Coligny (Marie Marguerite de, comtesse de Créhange)

Issue de la célèbre maison originaire de Bresse tête de proue des Réformés pendant les guerres de Religion, Marguerite Marie de Coligny († 28 févr. 1672) est devenue comtesse de Créhange par son premier mariage1. Une fois veuve, elle sera connue comme la comtesse de Hombourg, qui était un démembrement du comté de Créhange2.

Marguerite Marie était petite fille du célèbre amiral de Coligny, assassiné lors de la Saint-Barthélemy en 1572, et fille de Charles de Coligny (1564-1632), dit le marquis d’Andelot, mort chevalier des ordres du roi, capitaine de cinquante hommes d’armes de ses ordonnances, maréchal de ses camps et armées et lieutenant général au gouvernement de Champagne, et d’Humberte de Chastenay, dame de Lanty, sa première épouse3. Marguerite Marie est également la cousine germaine de Gaspard de Coligny (1584-1646), maréchal de France en 1622 et créé duc de Châtillon en 1643, un acteur majeur des campagnes militaires du règne de Louis XIII, et probablement son principal appui à la cour de France.

Le marquis d’Andelot ayant abjuré, son unique fille – il a aussi trois fils – Marguerite Marie, contracte un mariage catholique signé le 7 août 1621 avec Pierre Ernest, comte de Créhange († 1641)4. Les Créhange, l’une des familles les plus considérables de l’ancien Luxembourg, appartiennent au cercle du Haut-Rhin du Saint-Empire et sont également vassaux immédiats des ducs de Lorraine, tenant le premier rang aux états généraux du duché, du moins la branche cadette de Château-Bréhain restée catholique5. Le père de Pierre Ernest, Christophe, baron de Créhange († 1623) et de Pittange, s’est mis au service des princes lorrains et officie alors comme conseiller d’État du duc et bailli de la Lorraine allemande (1604-1622)6. La baronnie de Créhange ayant été élevée au rang de comté du Saint-Empire en 1617 pour la branche aînée, Pierre Ernest en prend le titre, puis succède à son père dans ses charges auprès d’Henri II, duc de Lorraine7 Même si ces Créhange ont probablement servi dans leur jeunesse, ce ne sont pas des militaires.

En principe, au cours des campagnes françaises en Lorraine dans la première moitié des années 1630, le comte de Créhange ne peut être que du côté lorrain, mais il ne semble pas participer aux combats, du moins nous n’en avons pas trouvé de traces. La plupart de ses biens sont pillés et ruinés. Depuis le traité de Charmes, le 19 septembre 1633, Nancy, capitale du duché, est occupée par l’armée royale, et, depuis les lettres patentes du roi du 28 mars 1630, un gouverneur français, Henri de Jaubert, comte de Barrault, y a été établi. Il est probable que le comte de Créhange s’est alors réfugié dans le Saint-Empire et nous ne le trouvons plus guère jusqu’à sa mort. Quant à son épouse, elle se trouve au contraire à Nancy qu’elle quitte en novembre 1635, profitant du retour à Paris du duc d’Angoulême qui lui fait escorte8. Les époux se retrouveront une fois la paix revenue9.

Marguerite Marie de Coligny rentre en France après la mort de son époux et se partage entre son château de Lanty et Chaumont, ville la plus proche, sans doute parce que leurs terres lorraines ont été ravagées ou restent menacées par la guerre. L’abbé Arnaud d’Andilly rencontre la comtesse de Créhange à Chaumont, en 1642, et la décrit comme « une femme encore bien faite et de bonne humeur, quoiqu’elle ne fût plus d’une grande jeunesse, et qui pouvait se vanter d’avoir les plus belles mains du monde »10.

Ils avaient eu quatre enfants, deux garçons, Charles, mort sans avoir été marié, et François Ernest, chanoine de la cathédrale de Strasbourg, tous deux naturalisés Français par lettres de 1632, et deux filles11. L’aînée, Charlotte († 1650), est mariée en 1648 à Charles de Sommyèvre († 1680), comte de Lignon, ancien cornette des chevaux-légers du duc d’Orléans depuis mestre de camp du régiment de Bourgogne et frondeur actif, mais elle meurt des suites de sa première couche12. La seconde, Marguerite de Créhange, est mariée en 1650 à Louis de Housse, fils de Nicolas, baron de Watronville, gouverneur de Longwy, colonel d’un régiment d’infanterie et d’un régiment de cavalerie au service de Charles IV de Lorraine, et d’Anne de Manteville13.

Ayant marié ses deux filles, Marguerite Marie épouse en secondes noces, par contrat du 26 novembre 1650, un assez jeune homme – il a vingt-sept ans et est son cadet d’une vingtaine d’années ou plus – Charles Étienne d’Hury de Boutenay (« † 15 août 1686, âgé de 63 ans »), qui prendra alors les titres de comte de Hombourg et baron de Lanty, terres venues par son épouse. C’est un mariage hétérogame avec un personnage ambitieux et curieux. D’un côté ses origines sont douteuses et en tous cas sans rapport avec celles de son épouse, de l’autre il parvient à obtenir des offices royaux auxquels peu ont accès.

Le 20 novembre 1644, Boutenay avait obtenu une commission de capitaine d’infanterie au régiment (Lenoncourt) de Marolles, mais il ne semble avoir servi longtemps. En dépit de son illustre mariage, il est amené à faire diverses fois ses preuves de noblesse, pour des raisons fiscales, à partir de 1659, et obtient toujours gain de cause. En revanche, lors de la grande recherche de noblesse, il est d’abord condamné en Champagne par jugement du 8 mars 1668, ayant produit des titres remontant à 1460 et déclarés apocryphes jusqu’en 1611, date du contrat de mariage de ses parents, « Étienne d’Hury de Boutenay, escuyer, sieur dudit lieu, et damoiselle Françoise de Tournier »14. Nous ne savons pas sur quels appuis Boutenay a pu compter, mais cette condamnation ne l’empêche pas d’obtenir, moins de trois mois plus tard, le 1er juin 1668, des provisions de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. C’est sans doute ce qui va amener l’intendant Caumartin, peut-être sur l’instance de Colbert, alors contrôleur général des finances, à réviser ce jugement de 1667 et à en produire un autre, le 28 décembre 1670, qui lui accorde sa maintenue de noblesse. Boutenay ne va pas s’arrêter là, car sept ans plus tard, en 1675, il acquiert les charges prestigieuses de grand écuyer tranchant et de porte-cornette blanche15. L’office de grand écuyer tranchant n’est que cérémoniel. C’est lui qui coupe et sert la viande du roi lors des grandes occasions. La charge ne rapporte que 600 livres de gages par an à son titulaire. Quant au porte-cornette blanche, il a pour fonction de porter l’oriflamme du roi sur le champ de bataille, circonstance qui ne se présente plus guère, mais le revenu est de 5 400 livres annuels. Quoique sans rapport l’une avec l’autre, les deux charges vont de pair depuis le XVIe siècle et se trouvent toujours dans les mains du même gentilhomme. C’est un usage auquel le roi tient. Probablement par nécessité, Boutenay vend néanmoins sa charge d’écuyer tranchant à Mesgrigny, marquis de Vandœuvre, qui meurt bientôt. Le roi comble la vacance en la donnant, en mars 1685, à un gentilhomme du dauphin et oblige Boutenay à céder au même gentilhomme, l’office d’écuyer tranchant. C’est le roi qui fixe les prix des charges : 20 000 livres pour celle de porte-cornette blanche, ce qui est très sous-estimé au regard du revenu, et 15 000 pour celle d’écuyer tranchant, montant proportionnellement très élevé, mais qui était le prix d’acquisition par Boutenay et celui du prestige. Le marquis de Sourches, dans ses mémoires, rapporte que Boutenay se disait « des comtes de Hombourg, en Lorraine ; mais qu’il avait peu de bien et ne faisait pas grande figure, quoiqu’on assurât qu’il eût autrefois épousé une fille de la maison de Coligny »16.

Effectivement sans fortune personnelle, Boutenay peut néanmoins sans doute compter sur son épouse. Marguerite Marie vend peu à peu la plupart de ses terres, dont Hombourg (90 000 francs barrois) dès 1655, ce qui ne l’empêchera pas de continuer de se faire titrer comtesse de Hombourg jusqu’à la fin de ses jours, comme son mari restera dans le monde le comte de Hombourg17. Les seigneuries de la Grande et de la Petite Borde sont cédées par contrat du 30 janvier 165718. Enfin, pour ce que nous en savons, peu avant de mourir, le 12 novembre 1671, Marguerite Marie consent encore à vendre sa baronnie de Lanty19.

Texte 491,

  1. Registres paroissiaux de Lanty-sur-Aube aux Archives départementales de la Haute-Marne. Voir aussi l’Oraison funèbre de madame Marie Marguerite de Coligny d’Andelot, comtesse de Hombourg, prononcée à ses funérailles en l’église des carmélites de Chaumont en Champagne, chez Martin Le Prest, Paris, 1672, 2 pages, et la Gazette de Renaudot, n° 29 du 11 mars 1673, p. 232. – Créhange, Criechingen en allemand, aujourd’hui en Moselle. []
  2. Hombourg, Hombourg-Budange depuis 1919, en Moselle. []
  3. Louis Le Febvre de Caumartin, « Généalogie de Coligny… », Recherche de la noblesse de Champagne, Châlons, 1673 ; « Généalogie de la maison de Coligny », père Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France…, 9 vol., 1726-1733, tome VII, 1733, p. 154-155. – Andelot, en Haute-Marne. []
  4. Voir le Fonds de Créhange, aux Archives départementales de la Moselle, sous-série 10 F, Ernst von Mirbach, « Généalogie de la famille de Créanges », Annuaire de la noblesse de Belgique, 1880, 34e année, Bruxelles, 1880, p. 166-167, Georges Boulangé, « Notes pour servir à la statistique monumentale de la Moselle », Mémoires de l’Académie impériale de Metz, 34e année, 1852-1853, 2e série, 1ère année, 1ère partie, Metz, 1853, p. 301-396, notice « Créhange » et père Anselme, ibidem, p. 155. []
  5. Dom Augustin Calmet, Notice de la Lorraine…, Nancy, 1730, p. 248. []
  6. Le bailliage d’Allemagne, ou de la Lorraine allemande, était la partie nord-est du duché de Lorraine englobant les territoires de langue allemande. Le duché comprenait en outre le bailliage de Nancy et celui des Vosges. – Pittange est la variante française de Pettingen, à Mersch au duché de Luxembourg. []
  7. Henri Lepage, « Les officiers des duchés de Lorraine et de Bar et la maison des ducs de Lorraine », Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, 2desérie, XIe volume, Nancy, 1869, p. 52 et 110. []
  8. Voir la lettre du comte de Barrault au comte du Chavigny, datée de Nancy le 21 novembre 1635. Texte 491. Translation en ligne. []
  9. Ils passent un accord à Germiny, en Meurthe-et-Moselle, avec leur intendant le 12 mai 1641, voir les Publications de la Section historique de l’Institut grand-ducal de Luxembourg…, tome LV, Luxembourg, 1908, p. 289. []
  10. Claude-Bernard Petitot, éd., « Mémoires de l’abbé d’Arnaud d’Andilly », 2de partie, Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France, t. XXXIV, Paris, 1824, p. 209-210. []
  11. Leurs lettres de naturalités aux Archives départementales de la Marne, cote C 2 498, f°107. []
  12. Charles de Sommyèvre épousera en secondes noces en 1651 Élisabeth Brûlart, fille de Nicolas, sieur du Boulay, premier gentilhomme d’affaire du duc d’Orléans et capitaine de son palais du Luxembourg, et de Madeleine Cerisier. []
  13. Lignon, se trouve dans la Marne, Watronville, dans la Meuse, et Longwy, en Meurthe-et-Moselle. []
  14. Louis Lainé, Archives généalogiques de la noblesse de France…, tome VI, Paris, 1839, « Nobiliaire de Champagne », p. 55, qui n’avait pas lu Claude-François Ménestrier, Les Différentes Espèces de noblesse…, 1682, p. 515-528, qui publie les preuves produites en novembre 1667 et la maintenue de 1670. []
  15. Voir aux Archives nationales, cote O, 1, 19, f° 132 v°, O, 1, 22, f° 12, O, 1, 28 et O, 1, 30, f° 19 et Nicolas Besoigne, éd., L’Estat de la France…, Paris, 1678, p. 39. []
  16. Gabriel-Jules, comte de Cosnac, et Arthur Bertrand, éd., Mémoires du marquis de Sourches [Louis François du Bouchet] sur le règne de Louis XIV, tome I, Septembre 1601-décembre 1686, Paris, 1882, p. 191. []
  17. La vente de Hombourg est entre autres mentionnée par Boulangé, ouvrage cité, p. 319, note 1. []
  18. Baron de L’Horme, « Les Piètrequin au pays de Langres », Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, t. IX, n° 116, Langres, mai 1925, p. 35. – Les fiefs de la Borde se trouvaient sur l’actuelle commune d’Heuilley-le-Grand, en Haute-Marne. []
  19. La vente de Lanty-sur-Aube est relevée par Arthur Daguin dans ses « Registres baptistaires », Revue de Champagne et de Brie, t. XIV, 7e année, 2e semestre, Paris, 1883, p. 378, note 2. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charles-Henri de Sommyèvre (28 octobre 2022). Coligny (Marie Marguerite de, comtesse de Créhange). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 16 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tq9q


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.