Isaac de Laffemas (1584-1657) est issu d’une famille de petite noblesse sans fortune du Dauphiné. Il est le fils de Barthélemy de Laffemas, dit « Beausemblant » (du nom du village dont était originaire la famille), « tailleur du prince de Navarre, puis l’un de ses valets de chambre, puis “marchand en son argenterie” »¹, contrôleur général du commerce en 1602 et auteur d’ouvrages économiques, concernant notamment la soie.

Après des études au collège de Navarre, et s’être essayé à la poésie et à la comédie au sein de la compagnie de Valleran (jusqu’en 1605), Isaac de Laffemas est reçu avocat au Conseil². Il épouse, en 1608, Jeanne-Marie Haudessens († 1616), fille de Laurent Haudessens, notaire au Châtelet. Le couple a quatre enfants, dont Guichard de Laffemas, conseiller au parlement de Metz, et Laurent, dit « l’abbé de Laffemas ». Isaac de Laffemas se tourne dès lors définitivement vers la carrière judiciaire.

Le 21 juin 1613, il obtient de Marie de Médicis une charge de secrétaire du Roi, puis, le 31 janvier 1620, celle de procureur en la chambre de justice³. Le 17 octobre 1625, il devient maître des requêtes et met sa plume au service de Richelieu, dont il se fait le pamphlétaire. Il devient ainsi l’informateur de Richelieu au cours de l’affaire Chalais, en 1626.

En janvier 1631, il est chargé, en compagnie d’Isaac de Juyé, seigneur de Moricq, de l’instruction du procès du maréchal de Marillac⁴. Au mois de juillet suivant, et pour une raison inconnue, Laffemas demande à être relevé de ses fonctions, il est provisoirement remplacé par un autre magistrat au parlement de Dijon, Antoine de Bretagne. La correspondance de Richelieu montre qu’au cours du printemps, Laffemas et le comte d’Argenson traitent d’une entrée en charge : s’agit-il de la reprise du procès du maréchal de Marillac, ou de l’intendance de police, justice et finances à Limoges ? Le doute subsiste⁵.

En octobre 1632, il instruit le procès d’un faux-monnayeur, le sieur de Saint-Michel. Louis Testu écrit alors à ce sujet à Richelieu : « Le sieur de Saint-Michel a été accusé devant le sieur de Laffemas sur le sujet de fausse monnaie, son valet en ayant exposé quelque cent d’écus, de sorte qu’il a fait ordonner par la Chambre qu’on le prendrait, si bien que mon lieutenant y a été sans que je le susse. Et M. le commandeur de La Porte, et en ayant eu avis, s’y est transporté, qui me l’a envoyé dire, et j’y ay été, et m’étant enquis et vu ce que c’était. Ledit sieur commandeur en a parlé audit sieur de Laffemas, qui, malaisément, s’en est relâché, faisant à mon avis la chose plus noire qu’elle n’est, et néanmoins il n’a pas été mené à la Bastille, et ledit sieur commandeur l’a pris, et s’en est chargé. Je crois qu’il vous en a écrit plus particulièrement »⁶.

Il accède aux fonctions d’ “intendant de justice de Champagne, Metz, Toul et Verdun”⁷ en 1633-1634, années au cours desquelles il acquiert, dans le cadre de ses attributions, la réputation de « bourreau de Richelieu »⁸. Pierre La Porte, dans ses Mémoires, le surnomme aussi « le grand gibecier de France »⁹.

Comme Michel Charpentier à Metz, il est chargé d’instruire le procès des gentilshommes qui ont adhéré au parti du duc d’Orléans en 1632 et trahi le Roi dans le ressort qui est le sien :  ” je vous dirai que j’ai instruit force contumace contre plusieurs gentilshommes assez qualifiés, qui sont convaincus d’avoir levé des troupes, rançonné les sujets du Roi et porté leurs armes contre Sa Majesté à la défaite de Castelnaudary”  ¹⁰. Outre le cas de François de Rochechouart, chevalier de Jars, il rapporte aussi, en 1633, les péripéties de l’affaire dite « du marquis de Saint-Ange », de son vrai nom Jehan de Médicis, porteur d’une importante correspondance chiffrée destinée au cardinal-infant. Isaac de Laffemas et Pierre Séguier, nommé garde des sceaux à la suite de la disgrâce du marquis de Châteauneuf, échange une correspondance régulière tout au long de l’année¹¹.

Elle se tarit cependant pour les années 1634-1635 et ne reprend qu’en 1636¹². La correspondance de Richelieu pour l’année 1634 évoque un conflit opposant Pierre Séguier à Isaac de Laffemas, à propos d’une affaire de faux-monnayage, qui pourrait être à rapprocher de celle de 1632¹³. La question de la place de Laffemas dans l’entourage de Richelieu et celle de son rôle d’intendant à l’époque de la mise-en-place progressive des intendants de province sont sous-jacentes à la carrière d’Isaac de Laffemas.

S’il est nommé intendant à Limoges par lettres de commission en date du 22 juillet 1634, signées par Abel Servien¹⁴, il n’exerce peut-être jamais réellement ses fonctions, en raison des tâches qui lui incombent à Paris. Camille Rivain et Alfred Leroux, dans Leur Inventaire-sommaire des archives départementales de la Haute-Vienne, série C, fonds de l’intendance de Limoges¹⁵, ne mentionnent d’ailleurs pas Isaac de Laffemas, mais uniquement le comte d’Argenson pour cette période. En septembre 1634, Laffemas est en conflit, à Paris, avec Pierre Séguier, et au printemps 1635 il instruit à la chambre de l’Arsenal le procès de Pierre Le Tonnelier et de Marie d’Estournel, dame de Gravelle¹⁶.

Isaac de Laffemas accède à la charge de lieutenant civil en 1637 ou en 1639, et en exerce les fonctions jusqu’en 1645¹⁷.Michel Popoff signale enfin qu’il accède à la charge de grand voyer de France en la généralité de Paris¹⁸.

Paul Hay du Châtelet, qui, outre ses attributions judiciaires, et à l’instar de Laffemas, a également mis sa plume au service de Richelieu, produit en 1634 une violente diatribe contre « le bourreau » intitulée Apologie pour Malefas.

Laffemas, devenu veuf, a convolé en secondes noces, le 20 avril 1619, avec Charlotte Béquet, dont il a également quatre enfants. Il décède le 16 mars 1657.

Si Gédéon Tallemant des Réaux lui a consacré une de ses Historiettes¹⁹, Laffemas est surtout passé à la postérité en devenant une figure centrale de Marion Delorme, de Victor Hugo.

Voir aussi Hélène Fernandez-Lacôte, Les procès du cardinal de Richelieu : droit, grâce et politique sous Louis le Juste, Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 196-202.

Textes 74, 175, 318, 698, 839, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Antoine Adam, Tallemant des Réaux : Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, p. 1123. [↩]
2. Michel Popoff (pub.), Prosopographie des gens du parlement de Paris (1266-1753) : d’après les ms. Fr. 7553, 7554, 7555, 7555 bis conservés au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, Paris, le Léopard d’Or, 2003, 2 volumes, t. 1, p. 312. [↩]
3. Antoine Adam, Tallemant des Réaux…, ouvrage cité, t. 2, p. 1124-1125. [↩]
4. Voir Pierre Grillon – éd. -, Les Papiers de Richelieu. Section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome 6 : 1631, Paris, Pédone, 1985, documents n° 313, 569, 681, 682, 732 et 746. [↩]
5. Voir le comte d’Argenson à Richelieu, 9 mars 1632, texte publié en ligne par Marie-Catherine Vignal Souleyreau, lien ci-dessus au texte 74. [↩]
6. Dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 461. [↩]
7. Isaac de Laffemas à Pierre Séguier, 6 mars 1633, dans  Roland Mousnier – éd. -, Lettres et mémoires adressés au chancelier Séguier (1633-1649), Paris, Presses Universitaires de France, 1964, 2 volumes, t. 1, p. 197-198. [↩]
8. Georges Mongrédien, Le Bourreau du Cardinal de Richelieu. Isaac de Laffemas – documents inédits –, Paris, Bossard, 1929. [↩]
9. Repris par Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux…, ouvrage cité, t. 2, p. 1126. [↩]
10. Isaac de Laffemas à Pierre Séguier, 20 mars 1633, Voir Roland Mousnier – éd. -, Lettres et mémoires adressés au chancelier Séguier – 1633-1649 –, Paris, Presses Universitaires de France, 1964, 2 volumes, t. 1, p. 198. [↩]
11. Voir Roland Mousnier – éd. -, Lettres et mémoires adressés au chancelier Séguier – 1633-1649 –, ouvrage cité, au t. 1, p. 197-203 ; 206-219 ; 222-223. [↩]
12. Lettres et mémoires adressés au chancelier Séguier (1633-1649), ouvrage cité, au t. 1, p. 309-320 ; p. 330-332. [↩]
13. Voir Claude de Bullion à Richelieu, 11 janvier 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, t. 1, p. 162-163 et Claude de Bullion à Richelieu, 5 septembre 1634, au t. 2, p. 185-186. Voir également l’action judiciaire, et l’action au Parlement entamée par le garde des Sceaux contre les faux-monnayeurs et rogneurs, au mois de septembre 1634, Claude de Bullion à Richelieu, 5 septembre 1634, t. 2, p. 185-186 ; voir enfin, à propos du procès du chevalier de Jars, Hélène Fernandez-Lacôte, Les procès du cardinal de Richelieu : droit, grâce et politique sous Louis le Juste, Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 84-87. [↩]
14. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux…, ouvrage cité, t. 2, p. 1126. [↩]
15. Paru à Limoges en 1891, et disponible en ligne ici, page consultée le 1^er novembre 2022. [↩]
16. Voir Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), “ La raison de guerre” : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2016, p. 10-11 et p. 235-245. [↩]
17. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux…, ouvrage cité, t. 1, p. 931 et p. 1123. [↩]
18. Michel Popoff, Prosopographie…, ouvrage cité, p. 312. [↩]
19. Voir Antoine Adam (éd.), Tallemant des Réaux…, ouvrage cité en note, t. 2, p. 258-262. [↩]