Notice biographique rédigée par Monsieur Charles-Henri de Sommyèvre
Fils unique de François du Blaisel (vers 1570 – 28 août 1639), écuyer, sieur du Brœuil et du Moulinet, et de Jeanne du Bois (ou du Bos), Claude du Blaisel (« † Metz, 9 juin 1639 »), chevalier, seigneur du Moulinet, connu comme le « sieur du Moulinet », est issu d’une famille qui se disait originaire de Brabant et établie en Boulonnais depuis le xvesiècle1.
Toute la carrière militaire de Claude du Blaisel se fera dans le cadre de la guerre de Trente Ans. Nous le trouvons en premier lieu, le 27 novembre 1621, enseigne des chevau-légers de la compagnie du seigneur d’Hocquincourt2. Il l’est probablement toujours lorsqu’il obtient une commission, ou un brevet, de capitaine de chevau-légers dans les années qui suivent. Il est vraisemblablement de l’ensemble de la campagne menée par Louis XIII dans la guerre de Succession de Mantoue et notamment de la victoire du Pas de Suse en 1629. Quoiqu’il en soit, il participe à la campagne de Savoie. Nous trouvons sa compagnie établissant ses quartiers à Faverges puis, en juin et juillet 1630 à Thônes3. Dans une relation de la campagne de Savoie, dictée par Richelieu, dans le courant du mois de ce mois de juillet, il rappelle que, « par deux fois, on envoya le sieur du Moulinet au prince Thomas », afin qu’il ouvre « le chemin d’un bon accommodement »4 avec le duc de Savoie, ce qui dénote de qualités qui vont au-delà du métier des armes. En août, la compagnie du Moulinet établit ses quartiers à Suse5.
La fin de la guerre en avril 1631 le renvoie vers la frontière nord-est du royaume. Sa compagnie comte parmi celles réunies pour s’opposer aux menées de Charles IV, duc de Lorraine, chez lequel le duc d’Orléans s’était retiré après son échec en Bourgogne6. Du Moulinet se signale avec ses chevau-légers lors du combat remporté par La Force non loin de Florenville en tirant vers les Ardennes7.
Bien que ce ne soit pas explicite, c’est très probablement lui qui assure la navette de la correspondance entre Henri de Schomberg et Richelieu évoquée en mars et en avril 16328.
En août de la même année, nous le retrouvons avec ses chevau-légers à la frontière d’Allemagne dans l’armée du marquis d’Effiat, bientôt relevé par le maréchal d’Estrée. Avec Haraucourt, ce sont eux qui escortent le maréchal lorsque ce dernier aperçoit la troupe envoyée par l’Empereur au secours de Trèves, et, en ce 13 août 1632, Moulinet et sa compagnie comptent parmi les premiers à les affronter et à les contenir jusqu’à l’arrivée des renforts qui donneront la victoire à la France9.
Lorsqu’il signe son contrat de mariage, en présence du comte de Soissons, à Paris le 5 avril 1633, « Claude du Blaisel, chevalier, seigneur du Grand et du Petit Moulinet » se dit « cappitaine d’une compagnie de chevau-légers en l’armée de Champagne »10.
L’année suivante, en juillet 1634, sa compagnie, dont « les officiers sont très soigneux » et qui campait en Flandre, est envoyée au Luxembourg11. En septembre Richelieu la compte parmi celles qui seront déployées en Picardie12.
Dès novembre, sa compagnie est détachée à Boismont13. Il y est d’autant plus utile qu’il connaît bien la région où il sert encore l’année suivante14.
Il est ensuite, le 20 mai 1635, de l’armée de Flandres, commandée par les maréchaux de Brézé et Châtillon, vainqueurs des Espagnols aux Avins15. Il s’y distingue avec son escadron, qui, « trouvant un régiment des ennemis qui commençait à se rallier, le tailla en pièces »16.
En 1636, il est le plus probablement avec le marquis de La Force lors de sa victoire près de Raon, en Lorraine, le 18 mars, contre un corps de 4 000 hommes commandés par le comte von Colloredo. Ce dernier est fait prisonnier et amené au bois de Vincennes, probablement sous l’escorte du sieur du Moulinet, ce qui explique que Richelieu, dans une lettre du 25 avril à Bouthillier, recommande de confier la garde du captif à un capitaine de chevau-légers en campagne : « Il est raisonnable que Moulinet s’en charge avec des gens dont il responde. Le sieur de Boislouet luy pourra enseigner comment il faut garder un prisonnier […] »17.
Ses relations avec le cardinal ministre ne seront pas toujours aussi bonnes comme en témoigne une nouvelle lettre de Richelieu du 31 août 1638 à M. de Chavigny, où il rapporte, à propos de l’abbaye de Caumont dont le roi avait disposé, que « le sieur de Moulinet, cappitaine de chevau-légers, avoit quasy envie de se fascher contre moy, disant que le roy l’avait donnée à son beau-frère, nommé d’Alesne, dont je n’ay jamais ouy parler. »18.
Moulinet est estimé par Richelieu, car ce dernier figure dans la liste des capitaines de chevau-légers aptes à se voir confier le gouvernement d’une place conquise que le cardinal fournit au roi (10 oct. 1636)19. En septembre 1637, Moulinet se voit confier une brigade de chevau-légers, l’équivalent d’un régiment20.
Enfin, en 1638, lors de la réorganisation de la cavalerie en régiments, il obtient une commission de mestre de camp et se voit maintenu dans l’armée de Picardie commandée par le maréchal de La Force21.
Plus conséquent pour Moulinet, Richelieu adresse un mémoire au roi, daté du 24 octobre, désignant une trentaine de compagnies qui n’apportent pas satisfaction afin de les licencier. Quatre d’entre-elles appartiennent au régiment de Moulinet, qui en compte sept22. Il lui faut en toute hâte les remplacer et le recrutement va s’avérer désastreux. Quelques mois plus tard, à la fin du printemps 1639, son régiment est engagé dans la bataille de Thionville contre les Impériaux (7 juin). Devant l’ennemi, l’ensemble de la cavalerie lâche aussitôt pied. Dans la débandade, Moulinet se joint au marquis de Praslin pour donner la charge et il est mortellement blessé23. D’abord donné pour mort dans cette circonstance, il ne meurt que deux jours plus tard24. Il évite ainsi humiliation de la déroute entachée par la lâcheté des troupes. Blessé, le roi fera bientôt embastiller les officiers les plus indignes, dont le chevalier de Cuvilliers, capitaine dans le régiment de Moulinet, qui n’a « pas fait son devoir en l’occasion de Thionville », et fait licencier leurs compagnies25. Le 16 juin, le maréchal de Châtillon évoque déjà le « régiment de feu Moulinet »26.
Son épouse, Marguerite de Lalane ou La Lane († 1664), fille de Pierre († 1643), conseiller et secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses Finances et greffier des productions de son Conseil, et de feue Anne d’Alesso27. Elle lui avait donné deux fils, Louis et René28. Elle épousera en deuxièmes noces par contrat du 8 août 1645 François de Monsures († 21 juin 1659), seigneur d’Auvilliers, mestre de camp d’un régiment de cavalerie de son nom, capitaine des chiens d’Écosse chassant le lièvre (provisions de 1655 puis brevet de 1658), mort maréchal de camp29. De nouveau veuve, Marguerite se remariera en troisièmes noces, par contrat du 21 août 1667, avec François de Belloy, seigneur de Margival30.
Texte 611,
- Naissance de François du Blaisel : il est porté « âgé de plus de 32 ans » le 23 décembre 1603 selon les Carrés de d’Hozier 96, f° 309, « 252 Du Blaisiel », Bibliothèque nationale de France, collection Manuscrits Français, volume 30 225, pour la date de son décès voir Épigraphie du département du Pas-de-Calais, publiée par la commission départementale des Monuments historiques, t. III – arrondissement de Boulogne -, Arras, 1886, p. 789 ; la seigneurie du Brœuil se rapporte probablement au Breuil, hameau à Samer, dans le Pas-de-Calais, les fiefs du Moulinet se trouvent à Wirwignes, dans le même département ; la date du décès de Claude du Blaisel est donné par les Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude XVI, liasse 447. [↩]
- Roger Rodière, « Les seigneurs de Francières, troisième partie », Bulletin de la Société d’émulation d’Abbeville, années 1912-1913-1914, tome IX, Abbeville, 1914, p. 278. [↩]
- Chanoine François Pochat-Baron, Histoire de Thônes : depuis les origines les plus lointaines jusqu’à nos jours, 2 vol., tome I, Annecy, 1925, p. 282. [↩]
- Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu publiés par M. Denis Avenel, 8 vol., tome III, 1628-1630, Paris, 1858, p. 742. [↩]
- Charles Bernard, Histoire du roy Louis XIII, Paris, 1646, p. 221. [↩]
- Capitaine Henri Choppin, Les Origines de la cavalerie française : organisation régimentaire de Richelieu…, Paris, 1905, p. 119. [↩]
- Bernard, ibidem, p. 281. [↩]
- Lettre de Richelieu au maréchal de La Force du 31 mars 1632, dans Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu publiés par Denis Avenel, tome IV, 1630-1635, Paris, 1861, p. 268-269 ; courrier du maréchal Henri de Schomberg à Richelieu, de Nanteuil-le-Haudouin, 6 avril 1632, translation publiée en ligne, texte 611. [↩]
- « Haraucourt » est ici Jacques de Longueval, seigneur de Haraucourt. Choppin, ibidem, p. 120 ; Anonyme, La Défaite des troupes allemandes et espagnolles venant au secours de la ville de Trèves par l’armée du roy commandée par monsieur le maréchal d’Estrée, Paris, 1632, p. 6, 8 et 10 ; Charles Vialart, Histoire du ministère de Jean Armand du Plessis, cardinal duc de Richelieu, sous le règne de Louys le juste 13. du nom… divisée en trois tomes, tome III, Lyon, 1665, p. 49. [↩]
- Archives départementales du Pas-de-Calais, 12 J 1/207, f° 8 213 : insinuations du Boulonnais par Roger Rodière, 1609-1654 ; et Archives Nationales, cote Y 173, f° 468. Sa compagnie faisait effectivement partie de l’armée d’Allemagne en mars selon Choppin, ibidem, p. 129. [↩]
- Arpajon à Chavigny, 17 juillet 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 vol., t. II, p. 50. [↩]
- Chavigny au maréchal de La Force, 1er septembre 1634, ibidem, p. 177-178 ; voir aussi Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu publiés par Denis Avenel, tome IV, 1630-1635, Paris, 1861, p. 268-269, lettre de Richelieu au roi du 3 septembre 1634. [↩]
- Adrien Huguet, Histoire d’une ville picarde, Saint-Valery, de la Ligue à la Révolution, 1589-1789, publiés dans les Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie du Vimeu, 2 vol., tome I, partie 1, Abbeville, 1909, p. 350. [↩]
- Mémoire d’Abel Servien au maréchal de Châtillon, 30-31 mars 1635, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, L’œil et la plume de Richelieu : correspondances croisées, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2020, p. 117-118. [↩]
- Charles Bernard, ibidem, p. 338 ; Scipion Dupleix, Histoire de Louis le Juste…, Paris, 1643, p. 190 ; Mercure galant… oct.-nov. 1703, Paris, 1703, p. 16. [↩]
- Mémoires du cardinal de Richelieu, Paris, 1823, p. 314, Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France publiés par M. Petitot, t. XXXVIII. [↩]
- Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu publiés par Denis Avenel, tome V, 1638-1642, Paris, 1867, p. 448-449. [↩]
- Ibidem, tome VI, 1635-1637, Paris, 1863, p. 133. [↩]
- Choppin, ibidem, p. 191. [↩]
- Choppin, ibidem. [↩]
- Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu publiés par Denis Avenel, 1638-1642, Paris, 1867, tome V, p. 448-449. [↩]
- Choppin, ibidem p. 213. [↩]
- Choppin, ibidem p. 305. [↩]
- Dupleix, ibidem, p. 165 ; la date exacte est donnée par son inventaire après décès du 2 septembre 1639 se trouvant aux Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude XVI, liasse 447. [↩]
- Lettre « du roy au mareschal de Chastillon » dans Antoine Aubery, L’Histoire du cardinal duc de Richelieu, t. IV, Cologne, 1667, p. 289. [↩]
- « Du même [maréchal de Châtillon] à M. de Noyers », ibidem, p. 140. [↩]
- Son inventaire après décès du 29 août 1643 se trouve aux Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude XVI, liasse 461. [↩]
- Archives Nationales, Minutier central des notaires, Étude XVI, liasse 447. [↩]
- Le deuxième contrat de mariage de Marguerite de Lalane est connu grâce aux Dossiers bleus 455 « 11-18 Monsures », Bibliothèque nationale de France, coll. Manuscrits Français, volume 30 000 ; la seigneurie d’Auvilliers se trouve aujourd’hui dans le département de la Seine-Maritime, s’y trouve encore le château bâti par les Monsures ; le régiment d’Auvilliers, levé le 24 septembre 1651, est licencié l’année suivante après avoir opéré en Guyenne à l’occasion des troubles, voir général Louis Susane, Histoire de la cavalerie française, tome III, Paris, 1874, p. 192 ; les dates de 1655 et 1658 pour la charge de capitaine des chiens d’Écosses sont données par les Archives Nationales cotes O/1/10 f° 171 et O/1/7, f° 246 ; concernant le grade de maréchal de camp de François de Monsures, voir Emmanuel Henri, vicomte de Grouchy et Arthur, comte de Marsy, Un Administrateur au temps de Louis XIV, Thomas de Grouchy… Gand, 1886, p. 474 d’après les Carrés de d’Hozier 441, « Monsurres ». [↩]
- René de Belleval, Nobiliaire de Ponthieu et Vimeu, 2 vol. 1861-1864, t. I, Amiens, 1861, p. 331, « Belloy ». [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charles-Henri de Sommyèvre (3 mai 2023). Blaisel (Claude du, seigneur du Moulinet). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 16 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tqhe