Notice rédigée par Monsieur Charles-Henri de Sommyèvre
Issu d’une famille ancienne originaire de Beauce et fils puîné de Gaspard Ier du Lac, seigneur de Coudray puis de Chamerolles, et de Charlotte du Puy, dame de Courbanton (tous deux décédés dès le 15 août 1629), Gaspard II du Lac, sieur de Courbanton, est le plus probablement né protestant, ses parents l’étant et son frère aîné, Lancelot III, seigneur de Chamerolles, ayant assisté, comme commissaire du roi, au synode provincial tenu à Châtillon-sur-Loing en 16361. Il est probable que Gaspard II se soit en revanche converti, car il y a tout lieu de penser que son épouse était catholique.
Gaspard II du Lac est également le cousin issu de germain d’Antoine de Laage, seigneur de Puylaurens, le favori de Gaston d’Orléans, frère du roi2. C’est probablement à ce dernier que Gaspard doit ses offices de « capitaine de la porte de la maison de Monseigneur le duc d’Orléans et l’un de ses gentilhommes ordinaires »3. La capitainerie de la porte, qui détermine et contrôle qui peut avoir accès à Monsieur, est un office stratégique de premier ordre et il n’est pas surprenant de voir Puylaurens y placer un proche dont la fidélité lui est en principe assurée.
C’est tout naturellement que Courbanton, c’est sous ce nom qu’il est connu, suit probablement presque pas à pas le frère du roi dans sa révolte puis sa fuite de 1631 à 1635. Pendant cet exil, les conflits entre les membres de la maison de Monsieur sont régulièrement évoqués dans les correspondances et gazettes du temps et Courbanton y prend part. C’est ainsi que nous le trouvons à Nancy avec la cour de Monsieur en mai 1632, où il est évoqué, entre autres querelleurs, par Jean de Rechignevoisin, seigneur de Guron, comme s’étant confronté au comte de Brion, François Christophe de Lévis-Ventadour, neveu par sa mère du duc de Montmorency et premier écuyer de Monsieur4.
Après la défaite de Montmorency à Castelnaudary le 1er septembre 1632, le duc et ses partisans trouvent à nouveau refuge en Lorraine auprès de Charles IV et, l’année suivante, Gaspard lève en Lorraine un contingent de cent chevaux pour Alexandre d’Halluin, seigneur de Wailly, capitaine des gardes du corps de Monsieur5.
Le 16 juin 1634, a lieu à Bruxelles, où se trouve alors le duc d’Orléans, dans l’antichambre de ce dernier, un différend opposant j$Jean de Vieuxpont, qui a tenu des propos déplacés à l’encontre du roi, à Philippe de Brion, sieur de Brantigny, qui a relevé l’offense faite au souverain. Vieuxpont, ancien gentilhomme du duc d’Elbeuf, s’étant excusé, l’affaire pourrait en rester là, si ce n’est que Charles de Besançon, seigneur du Plessis, témoin de l’échange, en fait part à Monsieur. Furieux, Vieuxpont, aidé de Senantes, s’en prend violemment à Besançon, qui en rééchappe de justesse. Au sein de la cour de Monsieur l’émoi est grand et beaucoup tiennent leur parti. Gaspard du Lac est de ceux-là. Il se range derrière Besançon et, dans l’antichambre de Marguerite de Lorraine (l’épouse de Monsieur), parle de tentative d’assassinat. Claude d’Escoubleau († 1656), sieur du Coudray-Montpensier, tient lui le parti de Vieuxpont et évoque une vieille querelle sans rapport avec ce qui se dit6. L’échange s’envenime, ils mettent la main à l’épée et bientôt « plus de trente autres » en font de même et ferment les portes du palais. Monsieur est obligé d’intervenir en toute hâte. Il envoie ses gardes calmer les protagonistes et arrêter les duellistes.
Vieuxpont, Senantes et Coudray-Montpensier sont des bretteurs récidivistes, des spécialistes du duel d’honneur. Lorsque Vieuxpont, de surcroît beaucoup plus jeune, et Brantigny se retrouvent pour un nouveau duel quelques semaines plus tard, le 27 août 1634, Brantigny est tué. Tout cela en dépit de l’interdiction prononcée par l’édit de 1626 qui prévoit la suppression des charges pour ceux qui sont pris les armes à la main et la peine de mort pour ceux qui tuent leur adversaire ou qui organisent des duels avec des seconds. Vieuxpont, considéré par la Gazette comme « ennemi du roy », est pris et emprisonné à Dijon par le président du parlement de Bourgogne, Pierre Legoux de La Berchère, qui en fait part au roi dans une lettre datée de mai 16357. Coudray-Montpensier est embastillé, puis est contraint à l’exil. Tous deux échappent à la peine capitale. Gaspard du Lac, quant à lui, s’en tire mieux que ses rivaux. Le 16 février 1635, deux jours après l’arrestation de Puylaurens, Richelieu écrit au roi pour lui suggérer de demander à Monsieur d’éloigner Courbanton de sa maison et de saisir la première occasion de lui faire céder sa charge8. Gaspard du Lac a des appuis. On voit notamment, en novembre de la même année, Guy d’Elbène intercéder en sa faveur auprès de Léon Bouthillier, comte de Chavigny, proche de Richelieu et qui assure l’interface entre ce dernier et frère du roi9. In fine, le duc d’Orléans ne cède pas et Courbanton conserve sa charge et en obtiendra même une seconde de gentilhomme ordinaire entre 1637 et 163810.
Ainsi, le 20 juin 1638, « Gaspard du Lac, chevalier, sieur de Courbenton, capitaine de la porte de la maison du duc d’Orléans, frère unique du roi et l’un des gentilshommes ordinaires » signe son contrat de mariage avec « Henriette Bouchard, fille de Jean, écuyer, sieur de Fontenay en partie, conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances, capitaine et gouverneur pour le roi des châteaux de Cabardais, à la frontière avec l’Espagne, et de Claude Merceron, sa femme, demeurant à Paris, rue Hautefeuille »11. Henriette est également la sœur de Jean-Jacques Bouchard (1606-1641), homme de lettres bien connu de ses contemporains et gentilhomme de la maison du cardinal Barberini à Rome de 1630 à sa mort. C’est aussi un grand libertin qui aurait « mis dans sa complicité sa propre sœur Henriette »12.
Moins d’un an plus tard, le 11 avril 1639, Gaspard, toujours qualifié « capitaine de la porte de Monseigneur, frère unique du roi », et Henriette, qui n’ont pas d’enfants, se font donation mutuelle de leurs biens au dernier survivant13. Cet acte, qui survient peu avant le décès de Gaspard qui a lieu la même année ou la suivante, met bientôt Henriette en possession de Courbanton et des autres biens de son époux qu’elle transmettra à son second mari, « Charles de Saint-Quantin, chevalier, seigneur dudit lieu, gentilhomme ordinaire de Monsieur, frère unique du roi », qu’elle épousera par contrat du 16 décembre 164114. Saint-Quentin (voir ce nom) est désormais le nouveau sieur de Courbanton.
- Coudray, aujourd’hui commune déléguée de Malherbois, dans le département du Loiret ; Courbanton, fief et château à Montrieux-en-Sologne, dans le Loir-et-Cher ; Chamerolles, fief et château à Chilleurs-aux-Bois, dans le Loiret ; Châtillon-sur-Loing, aujourd’hui Châtillon-Coligny, dans le Loiret. – Voir Eugène et Émile Haag, La France protestante, ou Vies des protestants français qui se sont fait un nom dans l’histoire…, Paris, 10 vol., 1846-1859, tome IV, Colla-Essen, 1853, p. 452, notice « Du Puy » ; Ernest Cornulier-Lucinière, Généalogie de la maison de Vélard, – Velard, Vellard ou Vellar – en Bourbonnais, en Auvergne, en Berry et en Orléanais…, Orléans, 1868, p. 72-73, notice « Du Lac ». [↩]
- Le grand-père de Gaspard II, Lancelot II du Lac – † 1622 -, avait épousé en premières noces Marie Pot de Rhôdes, qui était, entre autres, tante de Jeanne Pot, épouse de René de Laage, parents d’Antoine. [↩]
- Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude LXXIII, liasse 349, f° III/C/XXVIII, et cotes Y 179, f° 60 v° et Y 179, f° 282 v°. [↩]
- Voir le courrier que Jean de Rechignevoisin, seigneur de Guron, adresse à Richelieu, de Nancy, le 12 mai 1632, translation publiée en ligne, texte 731. [↩]
- Voir le courrier que Melchior Mitte de Miolans, marquis de Saint-Chamond, adresse à Louis XIII, de Metz, le 7 mai 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau, éd., Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 237. [↩]
- Claude d’Escoubleau, seigneur du Coudray-Montpensier, est également parent de Puylaurens, ayant épousé Charlotte Pot, fille du cousin germain de Jeanne Pot, épouse de René de Laage et mère de Puylaurens, et était donc apparenté à Gaspard du Lac, Charlotte étant la petite nièce de Marie Pot, grand-mère paternelle de Gaspard. [↩]
- Gazette de Renaudot n° 75 du 2 juin 1635, p. 300. [↩]
- Note de Richelieu à Louis XIII, 16 février 1635, ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. DCCCXIII, f° 86, minute de la main de Cherré, publiée par Denis Avenel, éd., Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Collection des documents inédits de l’histoire de France, 8 vol., Paris, 1853-1877, tome IV, 1630-1635, 1861, p. 662. Voir aussi la lettre de Guy d’Elbène adressée à Léon Bouthillier, comte de Chavigny, vers le 22 juin 1635. Original conservé au ministère des Affaires étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. DCCCXIV, f° 201, translation publiée en ligne, texte 800. [↩]
- Lettre de Guy d’Elbène à Chavigny du 11 novembre 1635. Original conservé au ministère des Affaires étrangères, coll. Mémoires et Documents France, vol. DCCCXVI, f° 112, translation publiée en ligne, texte 803. [↩]
- Sur le registre paroissial de Montigny, dans le Loiret, à la date du 12 janvier 1637, alors que Gaspard du Lac est parrain de Gabriel Rochechouart, il ne s’intitule alors que « capitaine de la porte de monsieur le duc d’Orléans ». [↩]
- Archives nationales, cote Y 179, f° 60 v° ; ibidem,Minutier central des notaires, Étude LXXIII, liasse 349, f° III/C/XXVIII et ibidem, cote L 634, n° 34. Ce même dernier registre rappelle que Jean Bouchard avait épousé Claude Merceron, veuve de Baptiste Hullon, procureur au parlement de Paris, par contrat du 22 février 1605. – Cabardais est probablement Cabardès et ce serait donc le château actuel de Mas-Cabardès situé sur la commune éponyme dans l’Aude. – Tallemant des Réaux, dans Louis Monmerqué et Paulin Paris, éd., Les Historiettes de Tallemant des Réaux, 3e éd., Paris, 1862, page 480, porte que Jean Bouchard était apothicaire, ce qui a pu être le cas avant d’acheter sa charge de secrétaire du roi. [↩]
- Alcide Bonneau, éd., Les Confessions de Jean-Jacques Bouchard…, Paris, 1881, p. XI. Voir aussi le portrait de Jean-Jacques Bouchard dressé par Tallemant des Réaux dans Monmerqué et Paris, ibidem. [↩]
- Archives nationales, cote Y 179, f° 282 v° et Répertoire des notaires, Étude CXV, liasse 1. [↩]
- Archives nationales, cote Y 182, fol. 300. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charles-Henri de Sommyèvre (29 janvier 2024). Lac (Gaspard du, seigneur de Courbanton). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 18 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/voxs