Mémoire de Charles de Valois, duc d’Angoulême, 1635.

Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 816, f° 238-239. Original non-signé.

La résolution qui avait été prise en plein Conseil d’aller la tête baissée au duc Charles afin de ne lui donner pas le temps de se retrancher fut changée par lui [le maréchal de La Force] la nuit, sans y appeler un seul maréchal de camp, et fit commander tout aussitôt partie des troupes prenant prétexte d’aller charger Laimont, quoiqu’en plein Conseil lui le maréchal de La Force et tous les maréchaux de camp eussent dit que cela n’était de nulle considération. Il partit pour cet effet le 26 d’août et le 28 il arriva à une plaine près le château de Mandres, où un prêtre vint à travers de champ lui dire que ledit Laimont s’était retiré et qu’il s’en retournait trouver le duc [Charles IV] avec ces troupes, et que Offlance et Mercy¹ s’en retournaient du côté de Luxembourg.

Quoiqu’on lui peut dire que cet avis fût faux, il soutint qu’il était bon et ordonna tout aussitôt du logement de l’armée contre l’opinion de beaucoup et même <…> lui promettait d’engager les ennemis au combat s’il le laissait avancer avec cinq cents chevaux, cependant que le reste de l’armée suivant ce qui eut réussi, comme pourra dire le jeune Vaubecourt², qui charge avec trente maîtres leur arrière-garde et rapporta que toutes lesdites troupes s’enfuirent en grand désordre. 

Il séjourna là et sis à Nancy sous prétexte que les vivres qu’il voulait pour 24 jours n’étaient près. Le munitionnaire pourra dire le contraire et que s’il lui eut baillé les deux cent soixante charrettes qu’il renvoya à Châlons, il eut apporté la subsistance de 24 jours et plus, et par ce moyen, l’on [n’] eut pas trouvé difficulté d’aller prendre le derrière du camp du duc Charles, qui n’était plus retranché. Mais au lieu de cela, il arrêta à Magnières et fut-on contraint de renvoyer chercher du pain, n’en ayant apporté que pour six jours au lieu de 24 comme il disait, et bailla pour la conduite du convoi qu’il renvoya à Nancy deux <…> maîtres et quelques dragons, le tout commandé par <…> auquel il donna ordre de loger à Rosières [Rosières-aux-Salines] et le charroi à Saint-Nicolas où il fut défait.

Ensuite, il fit débander partie de l’arrière-ban de Normandie et Champagne en leur donnant congé et en ne faisant pas arrêté ceux qui s’en allaient sans en avoir ains en a fait lâcher treize qui avaient été arrêtés à Nancy. Il a été cause du débardement [sic] des dragons comme témoignent la plupart des officiers.

Et lorsqu’il a su que le duc Charles était à l’extrémité dans son retranchement de Rambervillers tant par la faim que par la peste dont ces troupes dépérissaient tous les jours, en ce même temps il évita la <place> de Baccarat, ce qui a servi audit duc pour joindre Gallas, ce qu’il n’eut pu faire autrement sans combattre, et ne se contentant d’avoir lâché le <plie> jusqu’à Lunéville, ils vont jusqu’à Saint-Nicolas d’où il a pris douze mille écus avant que d’en partir.

Le convoi qui a été défait par Jean de Werth, il avait eu un avis par Monsieur de Barrault trois jours auparavant que ledit Jean de Werth était dans le bois de l’Hey, de quoi il ne donna nul avis à Monsieur le Grand Maître, ni n’envoya aucune partie pour rencontrer cette embuscade.

Lorsque l’armée était en présence des ennemis et que le pain avait manqué deux jours, le convoi devait <…> le lendemain, et s’il ne laissa pas de dire tout haut en présence de quantité d’officiers qu’il ne voulait plus les abuser et qu’il leur disait qu’il ne fallait pas qui s’attendisse avoir un seul morceau de pain.

Il a toujours continué à donner congé ou certificat à la noblesse jusque dans un seul passeport de 25, qui fut donné pour la brigade de Bourbonne à Monsieur de Saint-Géran. Et quelle instance que Monsieur le Grand Maître ait pu faire, il n’a pu l’empêcher de donner congé aux officiers aussi bien des vieux corps que d’autres.

Toutes les instructions qui lui ont été envoyées, il ne les a jamais fait voir aux maréchaux de camp et <…> nécessités que l’armée a souffertes, manqué de pain, ç’a été dans un pays plein de blés.

[En note à la suite du mémoire, de la main de Richelieu :]

Faut ajouter qu’il a vendu 3^M réseaux de blé à Monsieur Lefebvre au lieu d’en secourir l’armée.

Faut noter ce qu’il fit à La Rochelle ne voulant jamais exécuter les ordres envoyés et consentant à écrire la lettre de Marillac.

Est à noter qu’après avoir été tiré de prison la première fois, il ne put s’empêcher de rentrer.

On lui avait mandé de faire raser Saverne, ce qu’il n’a pas fait pour y laisser voler <Buire> qui est à lui.

1. En référence à François de Mercy ou à son frère Gaspard de Mercy, dont les carrières militaires sont inséparables. [↩]
2. Peut-être s’agit-il de Nicolas de Nettancourt, dit « Monsieur d’Haussonville, fils de Jean de Nettancourt, seigneur de Vaubecourt. [↩]

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