Claire-Clémence de Maillé-Brézé (1628-1694), duchesse d’Enghien puis princesse de Condé, par son mariage, dite « Mademoiselle de Brézé », puis « Madame d’Enghien » et « Madame la Princesse », est la fille d’Urbain de Maillé-Brézé, maréchal de France, et de Nicole du Plessis de Richelieu († 30 août 1635), sœur du cardinal-ministre. Elle est aussi la sœur d’Armand Jean de Maillé-Brézé, filleul du cardinal de Richelieu, général des galères de France en 1639.

L’éducation de Claire-Clémence de Maillé-Brézé, qui hérite de la fragilité de sa mère, notamment psychique, est confiée à Madame Bouthillier, née Marie de Bragelongne, au début des années 1630.

Au mois d’octobre 1633, c’est aussi l’apparition de la peste à Milly-le-Meugon, résidence habituelle de la famille de Brézé, qui détermine l’envoi de Claire-Clémence de Maillé-Brézé à Angers, auprès de ses grand-tantes, Simone de Maillé-Brézé, abbesse de Ronceray, et Yvonne de Maillé-Brézé, religieuse dans le même établissement. M^me Bouthillier « ne venant point en ces cartiers » [Milly-le-Meugon], le maréchal de Brézé fait alors aménager pour sa fille et sa préceptrice le château de Saumur¹. M^me Bouthillier accueille aussi Claire-Clémence de Maillé-Brézé chez elle, au château des Caves, en 1638, la jeune fille y tombe malade². En mai 1639, une lettre de Richelieu à Claude Bouthillier révèle que Claire-Clémence est à nouveau malade, prise de fièvres³.

Claire-Clémence de Maillé-Brézé est promise dès 1633, par son oncle, à Louis II de Bourbon (1621-1686), duc d’Enghien, puis prince Condé, dit « le Grand Condé », fils aîné d’Henri II de Bourbon (1588-1646), prince de Condé, dit « Monsieur le Prince », et de Charlotte-Marguerite de Montmorency⁴.

Malgré les réticences du duc d’Enghien, le mariage, célébré le 11 février 1641⁵, permet au prince de Condé de consolider durablement sa position politique auprès de Louis XIII, puis auprès de Mazarin, en s’imposant comme le garant de l’ordre établi par Richelieu⁶. Il s’agit en réalité, pour le duc d’Enghien, d’une alliance peu brillante, Claire-Clémence de Maillé-Brézé est la « moins bien née »⁷ des princesses de Condé. Le duc d’Enghien en conçoit un ressentiment d’autant plus vif que son épouse fait montre d’une éducation médiocre « dont on sa gaussa bien vite dans la société brillante de l’hôtel de Condé »⁸. Le mariage satisfait en revanche pleinement l’ambition sociale de Richelieu en permettant à son lignage de s’allier à celui du Roi. Le cardinal-ministre apporte certes à la jeune fille la coquette somme de 600 000 livres en dot, mais qu’il n’associe qu’à de petites seigneuries, celles d’Ansac, Mouy, Cambronne, le Plessis-Billebault et leurs dépendances, « outre 300 000 livres en deniers comptants », tout en excluant Claire-Clémence de sa succession⁸.

Le duc d’Enghien est en revanche le principal héritier de ses parents, qui lui font donation de « 80 000 livres de rentes en fonds de terre »⁸. Dès le mois de janvier 1641, le prince de Condé proteste devant notaire des conditions matrimoniales imposées au duc d’Enghien et à son épouse mineure par Richelieu⁹. Au début de l’année 1644, il tente une première fois, devant le parlement de Paris, de faire casser le testament de Richelieu qu’il juge préjudiciable aux intérêts de sa bru, mettant en cause « la légitimité du duché d’Aiguillon »¹⁰. La duchesse d’Aiguillon lui offre alors 1 200 000 livres pour qu’il retire sa plainte¹¹. Une seconde procédure judiciaire est initiée en 1645¹².

Le duc d’Enghien, devenu prince de Condé en 1646, parvient d’ailleurs, à la suite du décès de son beau-frère, Jean Armand de Maillé-Brézé, duc de Fronsac, à faire main basse sur des terres qui auraient dû revenir, en vertu des dispositions testamentaires du cardinal-ministre, à Armand Jean de Vignerot du Pont-de-Courlay⁹. Il écrit dès le 28 juin 1646 : « Monsieur de Brézé est mort dans le service ; j’y suis actuellement. Mon fils [Henri Jules de Bourbon-Condé (1643-1709)] est son seul héritier. Je m’assure que vous aurez la bonté de demander pour lui les charges et gouvernements de mon beau-frère [qu’Anne d’Autriche préfère conserver] »¹³.

Lors du baptême du dauphin en avril 1643, elle en est la marraine. Après la mort de Louis XIII, et durant la Fronde, la jeune princesse de Condé met tout en œuvre pour soutenir son mari, emprisonné au château de Vincennes (avril 1650). Elle place notamment le château de Montrond, où elle est envoyée en résidence surveillée, en état de guerre, tandis que sa belle-mère trouve asile chez la duchesse de Châtillon, née Élisabeth-Angélique de Montmorency-Bouteville, au château de Châtillon-sur-Loing¹⁴.

La jeune princesse de Condé se soumet à la Reine et à Mazarin en 1651. Le prince de Condé attribue la même année à son frère, le prince de Conti, les terres de Mouy, Ansac et du Plessis-Billebault, alors que le partage successoral fait à cette date concernait les biens fonciers laissés par leur père. Elle donne naissance à un second fils en 1652, qui ne vit que quels mois, et suit son mari aux Pays-Bas espagnols, où naît un troisième enfant, une fille, qui décède en bas âge.

Le prince et la princesse de Condé ne regagnent la France qu’en 1660, lui résidant à Chantilly, elle à Paris, en l’hôtel de Condé.

En janvier 1671, Claire-Clémence commet l’imprudence de séparer deux de ses proches, un valet, Duval, et son ancien page, Jean-Louis de Rabutin (1642-1716), cousin de la marquise de Sévigné, qui ont tiré l’épée devant elle, dans sa chambre, pour un motif resté obscur, et pour lesquels les sources qui relatent l’incident divergent¹⁵. Elle est blessée en s’interposant : le prince de Condé saisit l’occasion pour la reléguer à Châteauroux et exiger d’elle qu’elle abandonne ses possessions (le marquisat de Brézé, la seigneurie de La Galissonnière, le domaine de Graville) à leur fils¹⁶.

C’est à Châteauroux, où son fils l’a maintenue en résidence surveillée, et très isolée, qu’elle décède, le 16 avril 1694.

Texte 694,

1. Urbain de Maillé-Brézé à Richelieu, Milly-le-Meugon, 6 octobre 1633, Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 545. [↩]
2. Richelieu à Madame Bouthillier, après le 5 octobre 1638, dans Denis-Louis-Martial Avenel – éd. –, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, tome VI, p. 213-214. [↩]
3. Richelieu à Claude Bouthillier, de Rueil, 21 mai 1639, dans Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions…, ouvrage cité, tome VI, p. 360. [↩]
4. Voir à ce sujet le courrier qu’Urbain de Maillé-Brézé adresse à Claude Bouthillier, de Milly-le-Meugon, le 31 août 1633 puis ceux qu’il adresse à Claude Bouthillier et à Richelieu, le 6 octobre 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine…, ouvrage cité, p. 405-407 et p. 544-546. [↩]
5. Denis-Louis Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions…, ouvrage cité, tome VIII, p. 304 note. [↩]
6. Voir Katia Béguin, Les princes de Condé : rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999, p. 27. [↩]
7. Katia Béguin, Les princes de Condé…, ouvrage cité, p. 41. [↩]
8. Ibidem. [↩] [↩] [↩]
9. Katia Béguin, Les princes de Condé…, ouvrage cité, p. 42. [↩] [↩]
10. Guy Patin à Charles Spon, 8 mars 1644, dans Loïc Capron – éd. -, Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, Paris, Bibliothèque interuniversitaire de Santé, 2018, texte consulté le 23/10/2023, voir la note 63. [↩]
11. Ibidem ; voir aussi Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions…, ouvrage cité, tome VIII, p. 167. [↩]
12. Guy Patin à Charles Spon, 8 mars 1644, lettre citée plus haut, note 63. [↩]
13. Cité par Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, tome 1, p. 1002. [↩]
14. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome 2, p. 1468. [↩]
15. Voir M. Chéruel – éd. -, Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, Paris, imprimerie impériale, 1860-1861, 2 volumes, au tome II, p. 608-610 ; MM. Michaud et Poujoulat, Mémoires de Mademoiselle de Montpensier…, Paris, éditeur du commentaire analytique du Code civil, 1838, Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France, p. 254-257 ; lettre de la marquise de Sévigné au comte de Bussy-Rabutin, de Paris, le 23 janvier 1671, dans Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné [édition de Louis Monmerqué], Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, Paris, Louis Hachette, 1862-1868, 14 volumes, au tome II, p. 39-40. [↩]
16. Katia Béguin, Les princes de Condé…, ouvrage cité, p. 280. [↩]

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