Barbe Alberte d’Ernécourt (1607-1660), dame de Gibeaumeix (Gibomey, Gibomay, Gibornay, Gibomel, Gibosmel), et de Neuville-en-Verdunois, dite « l’Amazone chrétienne », est la fille de Simon d’Ernécourt († 1626), seigneur de Neuville-en-Verdunois, Vaulx-la-Grande etc.., chambellan du duc Henri le Bon (Henri II de Lorraine), et de Marguerite Housse de Watronville (Vatronville)¹. Elle est aussi la petite-fille de Simon d’Ernécourt, gouverneur de Vaucouleurs.

Née le 14 mai 1607, au château de Neuville-en-Verdunois, elle est élevée par sa tante paternelle, et marraine, Barbe d’Ernécourt, épouse de Varin de Nyvenheim, au château d’Étrepy, près de Vitry-le-François. Elle devient « Madame de Saint-Balmont » (ou Saint-Baslemont), par son mariage, le 19 ou le 29 février 1624² avec Jean-Jacques de Haraucourt, seigneur de Saint-Balmont (ou Saint-Baslemont), à qui elle apporte en dot le château de Neuville-en-Verdunois.

Un premier fils, Dominique, naît en 1626, et décède à l’âge de quelques mois. Un second fils, Philippe, naît en 1630.

Gouverneur et bailli de Bar, à la tête d’un régiment de cavalerie qu’il entretient à ses frais, Monsieur de Saint-Balmont suit les pérégrinations du duc Charles IV de Lorraine à partir de 1633 et de l’occupation des duchés de Lorraine et de Bar par le roi de France. Défait par le rhingrave Othon-Louis la même année, il est capturé. Son épouse verse une importante rançon pour sa libération, mais le régiment de Saint-Balmont est sévèrement défait dans la région de Thann dès le mois de janvier 1634³.

En 1635, Monsieur de Saint-Balmont se met au service des Impériaux, aux côtés de Charles IV, et achève de dépenser la fortune de sa femme. En juin, il est capturé par les soldats du maréchal de La Force, puis libéré sur les instances de son épouse, qui déclare alors son attachement à la cause française et verse une nouvelle rançon⁴. En octobre, le château de Gibeaumeix, près de Toul, propriété de Madame de Saint-Balmont, tombe aux mains d’un contingent français commandé par le sieur du Baillet, déterminant Monsieur et Madame de Saint-Balmont à solliciter l’aide de Charles IV pour le reconquérir⁵. La situation est d’autant plus difficile pour elle que le comte de Chavigny donne, dans le même temps, l’ordre au comte de Thianges de réquisitionner les grains qu’elle a pu stocker à Neuville-en-Verdunois⁶. Madame de Saint-Balmont porte aussi secours à son beau-frère Jacob, chevalier de Haraucourt, de l’ordre de Malte, et à sa belle-sœur, chanoinesse de Remiremont. Elle séjourne quelque temps à l’abbaye de Bouxières-aux-Dames, et y fait entrer sa fille, Marie-Claude, née en 1632, pour y être éduquée.

En mai 1636, Sylvestre Crugy de Marcillac, évêque de Mende, en charge de destructions de fortifications en Lorraine, évoque même le rasement du château de Gibeaumeix⁷. Il est à noter que Sylvestre Crugy de Marcillac écrit encore à Richelieu le 26 juin 1636 : « Je n’ai point encore reçu, Monseigneur, l’ordre particulier que Votre Éminence me fait espérer pour le rasement du château de Gibomé, ce qui n’a pas empêché que je n’aie obéi au commandement que Votre Éminence m’a fait d’y faire travailler. Il y a tantôt huit jours que j’y ai envoyé un commissaire qui s’en acquittera comme il faut. Je supplie néanmoins Votre Éminence de commander que cet ordre me soit envoyé au plutôt, et un autre encore portant approbation du rasement du château de Tuméjus. »⁸. L’évêque de Mende fait procéder à la destructions des éléments de défense du château de Gibeaumeix, en particulier ses tours, et fait combler ses fossés⁹.  En 1647, le traité du second mariage de Christophe de La Vallée, lieutenant du Roi au gouvernement de Toul, avec Catherine de Chérisey, parente de Madame de Saint-Balmont, peut cependant être signé au château de Gibeaumeix. Catherine de Chérisey, orpheline de père, est assistée de son oncle, Gabriel de Chérisey, et de Madame de Saint-Balmont, à qui elle est aussi apparentée¹⁰.

Ce sont peut-être ces événements qui déterminent Madame de Balmont à prendre elle-même les armes à partir de l’année suivante, pour défendre ses terres de Neuville-en-Verdunois, et leurs habitants, en organisant leur accueil. Elle se montre particulièrement soucieuses de protéger les populations voisines de Neuville-en-Verdunois des exactions commises par les troupes de passage engagées dans la guerre de Trente Ans, qu’elles soient françaises, suédoises, « cravates », ou lorraines. Outre le village de Neuville, elle met tout en œuvre pour protéger Thillombois et Benoîte-Vaux, sanctuaire du culte marial de premier plan, dont la statue miraculeuse est transférée au château de Neuville entre 1638 et 1641.

À l’inverse de son mari, elle choisit d’embrasser la cause du roi de France. En janvier 1639, elle livre au marquis de Feuquières des « prisonniers [croates] de la garnison de Thionville »¹¹. Puis en juin, elle porte secours au soldats français engagés au siège de la ville¹².

Dom Calmet indique que Madame de Saint-Balmont intervient à trente reprises, entre 1636 et 1643, et se fait apprécier des autorités militaires françaises¹³. Une solide amitié la lie, en effet, au marquis de Feuquières, gouverneur de Verdun.

Le maréchal de La Ferté n’en ordonne pas moins, au cours des années 1650, la réquisitions des biens de Madame de Saint-Balmont.

M. de Saint-Balmont, quant à lui, décède au service du duc de Lorraine en 1644. La même année Philippe de Haraucourt décède de maladie, à Bar-le-Duc, à l’âge de 14 ans. Marie-Claude de Haraucourt, épouse, en 1646, Louis des Armoises, seigneur de Jaulny et de Commercy, et lui transmet les terres et le château de Neuville-en-Verdunois.

Madame de Saint-Baslemont se retire au couvent des clarisses de Bar-le-Duc le 19 mars 1659, pour en sortir le 23 décembre et décéder en son château de Neuville le 22 mai 1660. Elle est inhumée en l’église paroissiale du lieu. Gédéon Tallemant des Réaux fait de M^me de Saint-Balmont la première de ses « femmes vaillantes » et déclare à son propos : « ses mœurs ne s’accordent pas trop bien avec son habit ni avec son humeur guerrière, car elle aime autant à prier Dieu qu’à se battre ; elle est aussi dévote que vaillante »¹⁴.

Claude Deruet a peint un exceptionnel portrait équestre de Madame de Saint-Baslemont, qui est aussi l’auteur d’une tragédie intitulée Les Jumeaux martyrs, publié en 1650. L’ouvrage a fait l’objet d’une publication scientifique par Carmetta Abbott et Hannah Fournier, à Genève, Droz, 1995.

Voir aussi Anne Motta, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (vers 1620-1737), thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université du Maine, sous la direction de Laurent Bourquin et de Philippe Martin, 2012, p. 192 et p. 200 ;

Le père Des Billons, Histoire… de la vie d’Alberte-Barbe d’Ernécourt connue sous le nom de Madame de Saint-Balmont, Liège, J.-J. Tutot, 1771, p. 13 et suivantes.

Textes 631, 633, 634, 635, 636, 638, 640, 

1. Jean-Jacques Lionnois, Détail des preuves de la Maison de Raigecourt, Nancy, imprimerie de Pierre Antoine et Pierre Barbier, 1775, p. 37. [↩]
2. Jean-Jacques Lionnois donne la date du 19, mais la date du 29 est le plus souvent avancée, notamment par Guy Cabourdin, Encyclopédie illustrée de la Lorraine, Histoire de La Lorraine. Les Temps modernes. 1. De la Renaissance à la guerre de Trente Ans, Nancy, Presses Universitaires de Nancy et Metz, Éditions Serpenoise, 1991, p. 213. [↩]
3. Champvallon à Chavigny, vers la fin janvier 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, t. 1, p. 239. [↩]
4. Madame de Saint-Baslemont fait intervenir Jean V de Nettancourt-Vaubecourt, dans le château duquel elle a séjourné durant son enfance. Voir Anne Motta, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (vers 1620-1737), thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université du Maine, sous la direction de Laurent Bourquin et de Philippe Martin, 2012, p. 196 note 79. [↩]
5. Sébastien du Baillet à Chavigny, de Gibeaumeix, 10 octobre 1635, original conservé au Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 26, f° 467-468, translation publiée en ligne, texte 633 [↩]
6. « Ledit sieur de Thianges enverra quelqu’un à La Neuville-en-Verdunois, maison appartenant à Saint-Balmont, pour en enlever tous les grains qui s’y trouveront, et les faire mener dans Saint-Mihiel, ou dans Verdun, selon la commodité des lieux. », mémoire du comte de de Chavigny, destiné à Charles de Damas, comte de Thianges, Saint-Mihiel, 15 octobre 1635, minute conservée au Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 26, f° 541-542, translation du document complet en ligne, texte 634. [↩]
7. « J’ai appris que le château de Gibaumé [sic], duquel j’ai ci-devant écrit à Votre Éminence appartient à la dame de Saint-Balmont, dont le mari est avec l’Empereur, et que celle qui s’est dit maintenant la maîtresse ne fait que prêter le nom à l’autre. C’est pourquoi j’estime qu’il est nécessaire que cette maison soit rasée. » : l’évêque de Mende à Richelieu, Toul, 31 mai 1636, original conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 29, f° 243-244, translation du document complet en ligne, texte 635. [↩]
8. La lettre originale est conservée au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 29, f° 290-291, translation du texte complet publiée en ligne, texte 636. [↩]
9. L’évêque de Mende au comte de Chavigny, 22 septembre 1636, lettre originale conservée au Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique Lorraine, volume 29, fol. 471-472, translation du texte complet publié en ligne, texte 638. [↩]
10. Voir Alphonse Roserot, Titres de la Maison de Rarécourt de La Vallée de Pimodan…, Paris, Plon-Nourrit, 1903, p. 154-155, ouvrage consulté en ligne le 15/06/2023 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5727886p.image. [↩]
11. Manassès de Pas, marquis de Feuquières, à François Sublet de Noyers, Verdun, 6 janvier 1639, original conservé au Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance politique Lorraine, volume 31, fol. 2-3 ; voir aussi Micheline Cuénin, La dernière des Amazones : Madame de Saint-Baslemont, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1992, p. 85-87. [↩]
12. Micheline Cuénin, La dernière des Amazones : Madame de Saint-Baslemont, ouvrage cité, p. 95-96. [↩]
13. Dom Augustin Calmet, Bibliothèque lorraine ou histoire des hommes illustres, qui ont fleuri en Lorraine, dans les trois Évêchés, dans l’Archevêché de Trèves, dans le duché de Luxembourg etc., Nancy, chez A. Leseure, 1751, col. 347-348, consulté en ligne le 15/06/2023 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5861244r/f197.image.r=Baslemont.)). L’historien se fonde sur un courrier que le marquis de Feuquières adresse à François Sublet de Noyers le 6 janvier 1639 ((Manassès de Pas, marquis de Feuquières, à François Sublet de Noyers, Verdun, 6 janvier 1639, original conservé au Ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance politique Lorraine, volume 31, fol. 2-3, translation publiée en ligne texte 640. [↩]
14. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux :Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. II, p. 597. [↩]

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