Henri de Jaubert, comte de Barrault, à Louis XIII, Nancy, 22 septembre 1635.

Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 26, f° 176-177. Original autographe. Suscription au f° 177 v° : « au Roi ».

Sire,

Encore que Votre Majesté ait été informée par le retour du sieur de Bordeaux [l’archevêque de Bordeaux, Henri d’Escoubleau de Sourdis] de l’état de cette place et de tout ce pays, je ne lairre [laisse] néanmoins de lui représenter succinctement  que les ennemis, voyant le peu d’effet de ce grand corps d’arrière-ban depuis son arrivée, dont on les avait tant menacés, et au contraire eux faire tous les jours des progrès, pillent et prennent tout, même à Saint-Nicolas [Saint-Nicolas-de-Port] furent il y a cinq ou six jours, où ils prirent tous les chevaux de munitions au nombre de sept ou huit cents, tuèrent quelques-uns et prirent prisonniers, entre autres, trois commis de [Jean] Roze, auxquels ils demandent très grande rançon, les a tellement enorgueillis qu’il n’y a guère de personne dans toute la Lorraine qui n’ait pris les armes sur les ordonnances qu’a envoyé le duc Charles, lesquelles il fait courir partout, dont j’en envoie à Votre Majesté pour les voir.

Cela fait qu’ils se sont étendus tellement par le pays qu’on ne peut aller en aucune part, ni même sortir de cette ville sans courir hasard d’être pris, [ce] qui fait qu’on ne porte guère plus de vivres en cette ville et par ce  – aussi – que les armées et gens de guerre qui ont passé et repasse et fait des logements avec le long séjour que M. d’Angoulême fit ici avec toute cette noblesse qu’amena M. de Longueville et M. d’Arpajon ont ruiné tous les lieux circonvoisins, dont venait toute la subsistance, qui fait qu’à présent en avons peu, et bien cher, et si encore avec cela toute l’armée de MM. d’Angoulême et maréchal de La Force n’ont de vivres ni n’en peuvent avoir que d’ici, qui nous cause la disette tous les jours, fait que le soldat ne pouvant vivre pour la solde que leur donne Votre Majesté, qui n’est à présent que de huit monstres au lieu de dix qu’ils faisaient ci-devant, où les vivres étaient à grand marché et les monnayer plus basses, quittent la garnison pour ne pouvoir vivre tellement qu’avec ce que j’ai dehors et les six cents hommes que j’ai donné à MM. d’Angoulême et de La Force, et les malades, la garnison est si faible qu’elle me contraint de supplier très humblement Votre Majesté de la fortifier, ainsi qu’elle verra être à propos, même de cavalerie, dont en avons très grand besoin. Commander cependant à M. d’Angoulême de me renvoyer les gens que je lui a donné, car jamais on n’en a eu tant de besoin pour la conservation de cette place qu’à présent pour les desseins continuels que les ennemis y ont, comme j’en ai avis de toute part.

Je dirai aussi à Votre Majesté que pour les munitions, de quoi nous n’en avons pas de beaucoup près ce qu’il nous faut parce que MM. les généraux en ont toujours pris, disant qu’ils ne pouvaient faire sans cela et comme je désire l’avancement du service de Votre Majesté, autant et plus que personne du monde, m’a fait leur en donner, même par ce dernier convoi deux moyennes, ce que je ne ferai plus si ce n’est que par ordre exprès de Votre Majesté. J’envoie à M. [Léon] de Bouthillier quelques lettres des avis qu’on me donne de Strasbourg des sièges et entreprises que font les ennemis. 

Je supplie donc Votre Majesté de faire pourvoir aux nécessités de cette place <…> lui écrits et lui auront été représentées par les amples mémoires qu’a emporté le sieur de Bordeaux et après l’avoir assuré de ma très humble obéissance et fidélité, je prierai Dieu donner à Votre Majesté, Sire, en très parfaite santé très longue et très heureuse vie, votre très humble et très obéissant fidèle sujet et serviteur,

Barrault

De Nancy, ce 22 septembre 1635.

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