Charles-Chrétien de Gournay († 1637) est le fils cadet de Regnaut de Gournay († 1613), seigneur de Villers, et de sa seconde épouse, Louise d’Aspremont-aux-Merlettes, dame de Marchéville (au bailliage de Saint-Mihiel), qui était veuve de N. de Boulan, seigneur de Moniquentin. Il est le frère d’Henri de Gournay, seigneur puis comte de Marchéville, diplomate au service de Louis XIII, employé dans le Saint Empire, puis ambassadeur du roi de France à Constantinople.

Tous deux ont encore un demi-frère, Charles de Gournay († 1632), seigneur de Villers, né du premier mariage de leur père avec Agnès d’Esche, dame de Château-Saint-Blaise (qui était veuve de Pierre de Beauvau, seigneur de Pange), bailli de Nancy en 1605 et sénéchal de Lorraine en 1624, qui a épousé Anne du Châtelet puis Charlotte de Ligniville¹. Il est enfin le cousin germain de l’évêque réformateur Jean des Porcelets de Maillane (1581-1624), fils d’Esther d’Aspremont-aux-Merlettes, évêque de Toul entre 1607 et 1624.

Charles-Chrétien de Gournay embrasse une double carrière : diplomatique, comme son frère aîné, et religieuse.

Il devient évêque in partibus de Scythie, suffragant de l’évêque de Toul, le cardinal Nicolas-François de Lorraine, en 1624. Très liée au cardinal de Bérulle, la famille de Gournay favorise l’établissement de l’Oratoire en Lorraine, et entretient d’étroits rapports avec la famille Arnauld et l’abbé de Saint-Cyran. Henri Arnauld devient d’ailleurs chanoine de la cathédrale de Toul puis doyen du chapitre.

D’importantes missions diplomatiques lui sont confiées au cours des années 1630. Il fait partie de la délégation envoyée par le roi de France à la diète de Ratisbonne en mai 1630. Il est ensuite présent à l’assemblée des électeurs catholiques réunis Francfort en 1631.

En 1633-1634, Louis XIII le dépêche auprès du chancelier suédois Oxenstern et auprès des quatre cercles du Rhin et de la Haute Allemagne réunis à Francfort. Le 5 septembre 1633, les négociations entreprises permettent la signature, à Francfort, d’une alliance entre Louis XIII, Christine de Suède et les princes allemands adhérents à la ligue d’Heilbronn du 13 avril précédent. Mais le 9 décembre suivant, Louis XIII envoie à nouveau Monsieur de Gournay auprès du chancelier Oxenstern pour s’enquérir de ses intentions concernant la place de Philippsbourg, appartenant à l’archevêque-électeur de Trèves, menacée par les belligérants en présence dans le Saint Empire².

À la suite du retour à l’état laïc de Nicolas-François de Lorraine, de son mariage avec la princesse Claude de Lorraine (18 février 1634) et leur départ en exil, en Toscane, Louis XIII, excluant tout candidat soutenu par le duc Charles IV de Lorraine, nomme Charles-Chrétien de Gournay, à l’évêché de Toul, par brevet du 1^er mars 1634,  après l’intervention, en faveur du prélat, de la duchesse Nicole de Lorraine et de Vincent de Paul. Mais Urbain VIII refuse d’expédier les bulles de confirmation, préférant à Charles-Chrétien de Gournay la candidature de Charles d’Anglure de Bourlemont, abbé commendataire de Béchamps. Une longue querelle oppose pendant trois ans le souverain très chrétien, le pape Urbain VIII, et le chapitre de Toul, tous trois revendiquant le droit de collation à l’évêché. Charles-Chrétien de Gournay se rend à Paris en mars 1634 et adresse à la cour un mémoire de Christophe de La Vallée, évêque de Toul de 1587 à 1607, prédécesseur de Jean des Porcelets de Maillane, pour soutenir les prétentions de Louis XIII à nommer au bénéfice épiscopal, les libertés gallicanes, et ses prétentions à la succession de Nicolas-François de Lorraine³.

Il poursuit cependant sa carrière diplomatique. Richelieu souhaite en effet placer l’archevêque de Trèves sous la protection française et contrôler la forteresse de Philippsbourg. Le 31 mars 1634, le cardinal-ministre rédige des instructions en ce sens destinées à Charles-Chrétien de Gournay : il s’agit d’ « instances pour faire mettre Philippsbourg entre les mains de Monsieur de Feuquières [et des] réponses aux objections des Suédois qui prétendent que le traité avec la Suède n’a plus lieu à cause de la mort du roi de Suède »⁴. Il est ensuite envoyé à Philippsbourg et dans l’évêché de Spire à la fin du mois de septembre 1634⁵. En janvier 1635, il est d’ailleurs désigné comme « résident pour le roi à Spire [lieu de résidence habituel de l’archevêque de Trèves, qui est également évêque de Spire] », dans un mémoire intitulé “Réponses aux objections que l’on peut faire sur la prise de Philippsbourg”⁶.

Une lettre de Louis XIII au chancelier Oxenstern évoque un voyage du Charles-Chrétien de Gournay auprès du ministre de la reine Christine pour le renouvellement de l’alliance d’Heilbronn. Elle est mentionnée à deux reprises par Denis-Louis-Martial Avenel, d’abord pour la date du 21 novembre 1634⁷, puis pour la date du 21 novembre 1635⁸.

Charles d’Anglure de Bourlemont ayant retiré sa candidature à l’évêché de Toul, Charles-Chrétien de Gournay prend possession de l’évêché de Toul le 14 février 1636 et est officiellement investi de l’évêché de Toul en février 1637. Il décède peu après l’octroi des bulles pontificales avalisant sa nomination, à Nancy, selon dom Calmet le 14 septembre 1637, ou au printemps 1638.

Voir aussi Madeleine Haehl, Les Affaires étrangères au temps de Richelieu : le secrétariat d’État, les agents diplomatiques (1624-1642), Bruxelles, Bern, Berlin…, P.I.E. Peter Lang, 2006, p. 284 ;

dom Augustin Calmet, Histoire généalogique de la maison du Châtelet branche puînée de la maison de Lorraine…, Nancy, imprimerie de la veuve de Jean-Baptiste Cusson, 1741, p. 181 ;

Alastair Hamilton, « ‘To Divest The East of All its Manuscripts and all its Rarities’. The Unfortunate Embassy of Henri Gournay de Marcheville », dans Alastair Hamilton, Maurits H. van den Boogert, Bart Westerwell (éd.), The Republic of Letters and the Levant : Yearbook for Early Modern Studies, Leyde, 2005, p. 123-150, voir p. 124 note.

Textes 635, 772, 

1. Dom Augustin Calmet, Histoire de Lorraine…, nouvelle édition, tome V, Nancy, chez A. Leseure, 1745, col. CCIC-CCXII. [↩]
2. Voir Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. VIII, p. 199. [↩]
3. Charles-Chrétien de Gournay à Chavigny, Paris, 19 mars, original conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 14, f° 283-285, courrier publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, t. 1, p. 357. [↩]
4. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions…, ouvrage cité, t. VII, p. 718. [↩]
5. Louis XIII écrit à l’archevêque de Trèves, Philippe-Christophe von Sötern, de Montceaux, le 25 septembre 1634 : « Mon cousin, j’envoie vers vous le sieur de Gournay. Je lui ai donné charge de vous faire entendre combien il est important que vous fassiez pourvoir de vivres et de munitions de guerre, pour un an, la place de Philippsbourg avant que mes troupes y entrent… Je lui ai aussi commandé de faire quelque séjour dans l’évêché de Spire pour le soulagement des habitants et la conservation de la religion… », Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu : additions, corrections et errata généraux, t. VIII, p. 273. [↩]
6. Dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, “La raison de guerre” : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2016, p. 99-106, voir la mention p. 103. [↩]
7. Lettres, instructions…, ouvrage cité, t. IV, p. 789. [↩]
8. Lettres, instructions…, ouvrage cité, t. V, p. 954. [↩]

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