Procès-verbal de la destruction des fortifications d’Amance, 8 février 1636.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 29, f° 108-109. Copie de Guillaume Fremyn. D’une écriture différente, pour le classement : « procès-verbal de La Roche, canonnier travaillant aux démolitions des châteaux de Lorraine, 8 février 1636 ».

Par devant le tabellion royal demeurant à Nancy, soussigné, et les témoins en bas nommés, est comparu personnellement Jean le Morillon, dit La Roche, canonnier ordinaire de l’artillerie de France, étant en garnison en cette ville de Nancy, lequel a dit, déclaré et affirmé, dit, déclare et affirme par les présentes à Monsieur Fremyn, conseiller du Roi en son parlement de Metz et au conseil souverain de Nancy, et commissaire général aux démolitions des places fortes et châteaux de Lorraine, qu’ayant, lui, de La Roche, été approuvé par vous mondit sieur, et commandé d’assister les sieurs prévôt et receveur d’Amance à la démolition des tours et défenses du château dudit lieu, il s’y serait acheminé le dimanche troisième jour du présent mois, par la conduite desdits sieurs officiers accompagnés de dix-huit à vingt ouvriers choisis capables en cette ville de Nancy pour assister aux paysans ordonnés par lesdits sieurs officiers, où étant arrivés et ayant commencé le travail, ils eurent avis la première journée que le sieur de Sigy, qui avait envoyé la charrette pour lever quelques fourrages audit Amance, avait perdu son cheval par l’enlèvement que lui en firent quantité de cavaliers croates conduits par un certain nommé La Chapelle, ses gens dépouillés et désarmés.

Et le lendemain suivant, parurent ensuite audit Amance, environ les huit heures du soir, quatre cavaliers qui se firent préparer quelque vin au-devant de l’hôtellerie dudit Amance, faignant avoir envie de boire, qui demandèrent de l’autorité de qui lesdites démolitions se faisaient, qui en étaient les commissaires, lesquels ayants appris que les officiers dudit lieu en avoient la charge et qu’ils en étaient partis depuis peu, quoique néanmoins ils soient en ville vacante à leurs devoirs, avec lui soussigné, ils ne firent pour lors autre instance sinon de dire que dans peu de temps, l’on verrait cinquante cavaliers à leurs talons. Et le mercredi suivant, comme le travail se continuait de jour en jour avec plus de soixante-et-dix ouvriers, arriva le lendemain, environ les huit heures du matin, ledit La Chapelle, avec quantité de cavalerie, en nombre de plus de deux cents, partie desquels entrèrent dans la ville, lesquels s’adressant aux ouvriers dudit travail, surprirent un maître qui commandait audit travail aux paysans qui y étaient restés pour achever ladite démolition, fort avancée, lequel commandeur ils tuèrent de deux coups tant de pistolets que carabine, traite outrageusement lesdits paysans qui y restaient avec menaces, que si ils obéissaient à l’avenir à aucun commandement pour ce sujet , il les ferait tous mourir et brûler en leurs villages, déclarant traitres et perfides ceux qui s’entremettent à choses semblables, demandant avec blasphèmes où étaient les officiers qui commandaient audit travail, lesquels ayant eu avis de leur arrivée, s’en étaient détournés peu auparavant avec lesdits ouvriers de Nancy choisis pour experts auxdites démolitions, menaçant les massons et charpentiers de les faire pendre, si tant est qu’il les eût rencontré avec les cordes qu’il tenait à la main.

Sur quoi le travail est cessé, les pauvres gens des villages n’y osant plus aborder ni autres personnes, certifiant ledit La Roche que ledit château d’Amance n’est plus en état d’aucune défense pour être ouvert à l’entrée de plus de cent pieds de front, la porterie, chambre, grenier et voiture à bas, et du côté de la porterie qui est au derrière dudit château la muraille, de l’épaisseur de six pieds et de quarante pieds de longueur  abattue, les deux tours affrontant le soleil de midi et celle exposée au Levant abattue pour les deux tiers et plus et celle exposée au Couchant décoiffée et ouverte suffisamment  pour les rendre l’une et l’autre hors de défense, ce que La Roche a témoigné et certifié, véritable témoin, son seing ci-mis.

Fait à Nancy, le huitième jour de février mille six cent trente-six après-midi, présent Nicolas Corville, sergent du domaine dudit Nancy et Pierre Vuellaume, clerc dudit lieu, témoins qui ont signé avec ledit La Roche et moi soussigné, signé Morillon, N. Corville, P. Vuellaume, Dillaume.

Collationné à l’original par nous conseiller et commissaire susnommé, le XVI de février 1636, Fremyn.

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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