Richelieu à Louis XIII, et réponses du Roi, Conflans, 21 juin 1636.

Collection particulière, aimable communication de M. Bertrand Thierry des Épesses, original de la main de Denis Charpentier avec réponses inédites en marge, de la main du Roi. Le texte de Richelieu stricto sensu a été publié, d’après la minute préparatoire de la main de Denis Charpentier corrigée de la main de Richelieu, par Denis-Louis-Martial Avenel, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome V, p. 485-486. Sur le document reçu par Louis XIII et renvoyé à Richelieu, figure une suscription de la main du Roi : « pour Mon Cousin le cardinal de Richelieu », et pour le classement de la main de Denis Charpentier, « mémoire répondu du Roi du 21^e juin 1636 ». Le même jour, Richelieu adresse un autre courrier d’importance au Roi, publié par Denis-Louis-Martial Avenel à la suite de celui-ci (ibidem, t. V, p. 487-488, voir le texte 632). 

Au Roi.

De Conflans, ce 21 juin 1636.

La sédition d’Angoumois, qui semblait alentie, s’est réchauffée depuis peu, en sorte qu’ils se sont assemblés 7 à 8 mille hommes dont il y en a 3 ou 4 mille armés, et leur fureur est venue à tel point qu’ils ont mis en pièces un pauvre chirurgien le prenant pour un gabeleur. On mande de-delà qu’il est impossible de les réprimer que par la force et qu’il faut par nécessité de vieilles troupes.

On croit qu’on pourrait renvoyer les régiments de La Meilleraye, Montmège [Mommège], Callonge [Calonges], faire leurs recrues en Poitou et Limousin, et faire ensuite l’effet que l’on désire, après quoi ils pourront revenir à la fin d’août. Sa Majesté mandera, s’il lui plaît, sa volonté sur ce sujet, laquelle on effectuera ponctuellement et promptement. Il faut aussi 4 compagnies de chevaux légers.

[Réponse du Roi à ces dernières lignes, en marge gauche du paragraphe] Je trouve très à propos d’y envoyer ces 4 régiments et les 4 compagnies de cavalerie, je vous en remets le choix.

Six compagnies qui étaient en garnison dans Vitry [Vitry-le-François] et qui ne sont composées que de 20 hommes chacune, n’étant pas en l’état auquel elles devraient être, je m’assure que Sa Majesté trouvera bon de les faire licencier, étant certain que tant que Madame du Hallier s’en mêlera elles seront incapables de servir.

[Réponse du Roi à ces dernières lignes, en marge gauche du paragraphe] Je le trouve très bon, ce n’est au fames [sic, femmes] à se mêler ni de la guerre, ni de l’État¹.

Monsieur d’Aiguebonne supplie Sa Majesté de le vouloir honorer de la charge de maréchal de camp ; les services qu’il lui a rendus, et particulièrement au lieu où il est, la convieront sans doute à lui accorder cette grâce.

[Réponse du Roi à ces dernières lignes, en marge gauche du paragraphe] Il le mérite bien, je lui accorde.

Monsieur le colonel Hebron demande qu’il plaise au Roi lui confirmer celle qu’il lui a plu lui faire ci-devant, lui accordant Mesternic [Metternich], à ce qu’il dit, ce que je ne savais pas, dont il pourra tirer quatre mille écus, qui lui aideront à subvenir à ses affaires. Je pense que Sa Majesté se portera volontiers à lui faire cette gratification, en considération du service qu’il lui vient de rendre contre les Cravates.

[Réponse du Roi à ces dernières lignes, en marge gauche du paragraphe] J’accorde Meternic au colonel Hebron.

Il la supplie aussi de vouloir donner rang à son régiment avant ceux qui depuis ont été mis à 20 compagnies. Si Sa Majesté lui fait cette faveur, ce lui sera un puissant aiguillon pour le porter à faire de bien en mieux. Comme, au contraire, si elle la lui dénie, il s’est fait entendre qu’il lui serait impossible de servir. Je crois que Sa Majesté, par sa prudence et par sa volonté tout ensemble, voudra prévenir cet inconvénient qui ne serait pas petit.

[Réponse du Roi à ces dernières lignes, en marge gauche du paragraphe] Je trouve bon que le régiment du colonel Hebron tienne le rang qu’il avait accoutumé ci-devant.

[Lignes ajoutées par le Roi, à la fin du courrier :] Je vous eusse envoyé les perdreaux que j’ai pris ce soir, mais le pourvoyeur [sic] m’a dit qu’ils seraient gâtés entre ci et demain, si on ne les faisait cuire dès ce soir, c’est pourquoi je ne les ai pas envoyés.

1. La remarque de Louis XIII souligne une fragilisation de la monarchie, dans l’esprit des contemporains, durant les périodes de régences assumées par les Reines devenues veuves, à l’instar de Marie de Médicis, ou, à partir de 1643, d’Anne d’Autriche. Dans les deux cas cependant, on peut noter que le règne de leur fils s’accompagne, pour Louis XIII, de l’émergence du pré-absolutisme, puis pour Louis XIV, de l’affirmation pleine et entière de la monarchie absolue. Elle ne saurait amoindrir le rôle politique des régentes, ni l’engagement et le courage, dans contexte de la guerre ouverte, dont ont fait preuve certaines femmes moins illustres comme Catherine de Lorraine, abbesse de Remiremont, ou Madame de Saint-Baslemont – ou Saint-Balmont – en Lorraine. [↩]

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