Madeleine de Silly de La Rochepot, comtesse du Fargis, est la fille d’Antoine de Silly, comte de La Rochepot, et de Marie de Lannoy. Apparentée à l’illustre famille de La Roche-Guyon (son père étant le troisième fils de Louis de Silly, seigneur de La Roche-Guyon), elle est la cousine germaine de François de Silly, duc de La Roche-Guyon en 1621. Elle est aussi la tante du cardinal de Retz, fils de sa sœur aînée, Françoise Marguerite de Silly († 1626), et de Philippe Emmanuel de Gondi, comte de Joigny et baron de Montmirail. Femme d’intrigues (au sens de l’époque, où l’intrigue désigne la petite aventure amoureuse), elle est d’abord placée, à Amiens, au service de Madame de Saint-Paul. Tallemant des Réaux, dans ses Historiettes, se fondant lui-même sur le Journal de Monsieur le cardinal duc cardinal de Richelieu durant le grand orage de la court en l’année 1630 et 1631…, lui prête une aventure scandaleuse avec le comte de Cramail, qui oblige sa famille à l’en retirer et à l’envoyer chez sa sœur aînée, épouse fort pieuse de Philippe-Emmanuel de Gondi (1581-1662)¹.

Pleine d’ambitions, M^le de La Rochepot obtient rapidement son envoi à Paris, chez les carmélites du faubourg Saint-Jacques, où elle rencontre le cardinal de Bérulle et parvient à s’acquérir la réputation de sainte. À la mort de son père, elle épouse Charles d’Angennes, sieur du Fargis, et accompagne ce dernier en Espagne, où il exerce les fonctions d’ambassadeur de France entre juin 1620 et 1624.

À leur retour à Paris, M^me du Fargis obtient la charge de dame d’atour d’Anne d’Autriche. À partir du mois d’octobre 1626, elle est plus particulièrement chargée des bagues de France. Richelieu pense peut-être l’utiliser pour entretenir la division entre Marie de Médicis et Anne d’Autriche. Elle s’emploie surtout à discréditer le cardinal auprès de la Reine mère et de sa bru.

À l’issue de la journée des Dupes, alors que Richelieu a partie gagnée contre les Marillac et contre la Reine mère, il décide de lancer un avertissement à Anne d’Autriche qui s’est dangereusement rapprochée de sa belle-mère. Le 27 décembre 1630, le conseil du Roi éloigne M^me du Fargis, devenue la confidente de la Reine. En 1631, M^me du Fargis ne peut que suivre Marie de Médicis en exil, où elle poursuit ses intrigues. Elle est déclarée criminelle de lèse-majesté pour avoir rédigé des lettres séditieuses, « au préjudice de la personne du Roy et du repos de l’Estat ». Elle est condamnée à mort par contumace. L’acte date de 1631, il a été rédigé après la première fuite de Gaston d’Orléans. Il semble avoir été repris pour l’année 1632, après la seconde fuite de Monsieur². Le jugement est renouvelé le 25 octobre 1633, par Isaac de Laffemas³. Il apparaît alors que Mme du Fargis a obtenu de Marie de Médicis des sommes considérables, sans que le marquis de Châteauneuf, resté en contact avec la Reine-mère, n’en ait été informé. La comtesse du Fargis a non seulement berné le marquis de Châteauneuf, mais aussi le cardinal de Bérulle, le convaincant de sa sainteté⁴. Le Journal de Monsieur le cardinal duc cardinal de Richelieu durant le grand orage de la court en l’année 1630 et 1631…, préparé par Claude Bouthillier, Denis Charpentier et Pierre Cherré⁵, met par ailleurs en avant la responsabilité de la comtesse du Fargis, qui, en 1631, aurait osé suggérer à Anne d’Autriche un possible remariage avec le duc d’Orléans.

Le Journal ne se limite pas aux années 1630 et 1631, il se prolonge jusqu’à l’accommodement qui intervient au mois d’octobre 1634 entre Louis XIII et son frère, mais aussi entre ce dernier et Richelieu. Des pièces justificatives viennent à l’appui du récit. On y trouve, en particulier, la transcription de plusieurs lettres rédigées par M^me du Fargis, au mois de juin 1631, au moment de son départ en exil, que Claude Bouthillier a repris, à partir du mois de juin 1634, en les décryptant – elles étaient en partie chiffrées -, et en les commentant. Par une lettre qu’elle a adressée à Anne d’Autriche, le 8 juin 1631, M^me du Fargis a évoqué les projets matrimoniaux du duc d’Orléans ((Voir la lettre de M^medu Fargis à Anne d’Autriche, du 8 juin 1631, diffusée en juin 1634, conservée au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 810, f° 190-195, copie publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, t. 1, p. 524-531.)). La question d’un éventuel mariage de la Reine avec le frère cadet du Roi, au cas où ce dernier viendrait à mourir prématurément, est alors posée. Le Journal de Richelieu reprend aussi la correspondance amoureuse de la comtesse du Fargis et du comte de Cramail⁶. L’exhibition, dès 1634, des lettres de la comtesse du Fargis, très hostile au cardinal-ministre, se présente autant comme une illustration du danger représenté, pour le trône, par l’hostilité du duc d’Orléans, que comme une vengeance, même si cette interprétation ne fait guère de doute⁷.

La comtesse du Fargis meurt à Louvain en septembre 1639.

Textes 564, 573, 579, 692, 751, 854, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Antoine Adam (éd.), Historiettes de Tallemant des Réaux, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. 2, p. 291-294, 914, 959-965. [↩]
2. Voir l’extrait des registres de la chambre de l’Arsenal, procès de M^me du Fargis, 22 décembre 1631, conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 803, f° 358-359. [↩]
3. Voir au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 808, f° 114. [↩]
4. Voir Robert de Lamont à Richelieu, Angoulême, 29 mars 1633, original conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 807, f° 118-119, publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 160-163. [↩]
5. Voir le manuscrit conservé à la BnF, coll. Baluze, vol. 145. [↩]
6. Voir la lettre de la comtesse du Fargis au comte de Cramail, du 8 juin 1631, reprise en juin 1634, dont la copie est conservée au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 810, f° 202-207, et a été publiée dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi…, ouvrage cité, t. 1, p. 531-534. [↩]
7. « […] ces lettres que Richelieu ne rougit pas de publier pour déshonorer M^me du Fargis et le comte de Cramail. », Antoine Adam (éd.), Historiettes de Tallemant des Réaux, ouvrage cité, t. 1, p. 766. [↩]