Notice rédigée par Monsieur Charles-Henri de Sommyèvre

Alexandre Perrinet (vers 1600-1653), dit le baron d’Arzeliers en Dauphiné¹, est un militaire protestant qui servit le roi avec beaucoup de distinction.

Il est le fils aîné de Gaspard Perrinet, sieur de Barsac près de Die, où ce dernier exerce d’abord comme avocat. Encore notaire lors de son mariage avec Madelaine Didier d’Allons en 1593, Gaspard Perrinet meurt en 1654, ayant été nommé depuis maître auditeur des comptes (pourvu en 1598) puis président de la Chambre des comptes de Grenoble (1620-1637)². Il se titrait désormais motu proprio marquis d’Arzeliers. Avant cela, il avait fait fortune au service du connétable de Lesdiguières – dont il fut exécuteur testamentaire, preuve de sa confiance – en étant son trésorier de l’extraordinaire des guerres et en s’occupant plus généralement de ses finances³.

Son fils aîné, Alexandre, ayant choisi le métier des armes, ce dernier va naturellement commencer sa carrière dans la compagnie des gendarmes du duc de Lesdiguières qu’il va suivre dans ses campagnes en Savoie (siège du château de l’Huile, à Bourget-en-L’Huile, en 1620), en Languedoc (sièges de Montauban en 1621 et de Montpellier en 1622) et en Valteline.

Guidon dès 1620, encore en 1625, le baron d’Arzeliers passe lieutenant de la compagnie d’ordonnance de Lesdiguières peu avant la mort du duc en 1626⁴. C’est le beau-fils de ce dernier, le maréchal de Créquy, deuxième duc de Lesdiguières, qui succède au connétable à la tête de sa compagnie, et, Créquy ayant probablement déjà son lieutenant, Perrinet y repasse enseigne, comme cela se voit en 1628 et 1630⁵. Porté lieutenant le 27 avril 1635⁶, il en est qualifié capitaine-lieutenant dans les premiers jours de 1636⁷.

Peu après, dès juin 1637, il obtient un corps de dragons dont il est dit mestre de camp⁸. Par commission du 24 janvier 1638, il lève un régiment de dragons étrangers de son nom qu’il commande dans les guerres d’Italie de 1638 à 1644. Son régiment se trouve ainsi en Piémont, d’abord au secours de Verceil, en 1638, puis au combat de Cengio, au siège de Chivasso, au combat de la Rotta, près de Carmagnoles l’année suivante, puis aux sièges de Turin en 1640 et d’Ivrea en 1641, au secours de Chivasso et au siège de Coni la même année, puis aux sièges de Crescentino et de Nizza Monferrato (Nice de La Paille) en août 1642. C’est donc au retour de ces sièges et afin de pourvoir au ravitaillement de son régiment, que nous le trouvons en Languedoc évoqué par son cousin La Vrillière dans une lettre à Richelieu le 23 août 1642 (texte 651). À la fin de l’année, son régiment retourné en Piémont, participe aux sièges de Tortone, puis, en 1643, à ceux de Trino et de la citadelle d’Asti, et enfin, aux sièges de Santhià et du château d’Asti en 1644⁹. Le régiment sert encore en Allemagne en 1647 et est donné l’année suivante à Antoine de Greffain des Fourneaux selon Susane, ou tout simplement licencié en 1648 selon Pinard¹⁰.

Perrinet cumulait les charges de lieutenant de Lesdiguières et de colonel de dragons¹¹. Il n’était donc pas systématiquement à la tête de son régiment lors de cette campagne. Ainsi, on le voit à la tête des gendarmes de Lesdiguières le 20 novembre 1639, lors de la victoire d’Henri de Lorraine, comte d’Harcourt, à Quiers¹² et il commandait encore ces gendarmes lors du siège de Turin, le 11 juillet 1640¹³. 

Son régiment ayant été licencié ou donné, Charles de Créquy décédé depuis 1638, le baron d’Arzeliers se trouve bientôt employé comme capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes du duc de Vendôme. Comme ce dernier, le baron d’Arzeliers tient le parti de la cour lors de la Fronde¹⁴. Sa loyauté lui apporte le grade de maréchal de camp par brevet du 19 novembre 1651¹⁵. 

En octobre 1652, il est envoyé soumettre Sisteron qui refuse de reconnaître le duc de Mercœur, fils du duc de Vendôme, comme gouverneur de Provence. Son succès rapide et pacifique lui vaut le commandement de la ville et de la citadelle de Sisteron¹⁶. 

La vie d’Alexandre Perrinet ne s’est pas limitée pas aux questions militaires. Comme ses parents l’ont été et comme ses enfants le seront, il est également très impliqué dans la question religieuse. Ayant à la fois la confiance du roi et celle de ses coreligionnaires, en décembre 1644, il est choisi par Mazarin pour remplace Henri de Clermont-Gallerande en tant que député général des Églises réformées de France¹⁷. À ce titre, il est notamment le porteur des doléances des Réformés auprès du roi¹⁸ et de façon plus générale l’intermédiaire entre eux. Il obtint d’ailleurs « des arrêts et une déclaration utiles aux Églises »¹⁹. 

Sur une procuration du 7 juillet 1651, il est qualifié de « conseiller du roy en ses conseils d’État », mais cette mention dans la sphère privée est unique et donc douteuse²⁰.

Alexandre, qui s’intitule désormais « de Perrinet, marquis d’Arzeliers », avait épousé par contrats postnuptiaux des 2 avril 1628, reçu à Paris, et 28 août suivant, reçu à Forcalquier, Suzanne de Launay²¹. Le mariage religieux avait eu lieu le 1^er avril 1628 à Paris. Également protestante, elle était fille de feu Daniel de Launay († 1611), seigneur de la Ravinière²² en Sologne, secrétaire du roi, maison, couronne de France (reçu en 1604), trésorier de France au bureau des finances de la généralité de Tours, et de Marguerite Phelypeaux²³. Cette dernière était sœur de Raymond (1560-1629), sieur d’Herbault, trésorier de l’Épargne et secrétaire d’État aux Affaires étrangères, lui-même père de Louis, sieur de la Vrillière, auteur de la lettre mentionnée supra²⁴. Il est probable que les deux cousins entretenaient des relations utiles au regard de leurs fonctions respectives²⁵. 

Suzanne lui donna deux garçons morts sans alliance, deux filles mariées et Gaspard (1645-1710), commissaire de l’Édit dans le Dauphiné, émigré peu après la révocation de l’édit de Nantes et qui est envoyé à Genève pour servir d’intermédiaire entre les gouvernements de la Grande-Bretagne et des Provinces Unies et les Cévenols insurgés (les Camisards)²⁶.

Nous ignorons la date exacte de son décès. Il est donné pour mort en 1653, notamment sur le procès-verbal du synode national de Loudun tenu en décembre 1659²⁷. Ce décès est rappelé sur différents textes contemporains et notamment lors de la nomination de son successeur, M. de Ruvigny, en tant que député général et datée du 15 août 1653²⁸.

Voir aussi les Dossiers bleus 517, Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Français 30 062 (« Perrinet »).

Texte 651,

1. Le fief et le château d’Arzeliers sont situés dans l’actuelle commune de Laragne-Montéglin dans les Hautes-Alpes. La lettre de Louis Phélypeaux d’Herbault, seigneur de La Vrillière, à Richelieu, du 23 août 1642, – texte 651 – évoque « monsieur le baron d’Arzillières », ou « Monsieur d’Arzillières ». Cette graphie d’Arzeliers est exceptionnelle et Arzillières est autrement bien connu pour être le nom de l’une des principales seigneuries, titrée baronnie d’ancienneté, du département de la Marne, qui elle-même a été parfois corrompue en Arzeliers. Seuls les contextes permettent alors de les distinguer. [↩]
2. Il n’y a pas de lettres d’érection en terre titrée d’Arzeliers en leur faveur. Pour ses lettres de provisions à la Chambre des comptes de Grenoble, voir Jean Joseph Antoine Pilot-Dethorey, Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Isère. Archives civiles. – Série B – suite -, tome II, Grenoble, 1868, p. 83 et 89. [↩]
3. Testaments du duc de Lesdiguières des 31 juillet 1613 et 26 mars 1624 : Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières, publiés sur les manuscrits originaux par le comte Louis Archambaud Douglas et Joseph Roman, 3 volumes 1878-1884, tome III, Grenoble, 1883, p. 397 et 452. Outre Barsac et Arzeliers, Gaspard Perrinet acquit les seigneuries de Ravel, aujourd’hui hameau à Boulc ; Châteauneuf-de-Chabre ; Montrond ; Eyguians, ancienne commune aujourd’hui rattachée à Garde-Colombe ; Beaujeu ; Barret-le-Bas, auj. Barret-sur-Méouge ; Montéglin ; Savournon ; Peypin et Mison – voir notamment Humbert de Terrebasse, Poésies dauphinoises du XVII^e siècle, Lyon, 1796, p. 178-179 – qui, ensemble, pouvaient bien représenter 400 000 livres et plus. [↩]
4. Archives départementale de la Drôme, E 6 387 ; Louis Videl, Histoire du connétable de Lesdiguières…, Paris, 1638, p. 410 ; Archives départementale de la Drôme, cote E 1 418. [↩]
5. Archives nationales, Y 168, f° 110 ; Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude CVII, liasse 163 ; Archives départementale de la Drôme, E 4 840. [↩]
6. Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude LXXIII, liasse 338, f° ix/xx/vii. [↩]
7. Archives départementales de la Drôme, E 4 842. [↩]
8. Archives départementales des Hautes-Alpes, E 369. [↩]
9. L’ensemble de la campagne en Piémont est donné par François Joseph Guillaume Pinard, Chronologie historique-militaire…, 8 volumes 1760-1778, tome VI, les lieutenants généraux des armées du roi du 25 juillet 1762 et les maréchaux de camp jusqu’en 1715, Paris, 1763, p. 326, et général Louis Susane, Histoire de la cavalerie française, 3 volumes, Paris, 1874, tome III, p. 157. [↩]
10. Pinard ibidem et Susane, ibidem. [↩]
11. Archives départementales de la Drôme, E 1 418. [↩]
12. « Extraordinaire du 26 juillet 1640 », Gazette de Théophraste Renaudot, n° 92, Paris, 1640, p. 499. [↩]
13. « Relation de la bataille donnée par l’armée d’Espagne contre celle de France devant Turin l’unzième juillet mil six cent quarante », Gazette de Théophraste Renaudot, n° 90, Paris, 1640, p. 288. [↩]
14. Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné…, 2 volumes 1858-1860, t. II, Paris, 1860, p. 243 ; Félix Allemand, Dictionnaire biographique des Hautes-Alpes…, Gap, 1911, p. 348. [↩]
15. Il se faisait déjà intituler maréchal de camp sur une obligation du 4 juin 1648. Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude XCVI, liasse 51. [↩]
16. Biographie des hommes remarquables des Basses-Alpes…, par une Société de gens de lettres, Digne, 1850, p. 14 ; Édouard de Laplane, Histoire de Sisteron…, 2 volumes, tome II, Digne, 1843, p. 272-273. [↩]
17. Rochas, ibidem ; Allemand, ibidem. [↩]
18. Voir Jacques Le Long et Charles Marie Fevret de Fontette, Bibliothèque historique de France, contenant le catalogue des ouvrages imprimés et manuscrits…, 5 volumes, 1768-1778, tome IV, Paris, 1775, p. 287. [↩]
19. « Le marquis de Ruvigny, député général des Églises réformées en cour… », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français…, dixième année, Paris, 1861, tome X, p. 118. [↩]
20. Bibliothèque de Genève, Manuscrits, Français 717, f° 125-126. [↩]
21. Archives nationales, Y 168, f° 110 et Archives départementales des Hautes-Alpes, B 2 219. [↩]
22. Fief et château situé à Fontaines-en-Sologne (Loir-et-Cher). [↩]
23. Voir aux Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude CVII, liasse 165 ; Abraham Tessereau, Histoire chronologique de la Grande Chancelerie de France, tome premier, contenant son origine, l’estat de ses officiers, un recueil exact de leurs noms…, Paris, 1710, p. 273 et 311.  – C’est Daniel de Launay qui fit construire l’hôtel particulier éponyme actuellement situé 12 rue des Lions-Saint-Paul dans le IV^e arrondissement de Paris. [↩]
24. Père Anselme de Sainte-Marie et Pol Potier de Courcy, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France…, 9 vol. 1726-1733 et 2 vol., 1868-1890, t. IX, deuxième partie, Didot frères, Paris, 1879, p. 441-442 « Généalogie de la maison Phélypeaux ». [↩]
25. Lettre de La Vrillière au marquis d’Arzeliers du 6 avril 1650 relative à des affaires religieuses, Bibliothèque de Genève, Manuscrits français 717, f° 123-124. [↩]
26. Eugène et Émile Haag, La France protestante, ou Vies des protestants français qui se sont fait un nom dans l’histoire…, 10 volumes, 1846-1859, tome VIII, Paris, 1858, p. 193-194. [↩]
27. « Le dernier synode national des Églises réformées avant la révocation de l’édit de Nantes. Rapport officiel du commissaire du roi [Collas de la Madeleine] … [daté du 17 janvier 1660] »,Bulletin de la Société du protestantisme français…, huitième année, Paris, 1859, p. 154. [↩]
28. Charles Drelincourt, Lettre d’un habitant de Paris à un de ses amis de la campagne sur la remonstrance du clergé de France faite au roy par M. l’archevèque de Sens, [Paris, 1656], p. 46. – Il ne devrait y avoir aucun doute quant à une date de décès de Perrinet comprise entre octobre 1652 et août 1653, néanmoins, Pinard (opus cité) rapporte qu’il quitta le service en 1655. On lit aussi qu’à la date du 16 juin 1659, « quatre années auparavant », « Alexandre de Perrinet, baron d’Arzeliers » avait cédé les seigneuries « du Bersac et de Marmourières pour 31 000 livres » (Jean Imbert, « Les seigneurs de Rocheblave à Savournon… », Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, année 1975, Gap, 1975, p. 26), et enfin, l’inventaire des fonds de la Bibliothèque de Genève – Manuscrits français 717, f° 127-128 – indique posséder une « lettre autographe signée à la baronne de St-Côme », d’Alexandre Perrinet, marquis d’Arzeliers datée de Laragne du 16 novembre 1660. Il écrirait alors à sa fille. Coquilles et confusions ou énigme, rien de plus probant ne nous a permis de trancher. [↩]

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