Notice élaborée par Monsieur Charles-Henri de Sommyèvre

Bien que se qualifiant parfois d’écuyer, Pierre Martin, sieur de la Martinière, est probablement issu d’une famille bourgeoise difficile à isoler jusqu’à lui¹. Il est Parisien, mais nous ne savons s’il l’est d’origine, par mariage ou par son emploi, et demeure « dans l’enclos et paroisse du Temple », où il est également bailleur « de la grande écurie, chambres, garderobes et grenier au-dessus dans la grande cour de la commanderie du Temple », moyennant 400 livres par an, et l’entretien des lieux².

Marié par contrat reçu à Paris en janvier 1617 à Marie de Villegontier, fille de Léger, archer des gardes du corps du roi, et de Marie de Briand³, nous le trouvons détenteur de la capitainerie des mulets de Monsieur dès le 4 février 1628⁴.

Le capitaine des mulets compte parmi les officiers de la garde-robe de Monsieur. Il a en charge le transport des effets personnels, des coffres et lits du duc d’Orléans⁵. Il doit donc procéder à l’achat des mulets et à leur entretien. À ce titre ses gages sont relativement modestes, 300 livres⁶. En revanche, disposant de sommes allouées, les surplus qu’il parvient à déduire de ces dernières tombent dans son escarcelle, mais surtout sa position lui permet également d’obtenir d’autres marchés auprès de la haute-noblesse amenée à déplacer fréquemment que ce soit pour aller et venir de Paris à leur province d’origine, à leurs gouvernements ou lors des campagnes militaires. On le voit ainsi obtenir d’Urbain de Maillé, marquis de Brézé, maréchal de France, et entre autres « gouverneur des villes, châteaux et citadelles de Saumur, Calais et pays reconquis, demeurant en son hôtel à Paris », un contrat pour la fourniture durant quatre ans de « six bons mulets suffisants pour porter les lits, coffres et meubles dudit seigneur par tout le royaume, jusqu’au poids de trois cent à trois cent cinquante livres ». Ce marché est conclu moyennant 25 sols par mulet et par jour, acquittés mensuellement, soit au total un contrat de près de 11 000 livres⁷. Un autre marché, conclu le 30 janvier 1640 avec Madeleine Fabry, épouse du chancelier Séguier, porte sur seize mulets dont six de bâts et dix pour la litière, avec les hommes nécessaires, « pour aller à la suite de M^gr le chancelier », moyennant 100 sols par jour et par mulet, soit 2 400 livres par mois⁸.

Tous les marchés ne sont sans doute pas aussi importants, mais La Martinière est un homme de négoce, pas un militaire. Quelles que soient ses convictions politiques, ses affaires veulent qu’il demeure à Paris et il ne suit pas Monsieur lors de son évasion du royaume. Néanmoins, comptant parmi les officiers de la maison de Gaston d’Orléans, il est probablement proscrit, car il est l’un des vingt officiers du duc, qui, ne l’ayant pas suivi à Bruxelles ou en étant vite revenus, sollicitent, en 1634, du roi un brevet d’abolition, ou mieux de rémission⁹. La Martinière l’obtient certainement, peut-être par des lettres d’abolition générale, et il a repris le service du frère du roi, car il se qualifie toujours de capitaine des mulets de Monsieur en 1636, 1640 et 1641¹⁰. De même, après sa mort survenue avant 1650, sa veuve rappellera toujours son emploi¹¹. Elle teste à Paris le 19 juillet 1663¹².

Nous trouvons d’autres Martin de La Martinière officiant au sein de la chambre du roi à partir du deuxième tiers du XVII^e siècle et qui sont vraisemblablement parents de Pierre, mais nous n’avons pas su établir la nature de leurs liens.

Texte 750,

Charles-Henri de Sommyèvre

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1. Pierre Martin est le premier à avoir adjoint le nom de terre de la Martinière qui permet de les distinguer des autres nombreux Martin. De même, il existe quantité de lieux dénommés la Martinière, c’est-à-dire la propriété de M. Martin, et il n’est pas exclu que d’autres Martin sans lien avec Pierre Martin, aient porté le nom de la Martinière. – Pour la qualification d’écuyer, voir Archives nationales, Archives notariales, Étude XV, liasse 68. – Étienne Martin de La Martinière (1773-1835) sera créé chevalier de l’Empire par lettres patentes du 31 janvier 1810, selon le vicomte Albert Révérend dans son Armorial du Premier Empire…, 4 volumes, 1894-1897, tome III, Paris, 1896, p. 197. [↩]
2. Bail du 5 juin 1641 consenti par Claude Charpentier, receveur général du revenu temporel du Grand Prieuré de France donné par les Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude XXIV, liasse 418, f° V/C/II. [↩]
3. Archives nationales, Répertoire des notaires, Étude LXII, liasse 3. [↩]
4. Archives nationales, Archives notariales, Étude XV, liasse 68. [↩]
5. Cet emploi doit être distingué du capitaine des mulets militaire qui s’occupe du transport des vivres et des fourrages des armées en déplacement qui se faisait à dos de mulet, notamment lors les franchissements montagneux. [↩]
6. Jean Pinsson de la Martinière, L’Estat de la France dans sa perfection…, Paris, 1658, p. 304. [↩]
7. Archives nationales, Minutier central des notaires, Étude XXIV, liasse 336, f° IX/XX/XVII . [↩]
8. Ibidem, liasse 416, f° LXXIX. [↩]
9. Voir la liste des officiers de Monsieur, 1634, conservée au ministère des Affaires étrangères, coll. Mémoires et Documents France, vol. 811, f° 210-211, translation publiée en ligne, texte 750). [↩]
10. Voir aux Archives nationales : cote Y 176, f° 477 ; Répertoire des notaires, Étude VI, liasse 6 ; Minutier central des notaires, Étude XXIV, liasse 416, f° LXXIX ; Minutier central des notaires, Étude XXIV, liasse 418, f° V/C/II. [↩]
11. Voir aux Archives nationales : Minutier central des notaires, Étude XIV, liasse 68, en date du 22 nov. 1650, et cote Y 194, f° 433, en date du 11 oct. 1657. [↩]
12. Archives nationales, Répertoire des notaires, Étude XIV, liasse 3. [↩]