François de Vignerot (1608-1646), marquis du Pont-de-Courlay (ou Pontcourlay), est le fils de René de Vignerot du Pont-de-Courlay († 1624) et de Françoise du Plessis de Richelieu († 1615), sœur du cardinal, veuve, au moment de la seconde union qu’elle contracte, de Jean-Baptiste de Beauvau, seigneur de Primpéan et des Roches († 1597). Il est le frère cadet de Marie-Madeleine de Vignerot du Pont-de-Courlay, dame de Combalet puis duchesse d’Aiguillon.

Chevalier des ordres du Roi en mai 1633, il détient la charge de gouverneur du Havre de Grâce et dispose aussi du gouvernement du pays de Caux. En 1634, il lève un régiment de cavalerie incorporé à l’armée de Picardie et participe à la campagne de Lorraine¹.

Fin 1634-début 1635, Richelieu convainc le titulaire de la  charge de général des galères, Pierre de Gondi, duc de Retz, de la lui céder pour la somme de 560 000 livres avant d’en pourvoir son neveu, au mois de mars 1635². On note qu’à la fin mars, le régiment de cavalerie du Pont-de-Courlay se trouve à Villiers-en-Leu, non loin de Saint-Dizier³. Le marquis du Pont-de-Courlay prête serment pour le généralat des galères entre les mains du Roi, le 15 du même mois.

Le bailli de Forbin, titulaire de la charge de lieutenant général des galères, parait, dans les faits, au plus pressé. Le marquis du Pont-de-Courlay s’attache cependant à prendre en charge la réalité des fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées puisque les papiers de Richelieu conservent plusieurs textes préparés par ses soins en 1635⁴. Un État général des galères est établi à l’occasion de la nomination du marquis du Pont-de-Courlay et de l’affrètement d’une nouvelle escadre de galères⁵. On trouve aussi, à la fin du volume 814 de la collection Mémoires & Documents France aux archives diplomatiques une série de rôles portant le recensement nominatif, en juillet 1635, des chiourmes de plusieurs galères, avec, en regard de chaque nom, la peine à laquelle le forçat a été condamné. Les volumes 817 et 818 de la même collection concernent le généralat des galères. 

Le marquis du Pont-de-Courlay ne tarde pas à entrer en conflit avec le bailli de Forbin. Si le 10 juillet 1636, Richelieu remercie le bailli de Forbin de « prendre soin » de son neveu⁶, il prépare le même jour un courrier destiné au marquis du Pont-de-Courlay portant une note révélatrice des tensions nées le lieutenant général des galères : « Madame de Combalet et Messieurs de La Galissonnière et de Saint-Denis ont été d’avis de changer cette lettre si Son Éminence l’a agréable afin que Monsieur le général des galères ne puisse juger que Monsieur le commandeur de Forbin ait recherche ce que Sa Majesté désire de lui, ce qui les pourrait brouiller »⁷.

Puis Richelieu écrit au marquis du Pont-de-Courlay le 20 août 1636 : « quand vous avez brouillerie avec quelqu’un, je crains d’abord que vous ayez tort, connaissant votre humeur […] On m’a dit que vous vous êtes brouillé avec le commandant de Forbin… »⁸. 

Le ton et les termes que le cardinal-ministre adopte pour s’adresser au marquis du Pont-de-Courlay montrent son agacement : « quand vous avez brouillerie avec quelqu’un, je crains d’abord que vous ayez tort, connaissant votre humeur […] On m’a dit que vous vous êtes brouillé avec le commandant de Forbin… »⁹.

Mais c’est surtout, son train de vie dispendieux qui importune son oncle. Début 1636, un arrêt du Conseil nomme l’intendant des finances Claude Cornuel pour examiner les moyens de ramener une saine gestion dans les affaires du général des galères. Denis-Louis Martial Avenel signale les nombreuses plaintes de Richelieu concernant sa conduite, en particulier le 6 juin 1636, date à laquelle il informe son neveu avoir « donné aux sieurs de La Galissonnière et de Saint-Denis, qui prennent soin de [ses] affaires, un ordre pour l’emploi de [son] revenu. »¹⁰. Monsieur de La Galissonnière est l’oncle par alliance du marquis du Pont-de-Courlay et semble exercer, avec Monsieur de Saint-Denis, sous le contrôle de Claude Bouthillier, une forme de curatelle sur ses affaires privées, tandis que le bailli de Forbin fait de même pour les affaires publiques. Richelieu évoque aussi sa volonté de mettre un terme à l’aide financière qu’il lui apportait : « j’ai bien voulu vous écrire que vous ne devez plus du tout en cela vous attendre à moi, afin que vous avisiez à vous mieux conduire à l’avenir, et régler votre Maison, où j’apprends que vous continuez ces désordres par une multiplicité de valets et autres personnes inutiles que j’entends que vous retranchiez, en sorte que ce qui vous a été ordonné pour votre charge, qui est 4000 livres tournois par mois, vous puisse suffire¹¹.

Puis le 10 juillet, le cardinal-ministre écrit en complément des lignes évoquées ci-dessus : « je vous ai ci-devant écrit ce que j’ai cru être nécessaire pour éviter votre ruine totale en payant pour vous avec le temps vos dettes qui sont telles qu’elles peuvent ruiner une Maison bien meilleure que la vôtre […]. Vous avez, comme j’apprends, cinq gentilshommes à votre ordinaire et six secrétaires ; je confesse, s’ils vous sont nécessaires, qu’il faut que vous ayez plus d’affaire que moi, car je n’en ai que deux. Vous avez six valets de chambre et je n’en eus jamais plus de trois. […] Pour arrêter le cours de ce mal je vous envoie un état de ce que vous devez avoir de gens à votre suite »¹².

Le surintendant des finances lui-même intervient et ne se prive pas de souligner l’ampleur des dettes contractées par le marquis du Pont-de-Courlay et la ruine qui le menace : « Monsieur, vous pouvez assurément croire que nous faisons tout ce qui nous est possible au monde, Madame votre sœur et moi, près de Monseigneur le Cardinal [de Richelieu] avec le même soin et affection que vous pourriez apporter vous-même pour lui faire voir au point que vous désirez les choses qui vous touchent. Le malheur est que Son Éminence a trop bons yeux pour ne les connaître pas comme elles sont. Vos mémoires propres et ceux de divers créanciers qui ont encore paru depuis que vous êtes parti lui en ont donné trop d’éclaircissement, comme vous verrez par l’état que Messieurs de La Galissonnière et Saint-Denis vous envoient par l’ordre de Son Éminence. Il contient les noms et les sommes et monte à plus de 400 mille livres, de sorte qu’il est impossible de vous tromper d’une chose qui n’est que trop certaine »¹³. Claude Bouthillier conclut cependant sa missive par une touchante évocation des enfants du marquis du Pont-de-Courlay : « Au reste, Monsieur, je vous dirai que Monseigneur le Cardinal a vu Messieurs vos enfants chez Madame votre sœur et qu’il les a trouvés fort à son gré. Il est vrai qu’ils ne sont pas reconnaissables. Madame votre sœur les aime affectueusement et ils sont toujours en sa présence, avec un vrai soin de mère. Je vous assure que si Dieu lui en avait donné, elle ne les pourrait chérir davantage. Le silence ne leur empêche plus la gaité. Ils mènent beau bruit et sont nourris avec la liberté qu’il faut et avec toute la civilité qui se peut désirer en ce petit ange. Ils se portent tous deux admirablement bien. ».

Au cours de l’été 1637, un courrier que Richelieu adresse à Messieurs de La Galissonnière et de Saint-Denis évoque encore un procès opposant son neveu à François de Cossé, duc de Brissac, époux de Guyonne Ruellan¹⁴.

Le marquis du Pont-de-Courlay conserve l’exercice de la charge de général des galères jusqu’en mars 1639, date à laquelle celui-ci est confié à son cousin Jean Armand de Maillé, marquis de Brézé. S’il remporte la victoire sur une flotte espagnole au large de Gênes le 1^er septembre 1638, le cardinal-ministre lui demande, en 1642, de se démettre formellement du généralat au profit de son fils aîné, duc de Richelieu après son grand-oncle.

Le marquis du Pont-de-Courlay a épousé Marie-Françoise de Guémadeuc, fille Thomas de Guémadeuc et de Jeanne Ruellan. Le couple a cinq enfants : Armand Jean de Vignerot (1629-1715) ; Jean-Baptiste Amador de Vignerot (1632-1662), dont le commandeur de La Porte est le parrain ; Marie-Thérèse de Vignerot (1636-1705) ; Marie Marthe de Vignerot (décédée en 1665) et Emmanuel Joseph de Vignerot (1639-1665). Il décède le 26 janvier 1646, tandis que le marquis de Brézé décède à la bataille d’Orbitello le 14 juin.

Voir aussi Christophe Levantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris, éditions Maisonneuve & Larose, 1996, p. 863 ; Louis Moréri, Le grand dictionnaire historique… nouvelle édition, tome dixième, Paris, chez les libraires associés, 1759, p. 611.

.Textes 660, 661,

1. Voir le décompte des armées de Louis XIII engagées en Lorraine en 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, t. 2, p. 474-475. [↩]
2. Voir Richelieu à Claude Bouthillier, Rueil, 18 janvier 1635, original mentionné dans Denis-Louis-Martial Avenel(éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. IV, p. 791, et publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, L’œil et la plume de Richelieu : correspondances croisées, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2020, p. 58-60. [↩]
3. Mémoire d’Abel Servien destiné au maréchal de Châtillon, 30-31 mars 1635, publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, L’œil et la plume de Richelieu…, ouvrage cité, p. 117-118. Le document donne la liste des contingents destinés à l’armée de Picardie. [↩]
4. Voir Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, “La raison de guerre” : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, éditions L’Harmattan, 2016, p. 186, 187, 435, 487 et 507. [↩]
5. Publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, “La raison de guerre” : correspondance…, ouvrage cité, p. 133-157. [↩]
6. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, ouvrage cité, tome V, p. 978. [↩]
7. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, tome V, ouvrage cité, p. 549. [↩]
8. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, ouvrage cité, t. V, p. 556-557. [↩]
9. Richelieu au marquis du Pont-de-Courlay, 20 août 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, ouvrage cité, t. V, p. 556-557. [↩]
10. Courrier de Richelieu au marquis du Pont-de-Courlay, 6 juin 1636, publié par Denis-Louis-Martial Avenel, ouvrage cité, tome V, p. 481-482. [↩]
11. Ibidem ; voir aussi le courrier que Richelieu adresse à Claude Bouthillier, de Rueil, le 23 juillet 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), ouvrage cité, t. VII, p. 194. [↩]
12. Richelieu au marquis du Pont-de-Courlay, Charonne, 10 juillet 1636, dans Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, ouvrage cité, tome V, p. 502-503. Le Mémoire du train que doit avoir Monsieur le général des galères pendant son séjour en Provence, évoqué par Richelieu, a également été publié par Denis-Louis-Martial Avenel, ouvrage cité, tome V, p. 502-503, note. [↩]
13. Claude Bouthillier au marquis du Pont de Courlay, Paris, 11 juillet 1636, original autographe conservé à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne, coll. Richelieu, vol. 17, f° 17-18, transcription complète publiée en ligne, texte 661. [↩]
14. Richelieu à Messieurs de La Galissonnière et de Saint-Denis, de Rueil, le 23 août 1637, dans Denis-Louis-Martial Avenel, ouvrage cité, tome V, p. 1053. [↩]

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