Charles Le Roy de La Potherie à Richelieu, Aix-en-Provence, 12 mai 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France vol. 804, f^° 146. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 199.

Monseigneur,

J’ai mandé plusieurs fois à Votre Éminence que les affaires de la marine de cette province étaient en fort mauvais état. S’il lui plaisait de donner quelqu’un à qui j’en pusse écrire, je donnerais avis de beaucoup de petites rencontres desquelles je n’ose l’importuner.

Depuis quelques jours, un patron des Martaigues [sic, Martigues], qui avait chargé quelque vivres et munitions de guerre en Espagne, pour porter à un petit port d’Afrique, près du détroit, nommé Lamermoine, a abordé près de la Tour de Bouc, où il dit avoir été jeté par la tempête. De crainte que la perte de peu de munitions ne donnât sujet aux Espagnols d’user de représailles, M. le maréchal de Vitry, auquel j’en ai parlé, a trouvé à propos de faire tout inventorier et de le mettre en un magasin, et que les officiers de la marine en donnassent avis à ceux du lieu d’où ce patron est parti, afin d’avoir le loisir de savoir ce qu’il plaira à Votre Éminence d’en ordonner. J’en écris les particularités à M. de La Vrillière, que je n’ai osées mander à Votre Éminence, de crainte de l’ennuyer.

On continue toujours les expéditions de la marine sous le nom de M. de Guise. Les Marseillais ne peuvent s’imaginer que les galères sortent de leur port pour y revenir si tôt qu’on leur veut faire croire. 

S’il m’était permis de représenter à Votre Éminence les considérations pour lesquelles, si on avait fait quelque petite dépense à la darse de Toulon, tous les gens de marine soutiennent que les galères y seraient mieux qu’à Marseille. Je dirais après eux, qu’outre qu’elles assureraient la meilleure pour la situation, et la plus considérable ville de la province, et le plus beau et le plus assuré port de la mer Méditerranée, tant par mer que par terre. Elles pourraient nettoyer la côte de corsaires, ce qu’elles ne sauraient faire à Marseille, d’autant qu’ils disent que de tous vents on sort du port de Toulon et d’un seul de Marseille. Et quand les corsaires ou l’ennemi faible serait entre les îles de Marseille et la chaîne, elles sont comme inutiles la plupart du temps, étant impossible de les faire sortir, qu’à Toulon, elles sont à la tête des îles d’Hyères entre lesquelles et la terre, de cent galères qui passent, il en passe IIII^XX X. Et bien souvent, elles y passent toutes, qu’à Marseille quand bien il y aurait du vent, elles sont à la miséricorde du peuple, à Toulon, elles peuvent sortir quand il plaît à celui qui les commande. 

Si Votre Éminence me fait connaître qu’elle désire d’en avoir des raisons plus particulières, je les ferais dresser par ceux de la profession, et aurais une très grande joie si, pendant que je serai dans la province, je lui pourrais rendre quelque preuve de mon obéissance, et lui faire paraître que véritablement que je suis de Votre Éminence, Monseigneur, très humble et très obéissant serviteur, 

de La Potherye [de La Potherie]

D’Aix, ce XII mai.

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