Le père Jean Suffren (1565-1641) est originaire de Salon-de-Provence¹. Membre de la compagnie de Jésus, reconnu pour ses talents oratoires, il est d’abord le confesseur de Marie de Médicis en 1615, et doit suivre l’ancienne régente à Blois en 1617². Il est cependant nommé confesseur de Louis XIII le 22 décembre 1625, sur les instances de Richelieu, en remplacement du père Gaspard de Séguiran³.

Les relations entretenues par Richelieu et le père Suffren sont empreintes d’une certaine sollicitude puisqu’en juillet 1628, le confesseur remercie Richelieu de s’être enquis de son état de santé et d’être intervenu en sa faveur auprès du Roi⁴. Puis le 9 mai 1629, il s’inquiète de l’éloignement du cardinal-ministre dans le contexte du siège de Privas et souligne l’importance des conseils qu’il délivre au Roi⁵.

Une missive, attribuée par Pierre Grillon à Nicolas III Hennequin, seigneur de Perray et de Chauvigny, président au Grand Conseil, fait, à la même époque, du père Suffren l’un des « plus proches » du Roi⁶. L’observation semble fondée puisque le père Suffren écrit à Richelieu, le 17 août 1629 : « l’affection du Roi avec la reine régnante est au point où vous l’avez toujours souhaitée, et tous les gens de bien avec vous. Il n’y a plus de séparation ni à Versailles, ni à Saint-Germain. Chacun vit en espérance de la bénédiction de Dieu sur leur mariage. »⁷. Le père Suffren renseigne régulièrement Richelieu sur les dispositions d’esprit du souverain, en particulier en ce qui concerne les relations intra-familiales ou le regard porté par le souverain sur la gent féminine⁸. Son témoignage concernant la maladie de Louis XIII, à Lyon, du 22 septembre au 1^er octobre 1630 est essentiel⁹.

Au début de l’année 1631, après la journée des Dupes, les relations entretenues par le père Suffren avec le Roi se dégradent. Claude Bouthillier fait état d’un « bruit qui court dans Paris que le Roi en partant dit de fort rudes paroles au père Suffren, est que, sitôt qu’il sera à Compiègne, il aura son congé. »¹⁰. Louis XIII envoie en effet son confesseur auprès de sa mère, assignée à résidence, afin de trouver un terrain d’entente¹¹. La rumeur de la volonté du Roi de se doter d’un nouveau confesseur parvient aux oreilles du père Suffren¹². Il est, en effet, remplacé par le père Alexandre Jarry, puis par le père Charles Mailland en 1632. Marie de Médicis demande alors à son fils, par l’intermédiaire du maréchal d’Estrées, à ce que le père Suffren reste son confesseur, ce que Louis XIII accepte¹³.

Le père Suffren suit la reine mère en exil et œuvre, en vain, en 1634, à une réconciliation avec le roi de France et Richelieu, qui se méfie de lui¹⁴.

Il trouve la mort à Flessingue, non loin de Cologne, le 15 septembre 1641.

Le père Suffren est l’auteur de l’Année chrétienne, qui paraît pour la première fois à Paris, en deux volumes en 1640-1641 puis en six volumes, entre 1648 et 1654. 

Texte 688,

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Pierre Grillon -éd. -, Les papiers de Richelieu, section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome III : 1628, Paris, éditions A. Pédone, 1979, p. 374. [↩]
2. Jean-François Dubost, Marie de Médicis : la reine dévoilée, Paris, Payot, 2009, p. 573. [↩]
3. Pierre Grillon – éd. -, Les Papiers de Richelieu, section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome I : 1624-1626, Paris, A. Pédone, 1975, p. 238 ; Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome II, p. 155-158. [↩]
4. Le père Suffren à Richelieu, de Paris, le 10 juillet 1628, dans Pierre Grillon – éd. -, tome III : 1628, ouvrage cité, p. 374-375. [↩]
5. Le père Suffren à Richelieu, de Valence, le 9 mai 1629, dans Pierre Grillon – éd. -, Les Papiers de Richelieu, section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome IV : 1629, Paris, A. Pédone, 1980, p. 278. [↩]
6. Hennequin à Richelieu, de Poitiers, 19 septembre 1628, dans Pierre Grillon – éd. -, tome III : 1628, ouvrage cité, p. 491-492. [↩]
7. Pierre Grillon – éd.-, tome IV : 1629, ouvrage cité, p. 546. [↩]
8. Voir Pierre Grillon – éd. –, Les papiers de Richelieu : section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome V : 1930, Paris, A. Pédone, 1982, p. 181, p. 224, p. 497-498. [↩]
9. Pierre Grillon – éd. –, tome V : 1930, ouvrage cité, p. 582-585. [↩]
10. Claude Bouthillier à Richelieu, de Paris, le 18 février 1631, dans Pierre Grillon – éd. -, Les papiers de Richelieu : section politique intérieure, correspondance et papiers d’État. Tome VI : 1931, Paris, A. Pédone, 1985, p. 91-92. [↩]
11. Sophie Guérinot-Nawrocki, Les réseaux d’information et la circulation des nouvelles autour de l’exil de Marie de Médicis (1631-1642), thèse de doctorat d’histoire, soutenue à l’université de Paris-Sorbonne (Paris IV), sous la direction de Lucien Bély, 2011, p. 311. [↩]
12. Le père Suffren à Richelieu, de Compiègne le 8 mars 1631, dans Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, tome IV, p. 144-145. [↩]
13. Sophie Guérinot-Nawrocki, ibidem. [↩]
14. Voir le texte 688. [↩]