Guillaume Bautru au cardinal de La Valette, 11 novembre 1637.

Collection particulière, aimable communication de M. Bertrand Thierry des Épesses. Original autographe de deux feuillets. Au verso du deuxième feuillet : « à Monseigneur, Monseigneur le cardinal de La Valette, général de l’armée de Sa Majesté », « M. de Bautru, 11^e novembre 1637 ».

Le texte a été publié par René Kerviller, Guillaume Bautru, comte de Serrant, l’un des quarante fondateurs de l’Académie française (1588-1665), Paris, librairie Menu, 1876, p. 43-44. Il est aussi mentionné par Henri Chardon dans son article intitulé « La vie de Rotrou mieux connue (suite) », Revue historique et archéologique du Maine, tome quatorzième, année 1883 second semestre, p. 74, article consulté en ligne le 20/08/2023. S’il ne fait pas partie de la correspondance de Richelieu stricto sensu, il n’en vient pas moins utilement la compléter. La translation proposée ici précise aussi la lecture de termes que René Kerviller n’avait pas transcrits et l’identité des protagonistes.

Monseigneur,

Encore que vous ne teniez pas mes prières pour fort accréditées en Cour céleste, si est-ce que j’ai quelque créance qu’elles ne nuisent pas à l’heureuse santé dont nous vous voyons jouir au milieu des armées, où elle est assez rare. Je suis confirmé en cette créance par la mort inopinée de ces trois princes nos alliés¹, que nous avons vu finir en peu de jours, pour lesquels je vous avoue, quoiqu’avec confusion, je n’avais fait aucune prieur à Dieu depuis six mois et quelques [« jours » : barré] semaines, non plus que pour Monsieur de La Meilleraye [Antoine de Mouy, seigneur de Héritot, héritier de son frère aîné, Louis de Mouy-Meilleraye décédé deux ans plus tôt], lieutenant du Roi en Normandie, qu’un apoplexie [sic]  nous a ôté depuis 4 ou 5 jours. 

Vous n’aurez pas été bien fâché de la sortie des Espagnols hors de Guyenne. Cette armée n’enflera pas beaucoup l’histoire de leurs prouesses.

Son Éminence [Richelieu] est à Paris, où il ne séjourne qu’un jour ou deux. La comédie a été une partie de son divertissement et une visite chez Monsieur de Senneterre, qui la traite en son palais avec magnificence.

Si ce beau temps ici dure, je crois que l’on visitera ceux d’Ivoy [Yvoy-Carignan], à la charge de le mettre en état où l’on ne craint point les surprises². 

Nous croyons que Monsieur du Blin [sic, François II d’Averton, comte de Belin] le père est mort de maladie en son pays du Maine, où il disait les meilleurs mots de la province. 

Le Roi fut hier visiter la religion [sic] de la rue Saint-Antoine et s’en retourna à Crosne. La Reine fut incognita à Notre-Dame aux obsèques de Monsieur de Savoie et de telle sorte qu’elle tomba et fut pilée aux pieds par nombre d’obscurs. Elle n’en fît que rire. Messieurs de Coaslin [Pierre César du Cambout de Coislin], de Guytaut [Charles de Pechpeyrou-Comminges de Guitaut] et moi la reconnûmes avec assez de travail. 

Les nouvelles de la Cour sont assez stériles. Je crois que le maréchal de Vitry a permission de se promener sur les terrasses de la Bastille. Le prince d’Éthiopie [Zaga Christ] a été mis pris prisonnier au Châtelet, accusé d’adultère par un Monsieur Saunier, naguères conseiller au Parlement. Cette femme avait autrefois nom La Concressant [Madame Saunier est née Antoinette Allemant du Concressault]. Satis est dirait le docte Monseigneur qui est allé à Tours couvert de boutonnières d’argent et rival du second prince de cet État. 

Revenez tantôt, Monsieur, nous vous en dirons davantage, mais rien plus véritablement que les assurances éternelles que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très assuré serviteur,

Bautru 

 

1. Le landgrave Guillaume V de Hesse-Cassel est en effet décédé le 21 septembre, Charles de Gonzague-Nevers, duc de Mantoue, a trouvé la mort le lendemain, 22 septembre, et le duc Victor-Amédée de Savoie est décédé le 7 octobre. [↩]
2. Au début du mois d’août 1637, le maréchal de Châtillon est parvenu à s’emparer d’Yvoy – ou Yvois –, dans les Ardennes. Mais à la mi-septembre, la place a été reconquise par l’ennemi, qui ne s’est vu opposer aucune résistance par la garnison, endormie au moment de l’assaut. Louis XIII fait part de son mécontentement au maréchal de Châtillon, dans un courrier adressé le 17 septembre, publié par Denis-Louis-Martial Avenel, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. V, p. 856-857. Fin octobre, le Roi demande à Châtillon de reprendre Ivoy et Longwy, comme l’indique Richelieu au maréchal, dans une série de lettres en date du 31 octobre puis des 2 et 3 novembre, publiées par Denis-Louis-Martial Avenel, ibidem, t. V, p. 879. [↩]

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