Le duc Charles IV de Lorraine (1604-1675) est le fils aîné de Christine de Salm et de François II de Lorraine, comte de Vaudémont, duc de Lorraine pendant quelques heures, du 24 au 27 novembre 1625, après l’invention du testament du duc René II de Lorraine dans les archives de la famille de Guise et le proclamation de la loi salique dans les duchés. En 1621, Charles de Vaudémont a épousé la princesse Nicole de Lorraine, sa cousine germaine, et succède comme duc de Lorraine à son oncle, Henri II le Bon, en 1624, puis l’année suivante, à son père, grâce à une très habile soustraction de souveraineté, à laquelle tente en vain de s’opposer Marguerite de Gonzague, veuve du duc défunt, au noms de sa fille aînée. Vassal du roi de France en tant que duc de Bar, pour le Barrois mouvant, il se refuse tout au long de son existence à rendre foi et hommage lige à son suzerain, auquel l’oppose de surcroît un long conflit territorial. 

Préférant se rapprocher des intérêts de l’empereur Ferdinand II, Charles IV n’hésite pas à faciliter la prise de Moyenvic par les troupes impériales en 1627 et à offrir ses services aux Habsbourg dont il est également le vassal pour le duché de Lorraine et le Barrois non-mouvant, même si le traité de Nuremberg (1542) a accordé une souveraineté et une indépendance de fait aux ducs de Lorraine et de Bar. 

Charles IV, à la suite de l’invasion de ses duchés par l’armée française, de la prise de Nancy en 1633, rejoint les armées de l’Empereur. Le 19 janvier 1634, cédant peut-être au découragement, il cède les attributs de la souveraineté à son frère cadet, Nicolas-François de Lorraine, qui quitte l’Église pour retourner à l’état laïc, épouser Claude de Lorraine, sœur de la princesse Nicole, et se substituer, dans l’exercice du pouvoir à Charles IV, qui gagne la Franche-Comté¹.

Il rejoint alors les armées de l’Empereur. La rapidité des déplacements du duc démissionnaire et le renouvellement permanent des troupes à sa disposition (grâce, notamment, à une immense popularité) ne permettent pas l’implantation définitive de l’autorité française en Lorraine. En novembre 1636, il prend une part active à la tentative d’investissement, par l’armée impériale, de la place de Saint-Jean-de-Losne aux côtés de général Gallas. Le prince de Condé, qui commande l’armée française envoyée au secours des assiégés, rapporte que Charles IV provoque alors le colonel Rantzau, au service du Roi, en combat singulier et n’hésite pas à ouvrir le feu sur lui de la manière la plus déloyale, sans l’attendre cependant².  Il répudie sa cousine Nicole de Lorraine en 1637 pour épouser Béatrix de Cusance, comtesse puis princesse de Cantecroix († 1663). Ce second mariage est cassé par le pape Urbain VIII en 1639. 

Personnage insaisissable et imprévisible, il tente de négocier, après la mort de Richelieu et de Louis XIII, à la fois avec Mazarin et avec l’Espagne. Philippe IV, soupçonnant la trahison, le fait arrêter à Bruxelles le 25 janvier 1654 et incarcérer au château de l’Alcazar, à Tolède, pendant cinq ans. Charles IV est libéré, grâce à l’intervention de son frère Nicolas-François, le 15 octobre 1659. Au mois de novembre suivant, il signe le traité des Pyrénées, qui prévoie le rattachement du Barrois à la France. Celui-ci est cependant restitué à son duc en février 1661, après la signature du traité de Vincennes. En 1665, Charles IV, veuf de Béatrix de Cusance, épouse en troisièmes noces une jeune fille de 14 ans, Louise-Marguerite d’Aspremont. Au cours de l’été 1670, le roi de France entreprend une nouvelle conquête des duchés de Lorraine et de Bar, en raison de la menace persistante représentée par les armées lorraines aux portes du royaume. Charles IV, un mois avant son décès, remporte une dernière victoire sur le Roi très chrétien le 11 août 1675, au pont de Konz. Les duchés restent sous domination française jusqu’au traité de Ryswick (20-21 septembre 1697), en vertu duquel ils sont restitués au duc Léopold I^er, petit-neveu de Charles IV.

Voir Laurent Jalabert, Charles IV de Lorraine (1604-1675) : l’esprit cavalier, Metz, Éditions des Paraiges, 2021.

Textes 1, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 20, 24, 25, 44, 47, 48, 52, 80, 81, 82, 85, 106, 115, 116, 121, 124, 125, 126, 128, 130, 131, 133, 137, 138, 139, 143, 154, 155, 156, 162, 169, 180, 182, 188, 189, 191, 196, 202, 211, 224, 233, 234, 260, 261, 270, 271, 283, 284, 298, 310, 314, 330, 347, 409, 416, 437, 467, 468, 469, 470, 471, 472, 476, 478, 480, 481, 485, 486, 487, 489, 490, 491, 494, 495, 532, 563, 583, 585, 588, 590, 595, 611, 619, 621, 624, 626, 628, 629, 638, 646, 668, 673, 711, 713, 715, 716, 721, 723, 726, 727, 728, 730, 731, 738, 739, 761, 762, 764, 767, 772, 775, 776, 782, 783, 788, 794, 798, 804, 805, 809, 811, 812, 815, 825, 828, 833, 837, 840, 849, 850, 854, 856, 866, 867, 877, 878, 902, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

More Posts

1. Acte de cession établi par le duc Charles IV en faveur de son frère, le cardinal Nicolas-François de Vaudémont, Mirecourt, 19 janvier 1634, publié par le comte d’Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France…, 2^e éd., Paris, Michel Lévy frères, 1854-1859, 4 vol., au vol. 1, p. 551-553, et copie conservée au Ministère des Affaires étrangères, coll. Correspondance Politique Lorraine, vol. 14, f° 91-92, et f° 93-98 [↩]
2. Voir le récit du prince de Condé, rédigé le 6 novembre 1636, texte 590. [↩]