Lancry (Isaac de, sieur de Bains)

Notice biographique élaborée par M. Charles-Henri de Sommyèvre

Isaac de Lancry (baptisé à Sedan le 12 janv. 1586 – vers 1657)1, connu comme le « sieur de Bains2 », est alors le chef de nom et d’armes d’une ancienne maison chevaleresque de Picardie.

Fils aîné de Charles II de Lancry, seigneur de Bains, Boulogne-la-Grasse et la Taule3, et de Diane de La Porte d’Autreville4 – tous deux protestants5. convertis à l’Église de Rome dans les années 1590 –, Isaac a pour seuls frère et sœur : Henri (1591–1611), baptisé catholique, filleul du roi Henri IV et de Diane de France, duchesse d’Angoulême, chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et Marie (1598-1679), demoiselle d’honneur de la reine Marie de Médicis, qui prendra l’habit des Carmélites de la rue Saint-Jacques le 20 mars 16196.

Militaire de carrière, nous le trouvons d’abord « enseigne de la compagnie colonelle de M. de Bét[h]une en Hollande pour le service des États-généraux »7 (vers 1609-1610), puis il obtient une commission de capitaine d’une compagnie entretenue de 100 hommes de pied en Hollande pour les mêmes États (cité du 24 mai 1612 au 21 sept. 1617)8, avec laquelle il participe à la Guerre de Succession de Juliers (1609-1614). Dans le même temps, il sert alternativement comme guidon de la compagnie des gendarmes du prince de Conti (cité du 24 mai 1612 au 26 juin 1621)9.

À son retour de Hollande, il se marie avant de se démettre de sa compagnie, comme nous l’apprend une lettre du roi10. Nous comprenons ses motivations, car bientôt, il prend le parti des opposants à Concini et à Marie de Médicis, derrière le duc de Longueville, alors gouverneur de Picardie, et le prince de Condé. Il est fait prisonnier à la bataille de Nanteuil et amené au duc de Guise, resté fidèle à la reine, le 7 janvier 161611.

On ne sait s’il suit à nouveau le duc de Longueville quand il appuie la révolte de Marie de Médicis contre son fils en 1620, quoiqu’il en soit, depuis pardonné et à la faveur des besoins militaires du royaume, Isaac de Lancry est créé mestre de camp d’un régiment d’infanterie de son nom, « le régiment de Bains », levé le 2 février 163212. Dans une lettre datée de Nogent le 20 août 1632 et adressée à Charles d’Escoubleau, marquis de Sourdis, maréchal de camp, Richelieu s’inquiète de savoir si les troupes de cavalerie et le régiment de Bains l’ont rejoint13. Isaac reçoit le 12 septembre 1633 une nouvelle commission de « colonel d’un régiment de 1200 hommes »14, avec lequel il participe à la conquête de la Lorraine, notamment au siège de la citadelle de la Mothe-en-Bassigny en 163415, puis à ceux de Charmes et de Neufchâteau en 1635, avant que son régiment soit licencié la même année, selon le général Susane16. C’était peut-être le cas dès mai, car le 25 de ce mois, le maréchal de La Force, relatant la bataille de Mélisey qui s’est déroulée les jours précédents (texte 713), évoque le « sieur de Beins, mestre de camp », mais il commande non pas son régiment de pied, mais mille mousquetaires dont disposait le colonel Hebron, maréchal de camp17.

Par la suite, si Isaac de Lancry se qualifie toujours de « mestre de camp d’un régiment entretenu pour le service de Sa Majesté » en 1637, puis « mestre de camp d’un régiment de gens de pied » en 1639 et encore « mestre de camp d’un régiment de pié » en 1646, cela ne signifie pas qu’il était alors en activité, mais seulement son grade18. À la même période, il se dit également capitaine-lieutenant des chevau-légers du duc de Longueville (cité les 25 janv. 1637 et 20 mars 1646), ce qui laisse supposer en revanche qu’il a pu être des campagnes de Franche-Comté, de Piémont, d’Alsace et de Palatinat auxquelles son maître a pris part.

Pendant la Fronde, alors qu’il semble avoir quitté le service, il ne commet pas la même erreur que vingt-cinq ans plus tôt. En 1653, après la prise de Roye, les Lorrains de Charles IV envahissent le Santerre et Isaac se réfugie à Montdidier où on lui confie le commandement, en l’absence du capitaine de la ville19. Militaire d’expérience, il prend aussitôt toutes les dispositions nécessaires et n’ouvre pas les portes de Montdidier au prince de Condé qui campe devant la ville. Il n’y aura pas de véritable siège grâce à une négociation que le désormais commandant pour le roi en titre obtient notamment par l’entremise de son neveu, Charles de Sommyèvre, comte de Lignon20, qui a pris le parti des frondeurs. Montdidier, indemne, en est quitte pour une rançon qui maintient la ville dans l’obéissance du roi.

Isaac avait épousé en premières noces par contrat du 20 novembre 161421 Marie de Sommyèvre, dame d’Isle-sur-Marne, veuve de Louis de Cazillac Cessac, et fille aînée de feu Jacques, vicomte de Lignon, seigneur de Verpillières-sur-Ource, Essoyes en partie, etc., gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, bailli et capitaine de Vitry-le-François, et d’Antoinette de Gaunes. Marie ne lui donnera que des filles.

Isaac épousera en secondes noces, dans l’église de Pronleroy, le 7 janvier 1654, Renée de Sénicourt (bapt. à Gannes le 16 nov. 1627), fille de Jacques, écuyer, seigneur de Gannes, et de Catherine Le Bel, le rendant ainsi beau-frère par alliance de Charles de Clermont (Tallard), deuxième comte de Thoury, qui avait épousé Catherine de Sénicourt22. Rapidement veuve, Renée épousera en secondes noces le 1er décembre 1658, à Paris, Claude de Mailly, dit le comte de Mareuil23.

Sources principales :

Cabinet de d’Hozier 204, BnF, Mss. Fr. 31 085, n° « 5 275 Lancry ».

Dossiers bleus 379, BnF, Mss. Fr. 29 924, « 10 171 Lancry », f° 6 r° et v°.

Pièces originales (du Cabinet des titres, provenant des anciennes archives de la Chambre des Comptes) 1 634, BnF, Mss. Fr. 28 118, « 37 974 et 37 975 Lancry ».

Nouveau d’Hozier 201, BnF, Mss. Fr. 31 426, « 4 503 Lancri ».

Abbé Jean-Baptiste Martin-Val, Histoire de Boulogne-la-Grasse et des autres paroisses érigées sur les terres de la Terrière, données par Clotaire III et sainte Bathilde à l’abbaye de Corbie en 662, Compiègne, 1891.

 

Texte 713,

  1. La date de son décès se situe entre le 4 septembre 1655, selon le Catalogue analytique des chartes, documents historiques […] composant les archives du collège héraldique et historique de France, première partie : Picardie, Paris, 1866, p. 18, n° 155, et le 1er décembre 1658, date à laquelle sa veuve se remarie, voir infra. []
  2. Bains : fief et château à Boulogne-la-Grasse, Oise. []
  3. La Taule : fief à Ressons-sur-Matz, Oise. []
  4. Autreville : fief à Breuil-le-Sec, aujourd’hui département de l’Oise. []
  5. Charles [II] de Lancry avait vu ses terres confisquées en décembre 1568, par ordre du roi, pour avoir pris les armes pour défendre sa religion. Victor de Beauvillé, Histoire de Montdidier, tome I, Paris, 1857, p. 222-223 et Louis Rossier, Histoire des protestants de Picardie […], Paris, 1861, p. 79. []
  6. C’est elle que Tallemant des Réaux dans ses Historiettes nomme Mlle de Bains et dont s’éprit César Auguste de Saint-Lary, sieur de Termes, premier écuyer de la Grande Écurie et frère de Roger, duc de Bellegarde. Voir les Historiettes de Tallemant des Réaux […], 3e édition, tome I, Paris, 1854, p. 74 et tome III, Paris, 1854, p. 146 ; « Officiers des maisons des roys, reynes, enfans de France, et de quelques princes du sang, depuis le règne du roy St Louis », « Depuis Henri II jusqu’à Louis XIV », vol. 3e, f° 237 v° (« Officiers domestiques de la maison de la reyne Marie de Medicis […] ») BnF, Mss. Fr. 7 854 ; Abbé Arsène Houssaye, Le Père de Bérulle et l’Oratoire de Jésus, Paris, 1874, p. 219-224. []
  7. « Les États généraux des Provinces-Unies des Pays-Bas » []
  8. BnF, Pièces originales 1 634, dossier 37 975 « Lancry » ; AN, Minutier central des notaires, Étude VIII, liasse 594, f° 255, Minutes et répertoires du notaire Guillaume Nutrat – janv. 1610 – déc. 1618 -. []
  9. BnF, Pièces originales 1 634, dossier 37 975, quittance signée de sa main ; Louis Le Febvre de Caumartin, Recherche de la noblesse de Champagne, Châlons, 1673, « Généalogie de Sommièvre, comte de Lignon ». []
  10. « […] Je seray tousjours plus ayse que Viletard ayt la compagnie de Bains qu’un autre […]. S’il s’en accorde avec Bains, puisqu’il s’en veut desfaire, j’en seray fort content […]. », Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, publiés par M. Avenel, tome VII, 1642 – suppl. : 1608 à 1642, Paris, 1874, p. 335. []
  11. « […] On apporta à l’heure cinq drappeaux à Mr de Guyse, et luy furent présentés deux mestres de camp prisonniers, dont l’un estoit Mr de Beins, frère d’une des filles de la reine […] », Journal de ma vie. Mémoires de Bassompierre […] publiés par le marquis de Chantérac, tome II, Paris, 1873, p. 57. []
  12. Les dossiers « Lancry » du Cabinet de d’Hozier et des Dossiers Bleus – même texte – le portent, comme son père sans date, « gentilhomme ordinaire de la chambre du roi en 1639 », on ne peut l’exclure, mais cela ne figure sur aucun titre original connu de nous, ni pour le père, ni pour le fils. []
  13. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’état du cardinal de Richelieu, publiés par M. Avenel, tome IV, 1630-1635, Paris, 1861, p. 771. []
  14. Cabinet de d’Hozier 204 et Dossiers bleus 379. []
  15. Pièces originales sur la guerre de Trente-Ans en Lorraine jusqu’à la destruction de La Mothe : 1632-1645, tome I, Nancy, 1866, p. 220 et tome II, Nancy, 1867, p. 33. []
  16. Louis Susane, Histoire de l’infanterie française, tome V, Paris, 1877, p. 254. []
  17. Lucien Klipffel, « La guerre de 30 ans dans la région de Belfort », Bulletin de la Société belfortaine d’émulation, n° 26, Belfort, 1907, p. 40. []
  18. « Généalogie de Lancry, originaire de Boulenois [branche de Pronleroy] », Cabinet de d’Hozier 204, Dossiers bleus 379 et Pièces originales 1 634 ; Comte Adrien de Louvencourt, Les Trésoriers de France de la généralité de Picardie ou d’Amiens, Amiens, 1896, p. 71 ; « Généalogie de Lancry, originaire de Boulenois [Branche de Carouge et de Sailly] », f° 427 (contrat de mariage de son cousin René de Lancry). Cabinet de d’Hozier 204, Dossiers bleus 379 et Pièces originales 1 634. []
  19. Victor de Beauvillé, Histoire de Montdidier, tome I, Paris, 1857, p. 299-300. []
  20. Hyacinthe Dusevel, Lettres sur le département de la Somme, 3e édition, Amiens, 1840, p. 390, d’après les Archives municipales de Montdidier. []
  21. Archives départementales de l’Aube, 2 E 19/7. []
  22. Ernest Laurain, « Les pierres tombales des Le Bel à Brenouille (Oise) », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, année 1911, 1ère livraison, Paris, 1911, p. 380. []
  23. BnF, Cabinet des titres (761), Charles Guiblet de Boisbissey, « Extraits, faits par Guiblet et autres généalogistes, des registres de baptêmes, mariages et enterrements de diverses paroisses de Paris – xve-xviiie siècle -. III Paroisse de Saint-Eustache. Mss. Fr. 32 587, f° 269. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charles-Henri de Sommyèvre (19 novembre 2023). Lancry (Isaac de, sieur de Bains). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 6 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tqph


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