Le vicomte Lucas Fabroni degli Asni (Luca Fabbroni degli Asini) est un gentilhomme originaire de Pistoia¹. Devenu diplomate, au service du grand-duc de Toscane, il arrive en France en 1614 et exerce d’abord les fonctions de « secrétaire du résident Bartolini »².  Il entre au service de Marie de Médicis en 1618 et réside à ses côtés à Blois lors de l’assignation à résidence de l’ancienne régente³. Malgré l’opposition de Richelieu, il obtient la maître de la garde-robe de la Reine mère de 1623 à 1629, date à laquelle il est pourvu de celle de maître d’hôtel du duc d’Orléans⁴.

Il est le frère de l’abbé Fabroni, à son tour maître de la garde-robe de Marie de Médicis, avant que la Reine mère n’en fasse son représentant auprès d’Urbain VIII à la fin de l’année 1631⁵.

En 1629, il épouse Louise de Pisseleu. Son mariage lui permet d’accroître considérablement sa fortune⁶.

Il jouit d’une réputation d’astrologue, et ses horoscopes lui valent sans doute d’obtenir les faveurs de Marie de Médicis, qui les apprécie tout particulièrement et se montre superstitieuse⁷. Mais la place particulière que lui réserve auprès d’elle Marie de Médicis est plus certainement liée à la volonté de la reine de favoriser son entourage italien après la journée des Dupes et la rupture avec Richelieu⁸. Ses vaines prédictions à propos d’un possible décès du Roi, conduisent Louis XIII et Richelieu à refuser tout compromis le concernant en 1633-1634, comme pour le père Chanteloube ou pour Mathieu de Morgues⁹, lors de négociations ouvertes par Marie de Médicis pour un possible retour en France.

Vers 1635, Fabroni acquiert, avec son épouse, une prépondérance croissante, dans l’entourage du Marie de Médicis. Les luttes d’influence qui agitent l’entourage de l’ancienne régente, et les manœuvres du président Jacques Le Coigneux et de Louis de Monsigot, aboutissent à la marginalisation progressive du père Chanteloube en 1636¹⁰. En 1637, Fabroni, Le Coigneux et Monsigot dominent le Conseil de la Reine mère, et négocient pour elle une adhésion aux complots fomentés par le comte de Soissons. Tous trois se rendent à plusieurs reprises à Sedan¹¹. Fabroni se charge, en particulier, d’informer le comte de Soissons des projets du prince Thomas de Savoie et du Cardinal-infant¹². Il obtient, conjointement avec Jacques Le Coigneux, la surintendance de la Maison de Marie de Médicis et organise le passage de la Reine mère en Angleterre (1638), avant un retour éventuel en Italie, car le sol français lui est interdit¹³. Il est encore celui qui négocie l’alliance de la Reine mère avec les Espagnols en 1637, et s’oppose au duc d’Elbeuf et aux Lorrains présents dans l’entourage de la Reine mère, autour de la duchesse d’Orléans (née Marguerite de Lorraine) et d’Henriette de Lorraine, princesse de Phalsbourg¹⁴. Jusqu’en 1641, le trio formé par Fabroni, Le Coigneux et Monsigot reste en relation avec les opposants à Richelieu dans le royaume¹⁵.

En 1642, le confesseur de la duchesse d’Orléans, le père Didague, tente à son tour, à l’instigation de Mathieu de Morgues, d’écarter le vicomte de Fabroni, dont les malversations sont avérées ((Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 241, p. 339-340, p. 402, note 1356 et p. 430.)).

À la mort de Marie de Médicis, qui l’a recommandé à son neveu, le grand-duc de Toscane, Fabroni bénéficie du réseau d’influence dont il a su se doter, et sollicite la protection de l’Empereur¹⁶. Il devient légat impérial à Florence¹⁷.

La correspondance qu’il a laissée, conservée aux Archives d’État de Florence, coll. Mediceo del Principato, vol. 6008 et 6010, et coll. Carte strozziane 1^ère série, vol. 55, constitue l’une des sources utilisées par Jean-François Dubost pour sa biographie de Marie de Médicis¹⁸.

Texte 686,

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Jean-François Dubost, Marie de Médicis : la reine dévoilée, Paris, Payot, 2009, p. 747. [↩]
2. Jean-François Dubost, Marie de Médicis…, ouvrage cité, p. 575. [↩]
3. Jean-François Dubost, Marie de Médicis…, ouvrage cité, p. 26, p. 574. [↩]
4. Jean-François Dubost, Marie de Médicis…, ouvrage cité, p. 747 ; Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis (1631-1642), thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV), sous la direction de Lucien Bély, 2011, p. 128 note 270, et p. 336. [↩]
5. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 155-156, voir aussi p. 338. [↩]
6. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 336. [↩]
7. Sophie Guérinot-Nawrocki, ibidem. Voir aussi le Journal de Monsieur le cardinal de Richelieu, qu’il a fait durant le grand orage de la cour ez années 1630 et 1631, dont la minute est conservée à la Bibliothèque Nationale de France, collection Baluze, volume 145. Une version ultérieure manuscrite du texte est conservée au Ministère des Affaires étrangères, collection Mémoires et Documents France, volume 69. Il est imprimé à de multiples reprises à partir de 1648. Le chapitre 10 du texte est intitulé « Créance que la Reine mère du Roi a aux prédictions », et indique : « Monsieur de Bullion dit []… à Monsieur le Cardinal qu’on l’avait averti que la Reine consultait ou faisait consulter force prophètes, ainsi appelait-il certains astrologues et autres qui se mêlent de deviner […] ». [↩]
8. Jean-François Dubost, Marie de Médicis…, ouvrage cité, p. 747. [↩]
9. Jean-François Dubost, Marie de Médicis…, ouvrage cité, p. 818. [↩]
10. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 166. [↩]
11. Ibidem, p. 170. [↩]
12. Ibidem, p. 173, note 445. [↩]
13. Ibidem, p. 178, p. 226, p. 337. [↩]
14. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 337. [↩]
15. Ibidem, p. 209. [↩]
16. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 342. [↩]
17. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis…, thèse citée, p. 343. [↩]
18. Jean-François Dubost, Marie de Médicis…, ouvrage cité, p. 26 et p. 989-990. [↩]