Marie-Madeleine de Vignerot (1604-1675), dame de Combalet, est la fille de René de Vignerot du Pont-de-Courlay († 1624) et de Françoise du Plessis de Richelieu, sœur du cardinal. Elle est aussi la sœur aînée de François de Vignerot, marquis du Pont-de-Courlay, général des galères en 1635, et père du deuxième duc de Richelieu. Marie-Madeleine de Vignerot paraît à la cour de France après le décès de sa mère, en 1616. Grâce à la faveur de son oncle, elle devient dame d’atour de Marie de Médicis.
En 1619-1620, soucieux de se ménager une relative indulgence du duc de Luynes, Richelieu prépare le mariage de sa nièce, avec Antoine de Grimoard de Beauvoir du Roure, marquis de Combalet, neveu du favori de Louis XIII. L’union est célébrée le 26 novembre 1620 : : la cérémonie scelle aussi, après la bataille des Ponts-de-Cé, le retour aux affaires politiques de la Reine mère par l’intermédiaire de Richelieu. La Reine mère offre à la jeune femme « plus de 12 000 écus de bijoux »1. Le marquis de Combalet décède cependant le 3 septembre 1622, au siège de Montpellier.
Restée veuve sans enfant, et grâce à la faveur de son oncle, elle obtient, en 1625, la charge de dame d’atour de Marie de Médicis, que lui laisse la marquise de Brézé, née Nicole de Richelieu, sa tante2.
Mme de Combalet, qui préfère à l’entourage de la Reine celui de la princesse de Condé et se montre peu assidue auprès de la souveraine, subit de plein fouet les querelles nées entre Richelieu et la Reine mère. Cette dernière l’exclut de son service en 1630. Elle est de surcroît victime d’un projet d’enlèvement fomenté, à la demande de Marie de Médicis, par l’entourage de celle-ci : sont notamment impliqué Charles de Besançon, seigneur du Plessis et de Bazoches et le neveu du père Chanteloube, en octobre 16323.
En 1633, le cardinal de Lorraine lui propose de l’épouser mais essuie un refus définitif. En 1636, Richelieu conçoit le projet maladroit, et sans suite, de lui faire épouser le duc d’Orléans. Du moins, la rumeur en circule-t-elle. Le nonce Bolognetti en fait état au mois de juin4. Louis XIII s’offusque que son ministre puisse considérer comme envisageable une mésalliance fondamentale5, mais surtout puisse profiter des déchirements de la famille royale. Richelieu pense aussi marier sa nièce au le comte de Soissons, troisième dans l’ordre de succession au trône de France, derrière Monsieur et derrière le prince de Condé.
L’entregent de Madame de Combalet permet alors d’apaiser le mécontentement que Richelieu conçoit vis-à-vis du marquis du Pont-de-Courlay, nommé général des galères en 1635, entré en conflit avec le bailli de Forbin, lieutenant général des galères pour le Roi, et qui accumule les dettes par un train de vie dispendieux. Si le 10 juillet 1636, Richelieu remercie le bailli de Forbin de « prendre soin » de son neveu6, il prépare le même jour un courrier destiné au marquis du Pont-de-Courlay portant une note révélatrice des tensions mais aussi de l’importance de Madame de Combalet dans les relations intra-familiales, voire son implication dans les affaires d’État quand celles-ci concernent aussi la famille de Richelieu : « Madame de Combalet et Messieurs de La Galissonnière et de Saint-Denis ont été d’avis de changer cette lettre si Son Éminence l’a agréable afin que Monsieur le général des galères ne puisse juger que Monsieur le commandeur de Forbin ait recherché ce que Sa Majesté désire de lui, ce qui les pourrait brouiller »7.
En 1638, Richelieu la pourvoit du duché d’Aiguillon, resté vacant après le décès d’Antoine de Puylaurens.
C’est à Madame de Combalet, sœur du marquis de Pont-de-Courlay, général des galères de France, qui a conduit victorieusement les galères du Roi à la victoire lors de la bataille de Vado, au large de Gênes, le 1er septembre 1638, qu’il revient d’annoncer la nouvelle de la mort, lors des engagements, du chevalier des Roches à sa mère, née Madeleine de Crevant8.
Femme de culture et de lettres, Mme de Combalet reçoit régulièrement dans son salon Jacques Olier, avec qui elle finance la colonisation de la Nouvelle-France. Elle est également proche de saint Vincent de Paul qu’elle aide à secourir la Lorraine après l’entrée de la France en guerre ouverte contre l’Espagne. Elle est également l’un des principaux soutiens de Corneille qui lui offre une épître dédicatoire à la parution du Cid, à la fin de l’année 1637. Richelieu, à sa mort, lui lègue, entre autres, ses papiers officiels.
Madame de Combalet se charge dès 1636 de l’éducation de ses neveux, Jean Armand de Vignerot et Jean-Baptiste de Vignerot, puis par la suite d’Emmanuel Joseph de Vignerot. Claude Bouthillier livre, à ce propos, un émouvant témoignage de l’intimité de la famille de Richelieu9. Ce texte contribue peut-être à alimenter la rumeur, dont l’origine est attribuée à Urbain de Maillé-Brézé par Gédéon Tallemant des Réaux, selon laquelle Madame de Combalet serait la mère des enfants et Richelieu leur père. Tallemant des Réaux a consacré en effet l’une de ses Historiettes à la duchesse d’Aiguillon10.
Surtout, le 13 août 1647, la marquise du Pont-de-Courlay, qui s’est remarié avec Charles (ou Jacques) de Grivel de Gamaches de Grossouvre, comte d’Ourouër (ou Ouroy, Aulroy), dépose une requête au Parlement contre la duchesse d’Aiguillon, par laquelle elle déclare cette dernière mère de de Jean Armand et de Jean-Baptiste et désavoue sa propre maternité, tout en reconnaissance celle de ses autres enfants11.
Au tout début des années 1650, la première duchesse d’Aiguillon s’oppose aux mariages contractés par ses neveux, à celui d’Armand Jean de Vignerot d’abord, qui épouse secrètement, le 26 décembre 1649, Anne Poussart (ou Poussard) de Fors du Vigean, fille de son amie la baronne du Vigean (née Anne de Neufbourg), puis à celui de Jean-Baptiste Vignerot, qui épouse, le 6 novembre 1652, Jeanne-Baptiste de Beauvais (1637-1663), première femme de chambre d’Anne d’Autriche, et qu’elle contraint à l’exil en Italie12.
En 1658, Guy Patin évoque encore la prise en charge de l’éducation des enfants du marquis du Pont-de-Courlay par la duchesse d’Aiguillon ((Guy Patin à Charles Spon, 12 mars 1658, dans Loïc Capron (éd.), Correspondance complète et autres écrits de Guy Patin, Paris, Bibliothèque interuniversitaire de Santé, 2018, lettre 487 consulté en ligne le 11/09/2023 https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?let=0487.)).
Voir Christophe Levantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris, éditions Maisonneuve & Larose, 1996, p. 394.
Voir aussi Bronwen McShea, La Duchesse : The Life of Marie de Vignerot, Cardinal’s Forgotten Heiress Who Shaped the Fate of France, New-York-London, Pegasus Books, 2023.
Textes 104, 360, 364, 370, 464, 466, 579, 621, 622, 661, 953,
- Jean-François Dubost, Marie de Médicis, la reine dévoilée, Paris, Payot, 2009, p. 613. [↩]
- Jean-François Dubost, ouvrage cité, p. 686. [↩]
- Voir à ce sujet Louis Testu à Richelieu, 23 et 25 octobre 1632 dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 466-467 ; voir aussi le mémoire adressé par Jean-Alexandre de La Rivière à Louis XIII, vers le 6 septembre 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine : correspondance, 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 427-428. [↩]
- Georges Dethan, La vie de Gaston d’Orléans, Paris, éditions de Fallois, 1992, p. 186. [↩]
- Ibidem. [↩]
- Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome V, p. 978. [↩]
- Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, tome V, ouvrage cité, p. 549. [↩]
- Richelieu au comte de Chavigny, de Saint-Quentin, 15 septembre 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome VI, p. 175-176. [↩]
- Voir Claude Bouthillier au marquis du Pont-de-Courlay, Paris, 1erjuillet 1636, translation publiée en ligne, texte 661. [↩]
- Antoine Adam (éd.), Tallemant des Réaux : Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, voir tome 1, p. 304-311. Tallemant des Réaux écrit notamment : « Il [le maréchal de Brézé] disoit toutes les circonstances de la naissance et de l’éducation de chacun des Richelieux, et qu’ils estoient tous trois [Armand Jean de Vignerot (1629-1715) ; Jean-Baptiste Amador de Vignerot (1632-1662) et Emmanuel Joseph de Vignerot (1639-1665)] à Madame d’Aiguillon, et mesme qu’elle en avoit eu un quatrième », citation p. 307-308. [↩]
- L’Historiette que Gédéon Tallement des Réaux consacre à la duchesse d’Aiguillon, comme le Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson évoque l’épisode. Voir à ce sujet Antoine Adam (éd.), ouvrage cité, t. 1, p. 308 et p. 985. On peut aussi se rapporter à la Bibliothèque nationale de France, coll. Manuscrits Français, vol. 18967, f° 146. [↩]
- Antoine Adam (éd.), ouvrage cité, t. 1, p. 989. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (7 avril 2022). Vignerot (Marie-Madeleine de, dame de Combalet). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 16 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tpkj
Madame, merci pour vos précieuses informations !
J’ai de nouveau recherché dans mes archives collectées la 1ère fille de Maillé-Brézé ….
1.) – Voici – à la page 347 ci-dessous – la déclaration intéressante – écrit en l’année 1895 !!
https://books.google.es/books?id=E4BPkvufLaUC&pg=PA329&dq=memoires+de+la+societe+eduenne+lettres+breze&hl=de&sa=X&ved=2ahUKEwjTqui6x8L7AhV_TKQEHW4aDOUQ6AF6BAgEEAI#v=onepage&q=memoires%20de%20la%20societe%20eduenne%20lettres%20breze&f=false
2.) …. probablement le meilleur document authentique
de la 2e Duchesse d’Aiguillon à son frère le 2e Duc de Richelieu :
file:///C:/Users/cash/Downloads/R%C3%A9ponse_de_madame_la_duchesse_[…]_bpt6k3224276.pdf
Le document fait référence au noviciat de “Mlle de Brézé”. Malheureusement, le monastère n’est pas nommé,
mais peut-être pourrait-il en être de même là, où les deux filles de François Vig. du Pontcourlay (Marthe & Thérèse) séjourne peu de temps. (=> 2ème Couvent des Carmélites – Rue Chapon) ??
3.) – Dans l’oeuvre “Lettres et Instruction dipl. …. Card. Richelieu” (Avenel – 1856) , t.1 page 679/680 (Lettre du juillet 1621)
Il semble que Nicole du Plessis ait eu encore un autre enfant, mais il n’a pas vécu longtemps.
Il paraît aussi que M. Avenel ne connaissait point cette “Françoise-Marie” !
mes meilleures voeux
Urs Staub
=> Marie-Madeleine de Vignerot paraît à la cour de France après le décès de sa mère.
——————————————————————————-
Je me suis intréressé à la vie & la biographie * de Marie-M. de Vignerot depuis quelque temps. Sur le sujet de sa jeunesse j’ai fait mes refléxions.
* Biographies : de la ” duchesse d’Aiguillon ” (Marie-Mad. de Vignerot). -> On connaît déjà la bio de Bonneau-A. (1879), mais le 7 mars 2023 ‘devrait’ apparaître une nouvelle & moderne – travaillée soigneusement par Bronwen McShea (New-York) … sous le titre de “La Duchesse” !
——————————————————————————
1616 :
1.) Il faut placer la MORT de Françoise du Plessis (sa mère) correctement aux premiers mois de 1616*, pas au 1615.
(Il existe une lettre du 31 octobre 1615, où elle espère des lettres de Henri et Nicole ” … qu’ avec d’impatience d’en avoyr de plus fraisches ”
* les Gisant à Glénay: … MOURUT EN L’ANNEE 1616 AAGÉE DE XXXVIII ANS. / Priez Dieu pour son âme
2.) Le plus logique est : après la mort de sa mère, les deux enfants (elle & son frère François) iront au château de Richelieu, chez sa grand-mère Suzanne…. qui meurt malheureusement la même année le 14 novembre 1616.
3.) Au château de Richelieu restent – après la mort de Suzanne – Nicole & Marguerite Guyot (femme de Henri) — Mais: Nicole se marie avec Urbain de Maillé-Brézé (Paris, 25 novembre 1617)
1617 :
4.) Richelieu, son frère Henri & René de Vignerot vont être exilés (après l’affaire Concini) 3 mai 1617 en leurs maisons – plus tard à Avignon (le 12 mai 1618).
1618 :
5.) 30 juin 1618 : dans les registres de l’eglise de Braye-s-Faye est documenté: …. Le dernier jour de juin 1618 a esté baptisée Marguerite, fille de messire Pierre Breton et de Lois Hier, parrain et marraine, noble homme Francoys du Cambout, seigneur dudit lieu, et noble damoiselle Marie de Vignerot (signé) —- f/ducambout – Marie vignerot d/p /
=> ce 30 juin 1618 Marie était encore au château de Richelieu
6.) Marguerite de Guyot, marquise de Richelieu meurt le 15 octubre 1618 après l’accouchemnt de son fils Henri, qui meurt peu après.
Importante Question ? A ce moment : QUI des “Richelieu-Vignerot” est à coté de Marie-Mad. & son frère de 10 ans ? Elle a juste 14,7* ans. (*neé au Château de Glénay, le 4 mars 1604)
– Suzanne (grand-mère) Mort
– Francoise (mère): Mort
– René (père): exilé à Avignon
– Armand (oncle): exilé à Avignon
– Henri: (oncle) exilé à Avignon
– Alphonse (oncle): Chartreux à Paris
– Nicole (tante): avec Urbain de Maillé (au Saumurais ?)
1619 :
7.) Armand, Henri & René restent jusque au mois de mars 1619 à Avignon… rejoignent finalment la reine-mère à Angoulême (Richelieu, le 7 mars (départ d’Avignon) – arrive le 27 mars). Le 4 juillet 1619 meurt Henri dans un duel – (8.juillet est faux – dû à une “erreur” par la forme peu précis du “Journal inédit” d’Arnauld d’Andilly). La cour de Marie de Médicis séjourne en 1619 à Angoulême* jusqu’ au 29 août et voyage (par Tours), en arrivant le 16 octobre à Angers.
8.) – Après la mort de Henri (Angoulême, 4 juillet 1619). Urbain de Maillé-Brézé reçoit la charge de capitaine des gardes de la Reine-mère. => On peut penser que Marie est introduit à la cour de la reine-mère comme ” fille d’honneur ” de 1619-1621 (-> Etat de la maison du roi Louis XIII (1601-1665) ed.1912, Eugène Griselle) & Nicole du Plessis devient dame d’atour de Marie de Medicis.
=> C’est possiblement là et au fil du temps, qu’ on peut s’imaginer d’arranger des fiançailles de Marie-M. avec Hyppolyte de Béthune. Veut dire: Marie-M. serait venue – depuis le château de Richelieu – et entrée à la cour de la reine-mère {au plus tôt possible en avril 1619 – ou à Tours en septembre 1619 – ou mieux: à Angers en octobre 1619.}
Hypothèse : Damoiselle du Pontcourlay est à la cour de la reine-mère … à partir de la 2º moitié de 1619 … jusqu’à une ev. entrée au couvent des carmélites comme novice (ce qui n’est pas sûr!) après la mort du marquis de Combalet 2-3 septembre 1622.
1620 :
9.) 7 août : Marie de Médicis est battue par les troupes son fils à la Bataille des Ponts-de-Cé (faubourg sud d’Angers sur la Loire). 10 août : traité d’Angers entre Luynes et les grands révoltés. La Paix d’Angers: Le 10 août 1620 aux Ponts-de-Cé, on s’accordait d’unir les deux partie et de souligner la paix et bonne entente… avec le mariage du neveu de Charles d’Albert, duc de Luynes (favori du roi) & la nièce de l’évêque de Luçon (favori de la reine-mère). Cette idée provenait du duc de Luynes. (selon les mémoires de Richelieu) : “Journal inédit” de R. Arnauld d’Andilly : Mardy, 11 aoust 1620 ! … Mariage de M. de Combalet, proposé avec la fille de M. Du Pont de Courlé [sic], niepce de M. de Lusson.. Chapeau de cardinal; M de Chasan envoyé de Mirebeau à Rome pour ce sujet.”
10.) 7 novembre 1620 : Louis XIII rentre à Paris, trouve la reine-mere, y arrivée le …. . (Journal Arnauld)”Marie de Pontcourlay, Madeleine de La Meilleraye et Anne de Saint-Mars, vécurent ensembles dans un appartement au Louvre [au rez-chaussé, au-dessous des appartements de la Reine-(mère] (La Revue de Paris 1905/p.574)
11.) 26. novembre 1620 – mariage au Louvre (chambre de la reine-mère) § Antoine Beauvoir-Grimoard du Roure, marquis de Combalet. -> Selon le “Journal inédit d’ Arnauld d’Andilly”: 1620 : Novembre, Jeudy 26 – Mr de Comballet, nepveu de M. de Luynes, accordé avec Madlle du Pont de Courlay, niepce de Mr de Lusson. – Marié le 28.
——————————————————————————