Jean de Bruc (1576- v. 1656), seigneur de La Grée-Imbault, de Montplaisir (près de Pornic), de La Gournerie (à Saint-Herblain), de La Verrie et de La Guerche (à Saint-Brévin), dit « La Grée de Bruc », est issu d’une ancienne famille noble de Guémené-Penfao. Il est le fils cadet de François de Bruc de Montplaisir, sieur des Guillers et de Salles, et de Madeleine Bouilleau [ou Boulliau], dame de La Grée-Imbault. D’abord avocat au conseil du Roi (1607), comme son père, il entre, en 1613, au service d’Henri de Gondi, 3^e duc de Retz, en qualité de secrétaire, et devient l’intendant de ses affaires.

 En 1620, il achète la seigneurie de La Gournerie.

Richelieu, en 1625, a recours aux services de Guillaume de Bruc, frère de Jean, lors de la constitution de la Compagnie des Cent Associés.

Puis le cardinal-ministre, pourvu en 1626 de la charge de surintendant de la navigation et du commerce, recrute directement Jean de Bruc l’année suivante, pour des missions ponctuelles, ou pour solliciter son avis dans le cadre de cette charge. Jean de Bruc enquête sur l’opposition des marchands de Nantes, Saint-Malo, Vannes et Hennebont à la compagnie commerciale. En 1628, il est chargé d’organiser le ravitaillement des marins français engagés au siège de La Rochelle. En 1630, il achète une charge de maître des requêtes de la Reine. Puis Richelieu, devenu gouverneur de la province en 1631, le met à contribution pour trouver le financement nécessaire aux travaux de fortification de la place de Brest.

Surtout, il exerce, à la suite de Jean de Harouys, seigneur de Lespinay, les fonctions de procureur général syndic des États de Bretagne de 1619 à 1634. Dès 1624, l’assemblée réprouve les décisions qu’il prend pour la démolition de Pontorson. Au mois de juillet 1626, il est accusé d’avoir détourné près de 500 000 livres¹. Il est en outre soupçonné de s’être fait adjuger la ferme de l’impôt de manière frauduleuse, mais les États lui donnent raison. Au mois de novembre 1634, les plaintes contre La Grée de Bruc se multiplient, et les représentants des trois ordres aux États de Bretagne, réunis à Dinan, se divisent. Il est notamment soupçonné par certains de s’être approprié les biens du marquis de Sourdéac et de son frère, l’évêque de Saint-Pol-de-Léon, René de Rieux. Le procureur général syndic s’est aussi rapproché du duc de La Trémoille, avec lequel il était en conflit depuis plusieurs mois et à qui défense avait été faite d’assister aux États en 1632. Mais sa duplicité ne fait guère de doute². Par ailleurs, le marquis de La Meilleraye, lieutenant général au gouvernement de Bretagne, bras droit de Richelieu en ce qui concerne les affaires de la province, lui est également hostile. Il revient en pratique au procureur général syndic désigné par les États d’administrer la province et de représenter les droits de l’assemblée. Les soupçons qui pèsent sur Jean de La Grée de Bruc contribuent sans doute à renforcer Richelieu dans son intention d’établir un intendant. Par lettres datées du 3 octobre 1634, Louis XIII délègue à Dinan un conseiller d’État, Jacques Barin de La Galissonnière, en qualité de premier commissaire, chargé de faire la demande de don gratuit, et de répondre aux doléances des États. Le Roi lui adjoint un second commissaire, François Lasnier, qui prend le titre d’intendant de justice, police et finances après consultation, par le marquis de La Meilleraye, du parlement de Bretagne. Vers la fin du même mois, Jean de La Grée de Bruc établit une double communication destinée à François Lasnier et à Richelieu : l’une concernant le procès fait au marquis de Sourdéac et à son frère, l’autre concernant l’exercice illicite de la Religion Prétendue Réformée à Morlaix, par les Anglais et les Hollandais qui y étaient établis. Jean de La Grée de Bruc contribue par ailleurs la même année à réunir des fonds pour les fortifications du château de Brest, placé sous le commandement du baron de Pontchâteau et de son fils, le marquis de Coislin. Lors d’une enquête concernant le sieur de La Mothe-Montigny, gouverneur du château de Sucinio, sur la presqu’île de Rhuys, Jean de La Grée de Bruc est à nouveau suspecté de malversation mais réaffirme ses prérogatives judiciaires. Les États doivent redéfinir les droits et les devoirs de leur représentant, et désignent un avocat rennais, Sébastien Le Chapelier de Launay, en remplacement de Jean de La Grée de Bruc. 

Mais ce n’est qu’au mois de décembre 1636, lors de l’ouverture des États à Nantes, que Jean de La Grée de Bruc s’incline et renonce à ses fonctions. Il est officiellement remplacé par Vincent de Brénugat, conseiller au parlement de Bretagne, tandis que Le Chapelier de Launay doit se contenter d’une charge de substitut. Jean de La Grée de Bruc loge alors chez Pierre-César du Cambout, marquis de Coislin. 

Au cours des mois et années qui suivent, il multiplie les interventions au conseil du Roi et fait lui-même son entrée au Conseil d’État et privé en 1639. En 1640, il obtient un moratoire sur les dettes qu’il a contractées au service du souverain, dans l’exercice de ses charges, puis tardivement, en 1645, le réexamen de son cas aux États de Bretagne. L’assemblée confirme les décisions prises le concernant et lui préfère Jean du Bouexic de La Driennaye, procureur général élu en 1643. 

Jean de La Grée de Bruc a épousé, en 1602, Marie Veniero [ou Venier] (1580-1637), fille de Francisco Veniero, Vénitien installé en Bretagne, gouverneur du duché de Retz. 

De leur mariage sont issus : François de Bruc, seigneur de Montplaisir et de La Guerche, né en 1603, qui épouse en 1625 Marie Chrétien ; Pierre de Bruc, seigneur de L’Estang-Jouan, né en 1604, officier tué dans les Cévennes ; Suzanne de Bruc de Montplaisir (1605-1705), mariée en 1639 à Jacques de Rougé (1602-1654), marquis du Plessis-de Bellière, amie du surintendant Nicolas Fouquet ; Henri de Bruc (1608-1689), seigneur de La Gournerie et de La Verrie, abbé commendataire de Notre-Dame de Bellefontaine, de Saint-Gildas puis abbé d’Orbais-en-Champagne ; René de Bruc (1610-1682), seigneur de Montplaisir, marquis de La Guerche ; Jeanne de Bruc (1610-1639) mariée en 1632 à Paul de Carné (1600-1641), vicomte de Trécesson, puis, devenue veuve, au marquis de Rancher ; Catherine de Bruc, née en 1610, mariée en 1650 à César Auffray Blanchard, marquis du Bois de La Muse (1612-1671) ; Marie de Bruc, née en 1612, ursuline ; Antoinette de Bruc, née en 1614, ursuline ; François de Bruc (1623-1704), marquis de La Rablière. 

Textes 104, 168, 643, 757, 778, 810, 819, 823, 824, 827, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Jules Lair, baron de Courcel et Louis Delavaud (dir.), Rapports et notices sur l’édition des Mémoires du cardinal de Richelieu, tome III, fascicules VI et VII, Paris, Société de l’histoire de France, 1922, appendice X [↩]
2. Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd), Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, tome 2, p. 384-386 [↩]