Léon Bouthillier (1608-1652), comte de Chavigny et de Busançois, est le fils de Claude Bouthillier et de Marie de Bragelongne. Très proche de Richelieu, ce dernier lui offre d’importantes responsabilités. Conseiller au parlement de Paris en 1627, puis conseiller d’État la même année, il devient rapidement l’un des principaux collaborateurs de Richelieu.

Conseiller de la Reine mère en 1629, secrétaire de la Chambre en 1631, il se voit gratifier, en 1632, à l’âge de 24 ans, de la charge de secrétaire d’État aux Affaires étrangères à la suite de son père, Claude Bouthillier, promu surintendant des finances.

En 1633, Léon Bouthillier est nommé gouverneur du château de Vincennes et obtient dès cette époque la charge de grand trésorier de l’ordre du Saint-Esprit en survivance de son père, qui se porte acquéreur pour lui, auprès du maréchal de Brézé, de la terre de Chavigny¹. Le château de Chavigny, longtemps laissé à l’abandon, se trouve sur l’actuelle commune de Lerné, non loin des villes de Chinon et de Richelieu. Claude Bouthillier confie sa restauration à l’architecte Pierre Le Muet, à partir de 1636, comme il le fait pour le château des Caves. Le jeune homme se voit aussi gratifier d’un terrain le long de Grande Rue, en la ville de Richelieu, que le cardinal-ministre fait ériger à sa propre gloire². « Monsieur le Jeune », selon la dénomination que lui donne fréquemment Richelieu, bénéficie de la donation d’un terrain à bâtir le 11 février de la même année. Il passe un premier marché pour la construction d’un pavillon, au n° 6 Grande Rue, le 3 mars 1633, avec Jean Barlet, puis le 16 avril suivant avec Jean Thiriot. Les termes de ce second marché sont conservés aux Archives nationales³

Les papiers d’État réunis par Richelieu puis par Claude et Léon Bouthillier montrent qu’en 1634 ce dernier est le destinataire quasi exclusif des courriers se rapportant aux affaires de Lorraine. À titre de comparaison, pour 1632, sur un ensemble de 1300 documents manuscrits dépouillés, à peine 9% intéressent Claude Bouthillier ou son fils, en tant que destinataires ou signataires. C’est au cours de l’été que Léon Bouthillier accède aux Affaires étrangères, après son père. L’année suivante, la proportion des manuscrits qui concernent le père ou le fils aux archives diplomatiques passe à près de 17 %. La plupart de ces pièces concernent l’achat, par Claude Bouthillier, de la terre de Chavigny. Pour 1634, sur un échantillon de 990 documents manuscrits dépouillés, plus de 34 % intéressent Léon ou Claude Bouthillier. Mais le surintendant des finances n’intervient plus qu’au niveau d’une pièce sur dix⁴. La correspondance établie entre le comte de Chavigny et Richelieu, devenue quotidienne en août 1634, permet de mieux appréhender la gestion des affaires, le mode de travail choisi par le cardinal-ministre et le complet dévouement du jeune homme.

En 1635, « Monsieur le Jeune », comme le surnomme Richelieu, est placé garde des sceaux et chef du Conseil de Monsieur, frère du Roi, avec une manifeste mission de surveillance, dont l’un ne fait que peu mystère à l’autre. L’oncle de Léon Bouthillier, Victor, alors coadjuteur de l’archevêque de Tours, accentue d’ailleurs l’emprise indirecte de Richelieu sur celui qui est encore l’héritier de la couronne de France, en devenant aumônier du duc d’Orléans. Il n’empêche, Léon Bouthillier et le duc d’Orléans, malgré Richelieu, sympathisent et font même preuve d’une réelle complicité. Le cardinal-ministre ne ménage pas ses efforts et les attentions afin de gagner la faveur de Monsieur et de s’exonérer de toute velléité contestataire. Le 22 mai 1635, Richelieu fait part au comte de Chavigny de son souhait d’offrir au duc d’Orléans des statues, à la suite de la visite de Monsieur au château de Richelieu⁵. Le secrétaire d’État lui répond, de Blois, quelques jours plus tard, en évoquant la magnificence de l’édifice que se fait construire le cardinal-ministre et l’état d’avancement de la ville éponyme, où Richelieu ne se rend qu’une fois, en 1632⁶. Une réelle complicité et un sens aiguisé de l’humour réunissent Richelieu et Chavigny. Leur connivence est sensible dans leur correspondance d’État.

En 1639, le comte de Chavigny est envoyé en Piémont pour travailler à la réconciliation de Chrétienne de France, duchesse de Savoie, avec le cardinal de Savoie et le prince Thomas, ses beaux-frères. Par le testament du Roi, en avril 1643, il est nommé ministre d’État et membre du Conseil de régence, avec le prince de Condé, la cardinal Mazarin, le chancelier Séguier et Claude Bouthillier, son père. Il est ensuite plénipotentiaire aux conférences de la paix de Münster.

En 1649, son père lui fait donation de l’ensemble des terres acquises en Touraine pour y renforcer l’assise foncière de la famille, autour du comté de Chavigny : la terre de Cécigny, la seigneurie de Villiers-Boivin, dans la région de Loudun, la terre de La Bourrie puis la seigneurie de Lerné en 1640 achetée aux religieuses de Fontevraud, et la seigneurie de La Grande-Gaudrée.⁷.

Il a épousé Anne Phélypeaux, demoiselle d’honneur de Marie de Médicis, fille de Jean Phélypeaux, seigneur de Villesavin. Il meurt à Paris, quelques mois seulement après son père, le 11 octobre 1652.

Du mariage de Léon Bouthillier avec Anne Phélypeaux naissent treize enfants : 1° Armand Léon Bouthillier († 1684), comte de Chavigny, seigneur de Pont-sur-Seine, qui a épousé Élisabeth Bossuet en 1658 ; 2° Gaston-Jean-Baptiste Bouthillier († 24 octobre 1718 sans alliance), dit le marquis de Chavigny, colonel du régiment d’infanterie de Piémont ; 3° Jacques-Léon Bouthillier de Chavigny (1640-1712), conseiller au parlement de Paris, qui épouse, en premières noces (le 26 juillet 1668) Catherine Charlotte Terrat de Chanteaume, qui devient marquis de Beaujeu par un second mariage avec Louise-Françoise de Mesgrigny († 15 janvier 1729), et décède le 2 décembre 1712 ; 4° Louis, chevalier de Malte, mort le 17 juillet 1694 ; 5° François (1641-1731), docteur en Sorbonne, évêque de Rennes, puis nommé à l’évêché de Troyes en 1678, dont il se démet en 1697 en faveur de son neveu Denis-François Bouthillier de Chavigny, au Conseil de Régence en 1715, aumônier du roi, abbé d’Oigny et de Sellières, décédé le 15 septembre 1731 à 90 ans ; 6° Gilbert-Antoine, grand-vicaire de Troyes, mort le 20 juin 1694 ; 7° Louise-Françoise Bouthillier de Chavigny (1634-1722), qui épouse, en 1654, Philippe de Clérembault, maréchal de France depuis l’année précédente, et décède sans enfant le 27 novembre 1722 ; 8° et 9° Anne-Julie et Marie, toutes deux religieuse en l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs à Paris ; 10° Élisabeth Bouthillier de Chavigny, religieuse de la Croix puis abbesse d’Issy ; 11° Henriette Bouthillier de Chavigny (1637-1664), qui épouse Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne ; 12° Renée (1643-1711), qui épouse, en 1661, Jean Beuzelin, seigneur de Bosmelet, président à mortier au parlement de Rouen, et décède le 20 mars 1711 ; 13° Marie Bouthillier de Chavigny (1646-1728), qui convole en premières noces (en 1669) avec Nicolas Brulart, marquis de La Borde, premier président au parlement de Dijon, puis, en secondes noces, en 1698, avec le duc César-Auguste de Choiseul-Praslin, et décède le 11 juin 1728⁸. Les prénoms de ses deux fils aînés, hérités de leurs parrains respectifs, témoignent des liens tissés par le comte de Chavigny avec Richelieu d’un côté, et le duc d’Orléans de l’autre. 

Des lettres et actes du comte de Chavigny se trouvent à la Bibliothèque nationale de France, coll. Manuscrits français, vol. 6635-6643.

Voir aussi Marie-Catherine Vignal Souleyreau, « Richelieu et les Bouthillier, seigneurs de Pont-sur-Seine », Mémoires de la Société Académique de l’Aube, tome CXLV, 2021-2022, parution 2023, p. 132-136.

Textes 182, 235, 260, 263, 297, 374, 424, 471, 472, 473, 476, 478, 480, 485, 487, 488, 489, 490, 491, 492, 569, 580, 633, 634, 638, 657, 667, 668, 677, 678, 679, 680, 681, 682, 689, 690, 711, 712, 716, 717, 718, 719, 720, 721, 723, 725, 729, 751, 752, 753, 773, 784, 785, 800, 801, 802, 803, 857, 860, 863, 864, 875, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Lettre du marquis de Brézé à Claude Bouthillier, début janvier 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau  – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine, correspondance, 1633, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 71-73. [↩]
2. Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine, ouvrage cité, p. 338. [↩]
3. Au Minutier central, étude de Pierre Parque, sous la cote MC/ET/LXXXVI,/246. Voir aussi la plateforme ouverte du patrimoine, notice consacrée au bâtiment, disponible en ligne, consultée le 22/06/2024. [↩]
4. Ces éléments statistiques sont tirés de l’examen des documents publiés par Marie-Catherine Vignal Souleyreau aux éditions de L’Harmattan, ainsi que des transcriptions inédites qu’elle a réalisées. [↩]
5. Denis-Louis-Martial Avenel – éd. -, Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’État du cardinal de Richelieu, Paris, Imprimerie Nationale, 1853-1877, en 8 volumes, Collection des documents inédits de l’histoire de France, t. V, ouvrage cité, p. 13-15. [↩]
6. Chavigny à Richelieu, 28 mai 1635, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, « La raison de guerre » : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1635, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 276-278. [↩]
7. Yves Le Guillou, « Des Bouthillier aux Chavigny : l’implantation de “créatures” de Richelieu en Touraine », Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, XLV, 1998, p. 501-528, voir p. 505-507, article consulté en ligne le 28/01/2023. [↩]
8. François-Alexandre Aubert de La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse…, seconde édition, tome troisième, Paris, chez la veuve Duchesne et chez l’auteur, 1771, p. 75-77 ; Michel Popoff (pub.), Prosopographie des gens du parlement de Paris (1266-1753) : d’après les ms. Fr. 7553, 7554, 7555, 7555 bis conservés au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, Paris, le Léopard d’Or, 2003, 2 volumes, t. 1, p. 388. [↩]