviteur et sujet,

Charles de Valois, Caumont La Force

Sire, nous avons jugé à propos que M. de Mayola fût porteur de cette dépêche. Il pourra plus particulièrement représenter toutes choses à Votre Majesté.

Du camp de Magnières, le 21 septembre 1635.

1. Claude Gobelin à Claude Bouthillier, Nancy, 19 septembre 1635, Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 26, f° 119-120, voir texte 469. [↩]

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