Notice biographique élaborée par Monsieur Charles-Henri de Sommyèvre
Champenois et issus de la magistrature locale, les Brion, fort peu étudiés, apparaissent à la fin du XVe siècle à Langres. La branche cadette, bientôt connue sous le nom de leur terre principale, Brantigny (à Piney), s’établit ensuite à Troyes puis à Chaumont dont elle va détenir le bailliage et la capitainerie pendant près de quarante ans1. Philippe de Brion, sieur de Brantigny, est le dernier mâle de sa branche.
Philippe est fils de Jean de Brion (1547-1614/1621), seigneur de Brantigny, Aulnay, etc., capitaine et bailli de Chaumont, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi Henri IV, porté chevalier de son ordre, et de Guillemette des Boves (de Rances), dame d’Yèvres, Arrembécourt en partie et Courcelles-sur Voire2.
Nous savons peu de choses de Philippe, si ce n’est que, dès 1621, il est en possession de Brantigny, mais qu’elle est saisie la même année, pour une raison qui nous est inconnue, et vendue par adjudication à Charles, duc de La Vieuville, alors surintendant des finances3. La seigneurie de Brantigny passe ensuite de main en main, tandis que Philippe de Brion en conserve le nom. Il avait épousé, dès le 12 octobre 1628, Agnès d’Avantois4, fille de Pierre, seigneur de Grenant (à Beaumont) et de Beaumont-la-Ferrière, et de Françoise de Saint-Quintin5. Son épouse est la belle-sœur de sa sœur, Agnès de Brion, femme de Benjamin d’Avantois. Nous ne leur connaissons pas d’enfants et ignorons le sort d’Agnès d’Avantois, peut-être morte en couche. En 1629 et 1632, Philippe apparaît en Nivernais comme tuteur de ses neveux après le décès de sa sœur, elle-même veuve depuis 1616, et ne semble alors occuper aucune fonction particulière6. On lit néanmoins que « Brantigny est un gentilhomme qui a été lieutenant de feu Monsieur de Luxembourg dans Blaye »7. Nous n’avons rien trouvé qui puisse nous éclairer davantage sur ce point et notamment sur la nature exacte de sa lieutenance et à quelle date plus précisément il faudrait la situer. Il semble quoiqu’il en soit qu’après la mort du duc de Luxembourg en 1630, il n’a plus été employé par le roi.
Peut-être frustré de ne pas connaître la même faveur que son père et ses aïeux avant lui, son fief principal confisqué et aussitôt vendu, le sieur de Brantigny se rapproche du duc d’Orléans qu’il suit en exil en Lorraine au tout début des années 16308. Il commet alors l’irréparable, prendre les armes contre le roi, comme le rapporte la Gazette du 6 août 1632 qui relate que le sieur de Brantigny « suit le parti de Monsieur avec une compagnie de 40 maîtres »9. Le 1erseptembre, il participe le plus vraisemblablement à la bataille de Castelnaudary où Henri II de Montmorency est défait par les troupes royales. Fait prisonnier et condamné à mort pour crime de lèse-majesté, le duc de Montmorency, maréchal de France, est décapité le 30 octobre suivant. Si en dépit de son rang Montmorency est exécuté, les autres conspirateurs qui se sont échappés ne peuvent espérer davantage de clémence. En mars 1633, avec trente-cinq autres complices, Brantigny est jugé à Troyes par contumace et, en ce qui le concerne, condamné à être décapité. Il l’est en effigie le 1er avril suivant à Troyes10. Brantigny est condamné à un exil définitif.
Au printemps 1634, à Bruxelles, survient un incident qui l’oppose à Jean de Vieuxpont, qui lui a tenu, « dans la chambre de Monsieur », des propos insultants à l’encontre du roi11. Besançon, témoin de l’affaire, l’ébruite tant que Vieuxpont, qui se sent discrédité par la rumeur, s’en prend à lui dans la rue et le blesse12. Quelques jours plus tard, le 27 août 1634 à Bruxelles, on ne sait pas si c’est Vieuxpont qui fait appeler en duel Brantigny ou l’inverse – les deux formulations se rencontrent – mais Vieuxpont tue Brantigny de huit coups d’épée, dont certains post-mortem13.
Texte 751,
- De 1558 à 1595, avec une interruption pendant la période de la Ligue, de 1589 à 1594, selon Émile Jolibois, Histoire de la ville de Chaumont, Chaumont, 1877, p. 449. [↩]
- Donation entre vifs du 28 mai 1614 de la seigneurie d’Arrembécourt, par Jean de Brion, chevalier de l’ordre du roy, seigneur de Brantigny, etc., à Philippe son fils selon Jean-Louis Nicolas de Vaveray, L’Élection de Vitry-le-François…, Tours, 1878, p. 412. – En 1621, c’est Philippe et sa sœur, Agnès de Brion, qui sont portés seigneurs de Brantigny selon Alphonse Roserot, Dictionnaire historique de la Champagne méridionale des origines à 1789, Langres, 1942-1948, tome I, 1942, p. 227, art. Brantigny, d’après un document conservé aux Archives nationales, cote T 1253. – Voir aussi Charles-Henri de Sommyèvre, « Maison des Boves, étude généalogique », Héraldique & Généalogie n° 218, Paris, avril 2016, p. 9, d’après, entre autres, Roserot, ouvrage cité, tome I, 1942, p. 31, art. Arrembécourt, p. 227, art. Brantigny, p. 429, art. Courcelles-sur-Voire, et tome III, 1948, p. 1 873 art. Yèvres-le-Petit. [↩]
- Roserot, ouvrage cité, tome I, p. 227, art. Brantigny. [↩]
- Fichier Chandon de Briailles aux Archives départementales de l’Aube, fiche « de Brion », d’après une source abrégée, « D° Bretel », que nous n’avons pas su identifier. [↩]
- Gaston Gauthier, « Monographie de la commune de Beaumont-la-Ferrière », Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, 3e série, tome IV, 14e volume de la collection, Nevers, 1892, p. 374, 429 et 440. [↩]
- Gauthier, ibidem ; voir aussi l’inventaire après décès d’Agnès de Brion du 27 juillet 1628 aux Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude XCI, liasse 216, et le Registre des tutelles, en date du 14 juin 1631, aux Archives nationales, cote Y 3 896. [↩]
- Selon les termes que Raoul d’Amontot utilise dans un courrier qu’il adresse à Richelieu, de Bruxelles, le 17 juin 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le Trésor pillé du roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éd. L’Harmattan, 2013, 2 vol., tome I, p. 563-564. Le duc de Luxembourg est ici Léon d’Albert, seigneur de Brantes, duc de Luxembourg et de Piney par son épouse, Marie-Charlotte de Luxembourg, héritière du duché. [↩]
- Voir Raoul d’Amontot à Richelieu, de Bruxelles, le 17 juin 1634, lettre évoquée ci-dessus, et le texte 751. [↩]
- Gazette de Théophraste Renaudot, Paris, 6 août 1632, p. 307. [↩]
- Ibidem, 1er avril 1633, p. 125-128. [↩]
- Gaston d’Orléans, Mémoires de M*** contenant ce qui s’est passé en France de plus considérable depuis l’an 1608 jusqu’en l’année 1636, Étienne Algay de Martignac, éditeur, Paris, 1685, p. 332-333. [↩]
- L’hypothèse est formulée par Raoul d’Amontot dans le courrier évoqué ci-dessus. [↩]
- Voir le courrier que Raoul d’Amontot adresse à Claude ou Léon Bouthillier, de Bruxelles, le 27 août, dans Vignal Souleyreau – éd. -, Le Trésor pillé du roi…, ouvrage cité, tome II, p. 162-163. L’épisode est mentionné par Henri de Campion, dans ses Mémoires, Paris, chez P. Jannet, 1857, p. 32-33. Voir également Gaston d’Orléans, ibidem – c’est Brantigny qui provoque le duel – et Gazette de Théophraste Renaudot, Paris, 9 septembre 1634, p. 375-376 – c’est Vieuxpont qui appelle au duel -. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Charles-Henri de Sommyèvre (13 mars 2024). Brion (Philippe de, sieur de Brantigny). Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 1 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/w0m6