Charles de La Porte, marquis de La Meilleraye, à Richelieu, Nantes, 9 avril 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 1505, f^° 69-70. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 149-150.

Monseigneur,

J’ai cru, après avoir reçu le château de cette ville entre mes mains et en avoir fait sortir la garnison qui y était pour M. de Montbazon, et y avoir établi la vôtre, vous en devoir donner avis comme aussi de tout ce que j’y ai rencontré et de l’état auquel est la place. Vous avez assez de connaissance de sa force pour que je ne vous en importune pas davantage, quoique je crois qu’il sera besoin d’y accommoder quelque chose comme la poterne et quelque autre pièce que je vous marquerai, vous envoyant le plan comme je ferai au premier jour, n’en ayant encore pas eu le loisir.

Mais il est nécessaire que vous sachiez le désordre qui est dans les armes et munitions, qui est tel, que l’on ne saurait tirer un canon pour vous faire réception si vous y veniez, et que quand ils seraient en état, le nombre en est si petit qu’ils ne feraient pas grand bruit, n’y ayant que quatre canons, deux moyennes et deux bâtardes, qui est peu au regard de ce qu’il y a eu tous les affûts rompus, les poudres gâtées, les mousquets quart tous démontés. Mais il y a de quoi armer quelque deux cent cinquante chevaux qui seraient prêts avec quelque légère réparation. Je vous envoie l’inventaire que j’en ai fait faire. 

Je n’ai pas trouvé un seul boisseau de blé, ni pain, ni farine, ni biscuit, seulement le jour que j’y suis entré y ai-je fait mener quelques farines, en attendant que je sache si vous n’aurez pas agréable que j’y fasse mettre du blé autant qu’il en faut pour la munir, ce que j’eusse déjà fait, si j’avais cru que l’eussiez eu agréable. 

Ce gentilhomme vous dira de quelle façon je suis arrivé ici <…> pas voulu que personne de mes amis que M. du Ruau et quatre ou cinq officiers de mon régiment y fussent. Tous les corps m’ont témoigné grande joie que vous eussiez ce gouvernement et plusieurs particuliers m’en ont encore assuré, entre lesquels M. de Lessongère se montre fort passionné pour tout ce qui vous touche.

J’ai fait enregistrer vos lettres de gouverneur particulier de la ville et château de Nantes au présidial et à la maison de ville où je n’ai pas voulu assister (n’étant pas nécessaire), attendu que je ne suis point reçu au Parlement. Je vous en envoie les actes et partirai lundi ou mardi pour aller à Rennes faire le même pour votre pouvoir de gouverneur de cette province. Je vous envoie aussi la prise de possession du château et tour de Pirmil, pour laquelle il vous plaira d’envoyer quelqu’un d’autant que les droits se perdent, si celui à qui ils appartiennent n’est sur les lieux pour les faire valoir. Je lairrerai, allant à Rennes, le sieur de La Fitte pour commander au château, en attendant que vous en ayez ordonné un autre, ayant cru que celui-là y serait plus propre, étant sergent-major des gens qui y sont.

Je suis bien embarrassé, savoir si je dois présenter votre jussion pour le droit d’ancrage ou si je dois attendre votre réponse, reconférerai avec quelques-uns de ceux qui sont le plus à vous, et s’ils jugent qu’il y ait difficulté, je remettrai jusques à ce que M. le Prince [de Condé] y soit présent, comme porte le mémoire du bonhomme M. Martin.

Il y a un différend en cette ville pour la préséance des échevins, duquel j’écris à M. Bouthillier pour vous en parler. Il s’agit en cela savoir qui vous avez agréable d’obliger ou les officiers ou les marchands.

Je n’ai jamais vu un séjour plus agréable que celui-ci. Dieu veille néanmoins que vous n’y veniez jamais faire plus d’un mois de séjour et qu’il me fasse la grâce de vous pouvoir faire paraître comme ma plus grande ambition est le ressentiment de ce que je vous dois, Monseigneur, votre très humble, très obéissant, très obligé serviteur et créature, 

La Melleraie

À Nantes, le 9 avril 1632.

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