Henri de Jaubert, comte de Barrault, à Léon Bouthillier, comte de Chavigny, Nancy, 21 novembre 1635.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 27, f° 107-108. Original, de la main d’un secrétaire, sauf la signature et la formule finale autographe. Suscription au f° 108 v° : « à Monsieur, M. de Chavigny, conseiller du Roi en ses Conseils, et secrétaire de ses commandements ».

Monsieur,

Par le courrier qui arriva hier, je reçus les deux lettres que le Roi m’a fait l’honneur de m’écrire, du seizième du présent, avec la vôtre de même date, par lesquelles j’ai vu que Sa Majesté désire que je fasse cantonner les trois régiments de la ville neuve, comme j’ai fait les deux de la ville vieille, à quoi je ne manquerai, n’y ayant que les maisons qui nous donneront de la peine.

Je ne faudrai aussi [sic, faillirai aussi] de faire partir Madame de Removille [née Henriette de Tornielle], soudain qu’elle sera en état de pouvoir marcher, comme aussi le comte Tournière [sic, pour Joachim Charles-Emmanuel de Tornielle], son père, lesquels, à ce que j’ai pu apprendre font état de s’en aller à Paris. Je serais bien aise qu’ils y fussent arrivés devant qu’ils apprissent qu’on eût fait aucun mauvais traitement au sieur de Chamblay, pour ce qu’on a peu apprendre de lui par-delà, car, pour deçà, je vous assure que pas un n’en est venu à ma connaissance, mais, au contraire, l’ai reconnu en tout ce que je l’ai employé fort affectionné au service du Roi et à Son Éminence.

Pour ce qui est du chiffre que je me servais en Espagne, je vins ici si à la hâte que je laissai la plupart de mes hardes et papiers à Paris, entre autres ce chiffre. Si vous désirez en servir, je manderai qu’on m’envoie la boîte dans lequel il est. 

Pour Saint-Nicolas, j’ai envoyé plusieurs fois des miens encore à la guerre depuis. Ils en ont tiré et pris plusieurs. Même devant hier, mes gardes tuèrent un capitaine et un autre officier à la tête de deux cents chevaux qu’avaient les ennemis dans un fond. Et cela se fit entre Saint-Nicolas et Dombasle, qui est un château appartenant au sieur de Chamblay, qu’ils ont pris, pillé et ruiné tout.

On tient qu’une partie de l’armée de [Matthias] Gallas est allé près Saverne, pendant qu’on avait fait à croire qu’ils se retiraient et que cela fait, leur armée doit marcher en çà, et attaquer nos armées soudain qu’ils sauront que cette noblesse de l’arrière-ban sera partie.

Monsieur le duc d’Angoulême passa par ici lundi dernier pour aller trouver le Roi, suivant l’ordre qu’un courrier lui porta, et trouva l’armée logée à une lieue et demie d’ici, vers Amance, et entre ci et là, ès environs de cette ville.

La comtesse de Créhange, craignant que je n’en fis, de même qu’à Madame de Removille et d’autres comme eusse faits, s’en est allée hors de cette ville et a pris l’escorte de M. d’Angoulême. Je vous ai écrit que tant que ces armées sont ici alentour, il est impossible que la plupart de leurs malades <n’entrent> ici, quelque soin qu’on y porte, tellement que cela augmente la maladie en cette ville et nous apporte la famine, nous consommant tous nos vivres et n’en portant plus de dehors. Ceux des armées auront bientôt consommé ceux qu’il y a, qui me fait vous le représenter encore, vous suppliant que le pain de munition se puisse distribuer hors de Nancy pour les grands inconvénients qu’il y peut arriver. Nous prenons toutes les précautions que nous pouvons, mais soudain qu’un convoi rentre dans la ville, il nous renverse tout.

Un boucher du duc Charles s’en étant venu ici sans permission, un des miens l’ayant su, m’en donna avis. Je l’envoyai prendre et mis entre les mains du Conseil souverain pour lui faire son procès. Infailliblement, il fut convaincu. Il peut avoir deux ou trois mille livres vaillant. S’il plaisait en gratifier celui qui l’a découvert, donnera [sic] envie aux autres de découvrir choses de plus grande importance pour le service du Roi. Je vous supplie qu’il en soit gratifié, et me faire l’honneur de me croire pour jamais, Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur,

Barrault

De Nancy, ce 21^e novembre 1635.

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