Paul-Albert de Forbin, dit « le bailli de Forbin », à François de Vignerot, marquis du Pont-de-Courlay, Toulon, 1^er avril 1636.

Collection particulière, aimable communication de M. Bertrand Thierry des Épesses. Original de la main d’un secrétaire, composé de deux feuillets. Suscription au verso du second feuillet : « à Monseigneur, Monseigneur Du Pont de Courlay, chevalier des ordres du Roi et général de ses galères ». Le document ne fait pas partie de la correspondance de Richelieu stricto sensu, mais son destinataire est le neveu du cardinal-ministre et sa teneur est indissociable des tensions nées à cette époque des initiatives, et des dépenses, du marquis du Pont-de-Courlay, autant dans la sphère publique que dans la sphère privée.

Monseigneur,

Je pensais recevoir [par] ce dernier ordinaire quelque réponse de tant de lettres et d’affaires que j’ai écrites pour le bien de votre service. Et comme je n’ai point reçu cet honneur, je fais ce que je puis pour toutes les choses qu’il faut mettre en état pour ne me trouver court lorsque vous arriverez, d’autant qu’à la plupart il faut du temps. 

Je vous ai donné avis par ma précédente comme du premier avril nous faisions cinquante soldats entretenus, un chacun s’est mis en devoir d’en faire venir non sans extrême peine, à cause des grandes levées qu’on fait partout et du nouveau régiment de deux mille hommes de milice que Monsieur le maréchal de Vitry fait ici, qui a été un double sujet à nous solliciter par avance de rechercher, ainsi que nous avons fait, des mariniers et autres officiers, auxquels nous avons donné des erres afin que l’armement qu’on fait ici des vaisseaux ne nous empêchât d’en avoir au temps que vous l’avez ordonné. Tout le reste des équipages s’en va être en bon état. Je ne vois difficulté qu’à trois ou quatre des nouvelles galères, qui, n’ayant point le secours qui leur avait été ordonné, ne ferons pas tous leurs équipages si promptement qu’il en serait de besoin, ayant retenu la main au commis de donner aucuns deniers, sur les ordonnances dont je vous ai fait mention, sur ce que Monsieur Le Picart m’a écrit que vous ne l’avez pas agréable, et en ce chef j’ai donné l’exemple pour mon particulier intérêt, quoique moindre des autres, et n’y ai rien voulu toucher craignant de vous déplaire.

J’ai su qu’en toutes les boutiques des marchands de Marseille, il ne s’est pu trouver cinquante aulnes de damas [sic] rouge cramoisi. Il n’y en a aussi à Aix que deux pièces dissemblables et j’attends ce qu’on en trouvera en Avignon. Je ne toucherai cependant point aux trente mille livres, même que le commis dit que tout ce qu’il a doit servir pour mettre les galères en état. Ce sera à vous, Monseigneur, d’en ordonner au sieur Picart¹. 

J’ai encore écrit à Turin pour les forçats de Monsieur de Savoie. C’est grande pitié qu’il ne nous en vient d’aucune part et nous en meurt tous les jours. J’écris à Monseigneur le Cardinal [de Richelieu] pour une affaire de Malte qui m’importe extrêmement. J’en envoie le mémoire à Monsieur Cherré pour ne vous en importuner. Si vous avez agréable d’en dire un mot à Son Éminence vous obligerez parfaitement, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Le bailli de Forbin

De Toulon, ce premier avril 1636

1. Richelieu écrit à Louis le Picart, de Charonne, le 1^er mai 1636 : « Monsieur, j’ai assuré mon neveu le général des galères, qui s’en va faire sa charge en Provence, que pendant le séjour qu’il y fera, vous lui fournirez 4 000 livres par mois… outre ce, 6 000 livres en partant d’ici pour lui donner moyen de se mettre en état d’aller servir le roi… », dans Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome V, p. 971. [↩]

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