Madeleine de Souvré (1599-1678), marquise de Sablé par son mariage, est issue d’une famille originaire du Perche. Elle est la fille de Gilles de Souvré (1540-1626), marquis de Courtanvaux (ou Courtenvaux), gouverneur du dauphin, futur Lois XIII en 1609, maréchal de France en 1614, et de Françoise de Bailleul.

Sa sœur aînée, Françoise de Souvré (v. 1585-1657), épouse, en 1601, Artus de Saint-Gelais, sieur de Lansac, fidèle de Richelieu, puis est placée auprès d’Anne d’Autriche pour la surveiller et est nommée gouvernante du futur Louis XIV le 25 juillet 1638¹.

Son frère, Jacques de Souvré (v. 1600-1670), chevalier de Malte, entré, à cinq ans, dans l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, pâtit sans-doute gratuitement, d’« une forte réputation de stupidité, qu’il avait héritée de son père », mais devient commandeur de l’Ordre puis grand prieur de France en 1667². Madeleine de Souvré est également la sœur de Gilles de Souvré (1596-1631), évêque de Comminges, puis d’Auxerre³, et d’Anne de Souvré, abbesse de Saint-Amand à Rouen.

D’abord fiancée au marquis de Fontenay-Mareuil, Madeleine de Souvré épouse contre son gré, le 9 janvier 1614, Philippe-Emmanuel de Laval († 1640), marquis de Sablé, comte de Bresteau, seigneur de Boisdauphin, fils d’Urbain I^er de Laval-Boisdauphin (1557-1629), marquis de Sablé, maréchal de France.

Si la marquise de Sablé, constatant les infidélités de son mari, se retire sur ses terres du Maine en 1618-1619, le couple n’en a pas moins neuf enfants : Henri-Marie de Laval-Boisdauphin (1620-1693), par la suite évêque de Saint-Paul-de-Léon puis de La Rochelle⁴ ; Guy de Laval-Boisdauphin (1622-1646), dit « le chevalier de Boisdauphin », engagé au service de Louis XIII en 1639, époux, en 1644, de la veuve du marquis de Coislin, née Marie Séguier⁵ ; Urbain II de Laval († 1661), marquis de Boisdauphin (ou Bois-Dauphin, à Précigné),  qui épouse, en 1643, Marie de Riants (ou Riantz), puis Marguerite Barentin, alors veuve de Charles de Souvré, marquis de Courtenvaux⁶ ; Jacques de Laval-Boisdauphin, page de la Chambre, mort jeune ; Philippe, qui décède aussi prématurément ; Gilles de Laval-Boisdauphin, chevalier de Malte, peut-être tué près de Stenay le 9 septembre 1650 ; trois filles, Marie et Armande, religieuses⁷, enfin, Madeleine.

Les ambitions de la marquise de Sablé la conduisent d’abord à intriguer pour retenir, en vain, l’attention du duc de Montmorency, puis à s’opposer à lui à la Cour⁸.

Elle se compromet dans les complots visant à écarter Richelieu du pouvoir et à l’éloigner de Marie de Médicis. Mais la marquise de Sablé semble considérée par Richelieu comme une adversaire politique de médiocre envergure puisque son nom apparaît en clair dans le Journal du cardinal de Richelieu(alors que les noms de nombreux protagonistes y sont dissimulés par des sobriquets), tentant, avec le médecin François Vautier, après la journée des Dupes, d’attiser le différend entre le cardinal-ministre et Marie de Médicis, et de soustraire la Reine mère à l’influence de Richelieu pour mieux influencer l’ancienne régente à leur tour. On lit ainsi au chapitre trois du Journal : « La marquise de Sablé a dit à [Guillaume] Bautru qu’elle croyait que, pourvu que Monsieur le Cardinal n’eût point d’accès dans la Maison de la Reine, que Vautier désirerait bien qu’il se fît un accommodement par lequel il pût être délivré de crainte qu’il avait très grande⁹. Le 17^e décembre [1630], Monsieur de Bautru dit à Monsieur le Cardinal que le 16 Vautier avait dîné chez ladite marquise et l’avait encore vu le même jour 17^e avant que lui, Bautru, partît de Paris pour aller trouver Monsieur le Cardinal à Saint-Germain. Qu’elle lui dit qu’elle répondait d’avoir autant de pouvoir sur Vautier comme sur elle-même. Que Vautier lui avait dit que le cardinal de Bagne¹⁰ traitait un accord et une entrevue qui n’était que grimace. Qu’il attendait qu’elle fût faite et qu’après cela, il voulait travailler à faire mieux. Qu’elle connaissait clairement que son intention était d’avoir toute l’autorité dans la Maison de la Reine et que Monsieur le Cardinal en fût exclu, mais qu’au reste la peur lui ferait faire beaucoup de choses. »¹¹. La même source indique que la marquise de Sablé intrigue aussi auprès de Marie de Hautefort : « Le même jour [8 décembre 1630], le Roi dit à Monsieur le Cardinal que Madame de La Flotte avait mené par deux fois [Marie de] Hautefort dîner chez la marquise de Sablé avec Vautier, où le chevalier de Souvré était aussi, selon qu’on rapporta à Sa Majesté, qui ajouta qu’il ne doutait point que ce ne fût pour la gagner. […] Le premier Président [au parlement de Paris, Nicolas Le Jay] a dit à Desroches qu’il avait vu qu’il se tramait quelque chose par la marquise de Sablé et Hautefort. Monsieur de Rancé écrivit au même temps, le 11^e décembre, à Monsieur le Cardinal qu’il fallait prendre garde à Hautefort et que ce qu’il savait de cela venait de chez la marquise de Sablé »¹². 

Amie de la princesse de Guéméné – François de La Rochefoucauld surnomme les deux femmes « les fondatrices du Jansénisme »¹³ -, la marquise de Sablé doit cependant s’éloigner de celle-ci lorsque Michel Particelli d’Hémery la prend à témoin du rejet dont il est victime de la part de la princesse de Guéméné, à la suite d’une rumeur de passion de l’intendant pour cette dernière¹⁴.

La marquise de Sablé est également proche de la marquise de Rambouillet, dont elle fréquente le salon, de Mademoiselle de Scudéry, du poète Vincent Voiture, de Robert Arnauld d’Andilly, d’Anne Doni d’Attichy, surtout, nièce du maréchal de Marillac, comtesse de Maure en 1635, ou encore de Claude du Val, seigneur de Compainville, abbé de La Victoire, qui fréquente les deux femmes¹⁵.

Elle est elle-même femme de Lettres, auteur de Maximes, elle réunit chez elle, en son hôtel de la rue du faubourg Saint-Honoré, puis dans un appartement qu’elle partage avec la comtesse de Maure, place Royale, un salon littéraire auquel François VI de La Rochefoucauld, Blaise Pascal, ou Charles d’Escoubleau, marquis de Sourdis et d’Alluye, prennent part¹⁶.

Elle entretient parallèlement une relation amoureuse avec Henri, marquis de Lavardin, qui tue en duel, le 28 février 1639, le marquis d’Armentières¹⁷. Son médecin, Pilet de La Ménardière, est aussi celui du duc d’Orléans : Antoine Adam indique que « cette charge n’était pas une sinécure »¹⁸ et que sa gourmandise était « attestée »⁷.

En 1654, face aux difficultés financières consécutives de son veuvage, Madeleine de Souvré vend sa terre de Sablé à Abel Servien, puis fait construire une maison mitoyenne de l’abbaye de Port-Royal, rue de la Bourbe (paroisse de Saint-Jacques de Haut-Pas), où elle s’installe en février 1656 et où elle rejointe par la comtesse de Maure¹⁹.

Gédéon Tallemant des Réaux lui a consacré, comme à son fils, l’une de ses Historiettes 

Voir Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité en note, tome I, p. 514-521 et p. 1146-1152 ;

article « Sablé (Madeleine de Souvré, marquise de) », dans cardinal Georges Grente (dir.), Dictionnaire des Lettres françaises : le XVII^e siècle, Paris, Fayard, 1996, coll. Pochothèque, p. 1120.

Texte 700,

1. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, Paris, Gallimard, 1960, 2 volumes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, tome II, p. 953 et p. 1146. [↩]
2. Antoine Adam – éd. – Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1191 et p. 1195. [↩]
3. Joseph Bergin, The Making of The French Episcopate (1589-1661), New-Haven & London, Yale University Press, 1996, p. 705-706. [↩]
4. Joseph Bergin, The Making of The French Episcopate…, ouvrage cité, p. 651 ; Antoine Adam – éd. –, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome I, p. 1149 et tome II, p. 1193-1194. [↩]
5. Guy de Laval-Boisdauphin est tué lors du siège de Dunkerque en 1646. Tallemant des Réaux lui a consacré une Historiette sous le titre de « Monsieur de Laval ». Voir Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome 2, p. 337-349 et p. 1193-1194. [↩]
6. Antoine Adam (éd.), Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome 2, p. 1032. [↩]
7. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome I, p. 1149. [↩] [↩]
8. Voir l’Historiette de la marquise de Sablé, dans Antoine Adam – éd.-, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome I, p. 514-515. [↩]
9. François Vauthier est en effet arrêté sur ordre de Richelieu en février 1631 et incarcéré pendant dix ans. [↩]
10. Giovanni Francesco Guidi di Bagno (1578-1641), dit le « cardinal Bagni », nonce apostolique en poste à Paris jusqu’au début de l’année 1631. [↩]
11. Journal de Monsieur le cardinal de Richelieu, qu’il a fait durant le grand orage de la cour ez années 1630 et 1631, texte établi et modernisé ici d’après la minute conservée à la Bibliothèque Nationale de France, collection Baluze, volume 145, avec une amplitude chronologique s’étendant jusqu’en 1634 ; une autre version du texte est conservée au Ministère des Affaires étrangères, collection Mémoires et Documents France, volume 69, où sont présentes, en supplément, les pièces détachées qui ont été publiées avec le Journal en 1648, le période couverte allant de 1630 à 1642. Le récit fait l’objet d’une nouvelle édition en 1649, à partir de laquelle il est réimprimé, dans Cimber et Danjou – éd.-, Archives curieuses de l’histoire de France, 2^e série, t. V, 1838, pp. 5-107 [↩]
12. Journal de Monsieur le cardinal de Richelieu, qu’il a fait durant le grand orage de la cour ès années 1630 et 1631, minute citée, chapitre 11, « Cabale de Vautier avec Beringhen et autres » [↩]
13. Cité par Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1143. [↩]
14. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1073. [↩]
15. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1038, p. 1071, p. 1091, p. 1140. [↩]
16. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome I, p. 753. [↩]
17. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1147. [↩]
18. Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1120. [↩]
19. Antoine Adam – éd. -, Tallemant des Réaux : Historiettes, ouvrage cité, tome II, p. 1151-1152. [↩]

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