Notice biographique rédigée par Monsieur Charles-Henri de Sommyèvre

Guy¹ Pot de Rhodes (vers 1580- 21 février 1636) est issu d’un ancien et illustre lignage limousin, plus précisément de la branche cadette des seigneurs de Rhodes qui occupa pendant un siècle, de sa création en 1585 à 1684, la prestigieuse charge de grand maître des cérémonies de France². Le père de Guy, Guillaume Pot († 1603), seigneur de Rhodes et de Chemaut³, titulaire de cet office après son père, mais aussi prévôt des deux ordres du roi, premier écuyer tranchant et porte-cornette blanche de Sa Majesté, avait épousé par contrat du 6 mai 1567 Jacqueline de La Châtre, sœur du premier maréchal de ce nom.

Quatrième fils d’une brillante fratrie selon le père Anselme, Guy Pot, est reçu dans l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem dans la langue d’Auvergne le 5 septembre 1601⁴.

Après ses cinq années de résidence quinquennale en couvent, il effectue les quatre caravanes, (expéditions maritimes militaires) dont il est tenu avant de pouvoir prendre le service auprès de son souverain. C’est bien entendu pendant ses caravanes qu’il est formé à la navigation par l’Ordre et c’est dans la marine qu’il écrira ses plus belles pages.

En janvier 1610, « monsieur le chevalier de Rhodes » est mentionné comme commandant un navire au mouillage d’Alexandrette en Turquie, nous pensons alors sous le pavillon de l’Ordre⁵. Cinq ans plus tard, il est dépêché de Malte par le jeune chevalier de Vendôme, frère consanguin du roi, pour trouver Sa Majesté⁶. Nous ignorons son parcours dans les années qui suivent immédiatement, mais c’est à cette période qu’il se met au service de la flotte royale.

En 1622, il reçoit une première commanderie de chevissement, c’est-à-dire obtenue par rang d’ancienneté, et prend ainsi possession de la commanderie de Lavaufranche⁷. Sensiblement à la même période, il reçoit également celle de Blaudeix, voisine d’une vingtaine de kilomètres⁸. Après y avoir rempli ses obligations (renouvellement du terrier et des baux, réparations et aménagements, etc.) et avoir fait constater ses améliorissements, on lui attribue une commanderie de meilleur revenu⁹. Celle-ci est la commanderie de Salins, au comté de Bourgogne, qui se voit accompagnée de celle d’Olloix, en Auvergne¹⁰, et qu’il conserve jusqu’à sa mort. Depuis 1622, il n’est connu que comme le commandeur de Rhodes.

En raison de ces cumuls et de ses obligations, notamment celle de combattre pour la Religion, mais aussi au sein de la flotte royale, il ne réside qu’épisodiquement dans ses commanderies. C’est le sort de la plupart de ses frères chevaliers, mais c’est encore probablement davantage le cas pour lui étant donné l’importance de sa famille et de leur proximité du roi.

Ainsi, par une lettre datée de Paris le 2 avril 1625, Louis XIII lui ordonne de recevoir le cardinal Francesco Barberini, légat (et neveu) du pape Urbain VIII. Ce rôle, qui n’est habituellement pas dévolu à un chevalier de Malte, s’explique par la jeunesse de son neveu, titulaire de la charge de grand maître des cérémonies de France¹¹. Il en ira de même le 13 juin de la même année, lors des « fiançailles et épousailles de Madame [Henriette Marie de France, fille d’Henri IV], avec le roi Charles I^er d’Angleterre » et qu’il reçoit « commandement du roi pour venir servir dans la charge de grand maître des cérémonies, en l’absence de son neveu, M. de Rhodes, qui pour lors étoit à l’académie »¹².

Quelques semaines plus tard, en 1625 encore, il est aux côtés du duc de Montmorency, qui commande la flotte royale chargée d’investir La Rochelle. Le duc l’envoie avec Mirman, intendant de sa maison, tenter de convaincre l’amiral hollandais Houstain, retiré sur les côtes de Bretagne, de se joindre à sa flotte pour l’expédition de La Rochelle¹³. L’échec de sa mission amène le duc à effectuer, avec succès, la démarche lui-même dans un épisode épique de sa carrière¹⁴. Les Hollandais rejoignent bientôt douze vaisseaux du roi mouillant à Belle-Isle, parmi lesquels celui du commandeur de Rhodes¹⁵.

C’est sur le champ de bataille qu’il va rendre ses meilleurs services au roi. Il commande l’un des vaisseaux de la flotte royale, le Saint-Louis, lors de la bataille que Montmorency remporte en septembre contre Rochelais acquis à la Réforme et commandés par le duc de Soubise¹⁶.

Un an et demi plus tard, le 18 février 1627, se qualifiant « chevalier de l’ordre Saint-Jean de Jérusalem, commandeur des commanderies de Lavaufranche et Blaudeix…, capitaine et commandant pour le service du roi le vaisseau nommé Saint-Louis de Saint-Malo, étant de présent au Port-Louis en Bretagne », il donne quittance à Richelieu, en tant que grand maître chef et surintendant général de la navigation et commerce de France, par les mains de son secrétaire, « des deniers de mondit seigneur cardinal (3 600 livres), pour tous les appointements, soldes et victuailles à lui dus par le roi, ainsi qu’à ses lieutenants, officiers, matelots et soldats dudit vaisseau Saint-Louis, pour tout le passé jusqu’au dernier jour de décembre 1626 »¹⁷. Le même jour, il fait de même par procuration pour Joseph de Montigny, un frère chevalier qui commande le vaisseau La Marguerite¹⁸. 

Dans une lettre datée de Port-Louis du 28 juillet 1627, « M. de Rodes » écrit à Richelieu pour lui « exposer le mauvais état des vaisseaux commandés par lui et par M. de Manti ». Sans doute le cardinal n’en avait-il pas encore pris connaissance lorsque, le 30 juillet 1627, Richelieu écrit à « MM. de Rodes, de Manty [et] d’Infreville » pour leur donner l’ordre de ravitailler le fort Saint-Martin sur l’île de Ré vers lequel les troupes espagnoles se dirigent¹⁹. En août, avec d’autres capitaines commandants, il est alerté de l’approche qu’on présume de Port-Louis où son vaisseau mouille, de navires ennemis (texte 748).

En octobre 1627, le commandeur de Rhodes est à la tête de l’escadre de Bretagne, au sein de la flotte réunie par l’amiral duc de Guise pour prendre à revers le duc de Buckingham et la flotte anglaise qui forment un blocus devant l’île de Ré. Malheureusement, durant le siège de La Rochelle, et bien qu’il ait « monté partiellement en galères » le Saint-Louis, le fort tirant d’eau de son navire l’oblige à quitter la flotte et à regagner Brest²⁰.

Nous n’avons pas retrouvé de traces de sa carrière ultérieurement, si ce ne sont deux mentions. Dans la première, nous apprenons qu’en 1631 le « Saint-Louis, commandé par le sieur de Rhodes », mouillant à Brest avec six autres vaisseaux, reçoit l’inspection de d’Infreville²¹. La seconde indique, qu’en 1636, il commande l’escadre de Normandie lorsqu’il perd la vie dans des circonstances inconnues, mais son inhumation ayant eu lieu à Menetou-Salon, il est probable que ce ne fut pas lors d’un combat naval ; peut-être des suites de blessures²². C’est Joseph de Montigny qui le remplace à la tête de l’escadre par commission du 3 avril 1637, qui fait mention du décès de Guy, lors de la reprise aux Espagnols de Sainte-Marguerite et Saint-Honorat (îles Lérins), au large d’Antibes²³.

Texte 748,

1. Certains auteurs le prénomment Guyot, forme hypocoristique de Guy, mais sa signature porte bien « Guy Pot de Rhodes », registre paroissial de Menetou-Salon, 11 sept. 1624, archives départementales du Cher. [↩]
2. Rhôdes, fief à Mouhet, dans le département de l’Indre. [↩]
3. Chemault, ancienne commune aujourd’hui associée à Boiscommun, dans le département du Loiret. [↩]
4. Père Anselme de Sainte-Marie et Pol Potier de Courcy, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France…, 9 volumes 1726-1733 et 2 volumes, 1884-1890, t. IX, première partie, Didot frères, Paris, 1890, p. 401-402. – Pour la réception à Malte : abbé René Aubert de Vertot,Histoire des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem…, 4 volumes, 1726, tome IV, Paris, p. 18 de la « liste chronologique des frères chevaliers… de la langue d’Auvergne ». Cette certitude rend impossible les mentions qui font de lui le commandeur de Lavaufranche et de Blaudeix dès 1595, voire dès 1590 : Andrée Louradour, « La commanderie de Blaudeix », Mémoires de la société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, tome XXXV, premier fascicule, Guéret, 1963, p. 45, liste des commandeurs de Blaudeix ; Ambroise Tardieu dans son Dictionnaire historique de la Haute-Marche – Herment, 1894, colonne 215 – porte pourtant bien « Jean », un oncle de Guy, mention devenue « Jean ou Guy » par des successeurs peu inspirés, et même « Jean-Guy », dans Anonyme, Notice sur « Commanderie de Lavaufranche », Mémoires de la société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, tome XXVII, Guéret, 1938-1940, p. 236. [↩]
5. Mémoires de Philippe Prévost de Beaulieu-Persac, capitaine de vaisseau (1608-1610 et 1627) publiés pour la première fois pour la Société de l’histoire de France par Charles de La Roncière, Paris, 1913, p. 107, note 2. [↩]
6. Étienne Charavay, Collection de lettres autographes et de documents historiques sur le règne de Louis XIII formée par feu M. A[dolphe] Pécard…, Paris, 1873, p. 24. [↩]
7. Archives départementales du Rhône, 48 H 3 176. [↩]
8. « Messire Guy Pot de Rhodes, commandeur de La Vaufranche et Blodays » est parrain à Menetou-Salon en septembre 1624. Lavaufranche et Blaudeix se trouvent dans le département de la Creuse. [↩]
9. L’améliorissement, terme particulier à l’ordre de Malte, correspondait à l’amélioration matérielle qu’un commandeur était tenu de faire réaliser dans sa commanderie pour pouvoir en obtenir une meilleure. [↩]
10. Commanderie située sur la commune de Salins-les-Bains, dans le Jura. Olloix se trouve dans le Puy-de-Dôme. Voir Archives départementales du Rhône, H 270, 48 H 267 et 48 H 3 175. [↩]
11. « Recueil de copies de pièces pour servir à l’histoire du cérémonial en France, de 1467 à 1637 », Bibliothèque nationale de France, Manuscrits Français 4334. [↩]
12. Théodore et Denis Godefroy, Cérémonial françois…, 2 volumes, 1649, tome II, Paris, p. 119. [↩]
13. Simon du Cros, Mémoires de Henry, dernier duc de Montmorency…, Paris, 1666, p. 72. [↩]
14. Amédée Renée, Madame de Montmorency…, Paris, 1858, p. 60-63. [↩]
15. Scipion Dupleix, Histoire de Louis le Juste…, Paris, 1643, p. 386-387. [↩]
16. L’Ordre du combat naval où M. de Montmorency, admiral de France, attaqua les Huguenots rebelles, qu’il mena battant jusqu’à la fosse de L’Oye où ils s’eschouèrent, le 15 septembre 1625, gravé à Paris chez Melchior Tavernier, 1626 ; Dupleix, ibidem. [↩]
17. Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude XCVI, liasse 15. [↩]
18. Ibidem. [↩]
19. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu publiés par Denis Avenel, 8 volumes, 1853-1877, tome II, 1624-1627, Paris, 1856, p. 521-523, dont p. 521 notes 3 et 4. [↩]
20. Michel Duval, « Les armements malouins pour le siège de La Rochelle (1622-1628) », Annales de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Saint-Malo, Annales 1991, Saint-Malo, p. 207. – La Roncière, ibidem, p. 106, note 1, d’après « Affaires étrangères 792, France 49, f° 67 » et p. 107, note 2, d’après Bibliothèque nationale de France, Manuscrits, Français 6 409, f° 313 et 315. [↩]
21. Eugène Sue, Correspondance de Henri d’Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux, chef des conseils du roi en l’armée navale…, augmentée des ordres, instructions et lettres de Louis XIII et du cardinal de Richelieu à M. de Sourdis concernant les opérations des flottes françaises de 1636 à 1642…, 3 volumes, 1839, Collection de documents inédits sur l’histoire de France…, première série, histoire politique, tome III, Paris, p. 202-203 (« Voyage et inspection maritime de M. d’Infreville sur les côtes françaises de l’océan. Extrait du procès-verbal du voyage fait par le sieur d’Infreville, commissaire-général de la marine, tant pour l’établissement de l’ancrage que pour les autres chefs de sa commission. Rédigée en chapitres, auquel ledit sieur d’Infreville a vaqué huit mois, outre les voyages faits en poste. », extrait des registres du conseil d’État. [↩]
22. Sa mort en 1636 rend fautive l’identification en 1642 du commandeur ou chevalier de Rhodes évoqué par le prince de Condé dans une lettre à M^me de Beaujeu, donné comme étant « Guy Pot de Rhodes » par le baron de Fumichon et Emmanuel de Pommereau, auteurs des « Lettres de Condé et de Louis XIV aux seigneurs de Beaujeu » (Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, 1931-1933, tome LXV, Bourges, 1934, p. 270, note 1). Madame de Beaujeu est ici Louise Pot, nièce du commandeur de Rhodes dont il est ici question, mariée en 1625 à René de Mesnil-Simon, seigneur de Beaujeu, et ce « chevalier de Rhodes » est Charles Pot de Rhodes, un frère de Louise et donc un petit-neveu de Guy. [↩]
23. Adrien Richer, Les Fastes de la marine françoise, ou les Actions les plus mémorables des officiers de ce corps…, Paris, 1787, p. 1-19. [↩]

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