Mémoire de Louis de Nogaret, cardinal de La Valette, destiné à Léon Bouthillier, comte de Chavigny, Sélestat, 4 février 1636.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 29, f° 100-101. Original de la main de Jacques Talon, secrétaire du cardinal de La Valette. D’une écriture différente, pour le classement : « mémoire de M. le cardinal de La Valette, 4 février 1636 ».  

Le rapport est joint à la lettre précédente (translation publiée en ligne, texte 677), et est indissociable du courrier que le comte de Guiche adresse le même jour à Richelieu (translation, publiée en ligne, texte 676).

Les troupes commandées des armées du Roi que le cardinal de La Valette a eu ordre [sic] de mener en Alsace pour y ravitailler Colmar et Sélestat ont fait le voyage assez heureusement et n’ont rencontré nulle troupe de l’armée de Gallas dans les montagnes, celles qui attaquaient le château de Kaysersberg s’étant retirées d’effroi et abandonnent la ville qu’ils avaient prise. 

Le premier convoi a été introduit dans Colmar et le cardinal de La Valette, ayant vu que l’armée pouvait subsister quelque temps dans le pays, a renvoyé quérir un second convoi à Épinal, lequel est revenu heureusement.

Outre cela, ledit cardinal de La Valette a acheté douze cents résaux de blé de Benfeld qu’il a fait jeter dans ces deux places, de sorte qu’au lieu de mille résaux qu’il avait charge de porter, il en a mis trois mille cinq ou six cents qui peuvent nourrir la garnison durant neuf mois.

Pendant le temps qu’on a attendu le retour du convoi, il a fait attaquer Guémar par le sieur de Manicamp. C’est une petite place située auprès de la rivière de l’Ill, entre Sélestat et Colmar, laquelle s’est rendue après avoir enduré le canon un jour. Pour favoriser ledit siège, après les approches faites, et que les dehors ont été pris, ledit cardinal s’est avancé jusqu’à Sélestat et a envoyé le sieur Rantzau à Benfeld avec cinq cents chevaux du duc de Weimar, lesquels ont enlevé un quartier, tué quatre-vingts ou cent cuirassiers, après quoi huit de leurs régiments de cavalerie se sont retiré d’effroi jusqu’à Saverne.

Le sieur d’Hocquincourt ayant eu charge d’attaquer d’Aubure et se préparant à en faire le siège, comme le sieur de Manicamp avait fait celui de Guémar, les ennemis l’ont quitté comme ils avoient fait auparavant les ponts qu’ils avoient sur la rivière de l’Ill, entre Sélestat et Benfeld, lorsque ledit sieur d’Hocquincourt alla pour les en chasser, lequel s’en saisit en même temps. Ils ont fait la même chose de celui de Erstein, qui est entre Benfeld et Strasbourg, de sorte que depuis Ensisheim jusqu’audit Strasbourg, nous sommes maîtres de la rivière de l’Ill.

Cela a convié le cardinal de La Valette à s’avancer jusque vers Benfeld et à envoyer à Strasbourg pour savoir si de là, il pourrait tirer les choses nécessaires à mettre dans Haguenau, auquel il est résolu d’en entreprendre le ravitaillement avant son retour, afin de laisser toutes les places de l’Alsace si bien pourvues que le Roi ne soit point obligé à l’avenir d’employer des forces pour les secourir, qui seraient utiles au service de Sa Majesté ailleurs.

Mais comme toutes ces choses ne se peuvent faire sans argent, ledit cardinal supplie très humblement Monseigneur le cardinal de Richelieu d’y pourvoir et de commander qu’on acquitte les lettres de change qu’il tirera à Strasbourg et à Colmar pour l’achat des blés du ravitaillement des places et de la subsistance des troupes. Et au cas que les ennemis soient si forts dans le Luxembourg qu’ils puissent entreprendre quelque chose comme de venir sur son chemin pour lui empêcher sa retraite, il croit qu’il sera à propos d’y pourvoir avec les armées de Lorraine, Champagne et celle du duc de Weimar.

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