Honoré II Grimaldi (1597-1662), seigneur puis prince de Monaco, prince de Morgues (ou « prince de Mourgues »), duc de Valentinois, comte de Carladès en 1643, baron du Calvinet, des Baux et de Buis¹, est le fils d’Hercule Grimaldi († 21 novembre 1604), seigneur de Monaco, et de Marie Landi de Valderato, issue d’une famille lombarde pro-espagnole².

Né à Paris le 24 décembre 1597, Honoré II n’a que 6 ans lorsqu’il hérite de la seigneurie de Monaco. La régence de son oncle maternel, Federico Landi, confirme la domination espagnole. Dès 1612 cependant, Honoré II, soucieux d’affirmer son autorité, parvient à ériger la seigneurie en principauté, reconnue par le roi catholique, mais où une garnison espagnole est présente. En 1616, conformément à la stratégie matrimoniale de la génération qui l’a précédé, Honoré II de Monaco épouse Hippolyte Trivulce (Ippolita Trivulzio) († 20 juin 1638), appartenant à une influente famille milanaise³.

L’importance stratégique de la principauté monégasque n’échappe cependant ni au père Joseph ni à Richelieu. Vers 1628, le capucin commence à travailler à une alliance qui rapprocherait Louis XIII et Honoré II⁴.  

En 1630, le rapport d’un informateur espagnol à Henri de Jaubert, comte de Barrault, ambassadeur de France à Madrid, indique : « le 6^e et le 7^e article de la consultation [du Conseil d’État espagnol] font voir avec quelle haine on forme des desseins contre le repos et l’honneur de la France, je n’en puis pénétrer d’autre que la surprise des îles d’Hyères, ou du port de Villefranche et Nice, pour assurer, par le premier, le passage d’Italie, et, par le second, avec la garnison de Monaco, qui est à leur disposition, avoir l’entrée en Piémont »⁵. Au mois de mai de la même année, deux émissaires monégasques, Orazio Rossi, fiscal de Menton, et le père capucin Gianupero di San Salvatrore, prennent contact avec le nouveau résident français auprès de la république de Gênes, Melchior de Sabran⁶. Dès cette époque, Melchior de Sabran propose, au nom de Louis XIII, une indemnité au prince de Monaco pour les pertes foncières et de revenus qu’il pourrait subir dans les territoires sous dominations espagnole s’il choisissait  l’alliance française, la remise au Roi très chrétien de la forteresse de Morgues et du port de Menton, et un engagement de la part du prince monégasque d’en chasser les garnisons espagnoles⁷.

Malgré la signature du traité de Cherasco, le 6 avril 1631, permettant à la France et à la Savoie de s’accorder, en particulier sur les places de Nice et de Villefranche, et la perte d’acuité de la question monégasque, les pourparlers entamés avec Honoré II trouvent un premier aboutissement le 24 février 1635, grâce aux négociations menées par Jean-Henri Grimaldi de Cagnes, seigneur de Courbons (ou Corbons), avec la signature d’un projet de traité, de la main du père Ange de Mortagne, secrétaire du père Joseph. Remis à la même date au roi de France, le texte est immédiatement signé⁸. Or la déclaration de guerre de la France à l’Espagne, le 19 mai, puis la prise des îles de Lérins, Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, le 13 septembre, par une flotte espagnole, modifient les équilibres géostratégiques méditerranéens. Leur importance, non loin de la voie maritime reliant Barcelone à Gênes, détermine aussitôt Richelieu à tout mettre en œuvre pour les reconquérir. 

Alors que le 12 avril 1636, Henri de Lorraine, comte d’Harcourt, et Henri d’Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux, sont nommés conjointement généraux de l’armée navale du roi de France,⁹, la stratégie du cardinal-ministre , grand-maître de la navigation et du commerce, se décline autour de cinq objectifs assignés au comte d’Harcourt : le premier est d’attaquer Monaco par la mer si les visées sur la principauté d’Honoré II ne pouvaient se réaliser par une autre voie. Le second est de se rendre maître du port de Finale (aujourd’hui Finale-Ligure), au nord-est de Monaco en longeant la côte en direction de Gênes, enclavé au milieu des territoires de cette dernière mais sous souveraineté espagnole, afin de libérer la république de la menace espagnole en son sein et de se ménager de meilleures relations avec elle. Le troisième est d’occuper la côte de Varigotti, fief d’Empire. Le quatrième est de prendre la place de Loano, appartenant au prince Doria, ennemi de la France, Varigotti et Loano se situant à équidistance approximative de Finale sur la côte ligure, et ces trois places se trouvant proches du Montferrat¹⁰. Le cinquième est de libérer les îles de Lérins de l’occupation espagnole¹¹.

Les pourparlers avec le prince Honoré II reprennent alors : « si on peut faire réussir la négociation qui de long temps est sur pied touchant Monaco »¹².

En 1640, un courrier que Richelieu adresse au comte de Chavigny témoigne à nouveau de l’impact que le sort de la principauté de Monaco pourrait avoir sur la politique italienne menée depuis le début des années 1630 : « écrire à Bidault pour voir quel mouvement le succès de Monaco donnera à la république de Gênes »¹³. Honoré II de Monaco charge Monsieur de Corbons de nouvelles négociations.

En 1641, le prince Honoré II et son fils, Hercule, étant parvenus à chasser les soldats espagnols¹⁴, les souverains français et monégasques concluent le traité de Péronne, signé le 14 septembre, par lequel Honoré II se place sous la protection française, et accepte l’entrée de troupes envoyées par Richelieu. Ce dernier félicite trois jours plus tard Honoré II de la décision prise¹⁵. Le texte reprend en grande partie celui de 1635. Louis XIII s’engage à reconnaître Honoré II comme gouverneur, en son nom, de la principauté, tandis que Monsieur de Corbons est choisi comme « lieutenant général pour commander en l’absence du prince »¹⁶. En décembre, Richelieu réitère une satisfaction d’autant plus vive que le roi Philippe IV d’Espagne, en réaction, a confisqué les possessions territoriales du prince de Monaco au royaume de Naples¹⁷.

Au printemps 1642, Honoré II de Monaco entreprend de rejoindre le Roi en Catalogne. Le 30 avril, il est somptueusement reçu à Aix-en-Provence¹⁸. Il arrive à Perpignan le 21 mai. En récompense de son engagement, aux côtés de la France, contre l’Espagne, il est alors gratifié de lettres de naturalité par le roi de France ; en dédommagement des pertes territoriales subies, il est fait duc de Valentinois et pair de France, et est promu chevalier des ordres du Roi le 22 mai. Honoré II obtient également le marquisat des Baux, le comté de Cardalès, la cité de Chabeuil, les baronnies du Calvinet et du Buis, et la seigneurie de Saint-Rémy-de-Provence³. Il reprend aussitôt la route et se rend auprès de Richelieu, malade à Narbonne, où il arrive le 24.

Il est à noter que le fils unique du prince Honoré II, Hercule, épouse, en 1641, juste avant la conclusion de l’alliance française, la nièce d’Ambroise Spinola, Aurelia Spinola¹⁹. Hercule Grimaldi trouve accidentellement la mort avant son père, en 1651. La principauté de Monaco échoit ainsi le 10 janvier 1662, à la mort d’Honoré II, à son petit-fils, Louis Grimaldi, né le 25 juillet 1642, dont Louis XIV est le parrain.

Textes 652, 653, 654, 655, 656, 657, 658, 659,

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Christophe Levantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris, éditions Maisonneuve & Larose, 1996, p. 950. [↩]
2. Anna Blum, « Les sages jalousies » : la diplomatie française en Italie à l’époque de Richelieu et de Mazarin, thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV), dir. L. Bély, 2010, p. 213, note 3. [↩]
3. Ibidem. [↩] [↩]
4. Gustave Saige – éd. -, Documents historiques relatifs à la principauté de Monaco depuis le quinzième siècle, recueillis et publiés par ordre de S.A.S. le prince Albert I^er, Monaco, imprimerie de Monaco, 1888-1891, 3 volumes, au t. III, p. VI. [↩]
5. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. VII, p. 666. [↩]
6. Anna Blum, « Monaco et la stratégie italienne de la France au début du XVII^e siècle », Annales monégasques, revue d’Histoire de Monaco, volume 37, 2013, p. 73-97, voir p. 76. [↩]
7. D’après une lettre de Richelieu à Melchior de Sabran, 12 octobre 1630, évoquée par Anna Blum, article citée, p. 75-76. [↩]
8. Gustave Saige, ouvrage cité, p. CLXXXII-CLXXXIII. [↩]
9. Richelieu au comte de Chavigny, 18 avril 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome V, p. 444-445. [↩]
10. Richelieu indique à tort que Loano se situe entre Final et Varigotti, voir l’ « Instruction [de Richelieu] à Monsieur le comte d’Harcourt qu’on lui envoya étant arrivé avec l’armée navale dans la Méditerranée », 28 juillet 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, tome V, p. 519-521. [↩]
11. Ibidem. [↩]
12. Richelieu au comte d’Harcourt et à l’archevêque de Bordeaux, 31 juillet 1636 ((Ibidem, p. 523-524 et p. 573. [↩]
13. Richelieu à Chavigny, de Paris, février 1640, dans Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, t. VII, p. 255. [↩]
14. Une Relation de l’expulsion de la garnison espagnole de Monaco, est donnée par le père V. Siri, le 17 novembre 1641, voir Anna Blum, thèse citée, p. 214. [↩]
15. Richelieu à Honoré II de Monaco, de Chaulnes, le 17 septembre 1641, translation publiée, texte 652. [↩]
16. Gustave Saige, ouvrage cité, p. CCIII. [↩]
17. Richelieu au prince Honoré II, Rueil, 12 décembre 1641, translation publiée en ligne, texte 653. [↩]
18. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, t. VI, p. 919-920. [↩]
19. Anna Blum, thèse citée, p. 213, note 3. [↩]