Jacques Talon (1588-1648) est le premier fils d’Omer I^er Talon (1538-1618) et de Suzanne Choart de Buzenval (1545-1643). Il est aussi le frère aîné d’Omer II Talon. Il a épousé Catherine Gueffier, dont il a deux filles. 

Il devient avocat au parlement de Paris en 1599 et se forge une renommée dont bénéficie son frère à partir de 1613, année où ce dernier le rejoint au sein de l’institution. 

En 1621, Jacques Talon devient avocat général au Parlement, charge qu’il exerce jusqu’en 1631¹. Il est alors reçu conseiller ordinaire du Roi en ses conseils d’État et résigne en faveur d’Omer II son office d’avocat général. 

Au cours de l’été 1634, il est nommé intendant de police, justice et finances en Lyonnais, Provence et Dauphiné. Il gagne d’abord le Dauphiné en juillet², Richelieu tente alors d’y substituer la taille réelle à la taille personnelle et de faire du pays d’États un pays d’élection.

La taille réelle est plus juste que la taille personnelle en ce qu’elle est assise sur la richesse foncière quantifiable des roturiers, en fonction de la valeur des biens enregistrés sur un cadastre. Or celui du Dauphiné datait de 1461. Par ailleurs, le 15 avril 1602, un arrêt pris par Henri IV avait modifié les conditions d’accès à la noblesse pour les titulaires de charge au parlement du Dauphiné, exigeant quarante ans d’exercice pour accéder à la noblesse. En 1626, François d’Aguesseau a été envoyé en Dauphiné en qualité d’intendant d’armées avec autorité supérieure à celle des officiers du pays. Deux ans plus tard, dix élections financières ont été établies, les États provinciaux ont été suspendus et le parlement de Grenoble a vu ses compétences rognées par la création d’un bureau des trésoriers de France. Au mois de juin 1633, alors que de fortes tensions agitaient le Tiers état, le parlement de Grenoble s’est moins plaint d’une nouvelle tentative du pouvoir royal de réformer les critères d’anoblissement, que de la perte d’autonomie qui en a résulté pour eux³. 

C’est dans ce contexte que Louis XIII et Richelieu chargent Jacques Talon d’examiner l’assiette de la taille réelle, afin de contraindre la noblesse à s’acquitter de la taille pour l’ensemble de ses possessions roturières⁴.

Les réformes voulues par Richelieu se poursuivent dans les mois qui suivent avec la création de présidiaux de Valence et de Gap et avec l’érection d’une cour des aides à Vienne. La noblesse du Dauphiné tente de susciter la révolte en organisant des assemblées contestataires (1636-1637). Dans le même temps, une plainte contre Jacques Talon est adressée au Conseil du Roi, qui la rejette le 21 février 1637. La réforme financière est imposée par un édit royal en date du 24 octobre 1639, en vertu duquel « tous les héritages roturiers y furent astreintes [à la taille réelle], sauf ceux possédés avant le 1^er mai 1635 par des nobles et par des officiers des cours »⁵. 

En Provence, Jacques Talon procède à l’établissement et la perception de la gabelle⁶. Il rend compte du succès de sa mission le 2 novembre 1634 et souligne les conséquences désastreuses du conflit qui oppose alors le maréchal de Vitry au marquis de Saint-Chamond dans l’exercice de l’autorité militaire. Le marquis de Saint-Chamond se montre, quant à lui, très circonspect à l’égard de l’action de Jacques Talon à Marseille⁷.

Texte 756,

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Michel Popoff – pub. -, Prosopographie des gens du parlement de Paris (1266-1753) : d’après les ms. Fr. 7553, 7554, 7555, 7555 bis conservés au Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, Paris, le Léopard d’Or, 2003, 2 volumes, t. II, p. 1041. [↩]
2. Voir le courrier que Pierre Séguier destine à Richelieu, le 27 juillet 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi : correspondance du cardinal de Richelieu, année 1634, Paris, éditions L’Harmattan, 2013, 2 volumes, tome 2, p. 71. [↩]
3. Le parlement du Dauphiné à Richelieu, Grenoble, 13 juin 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 276-277. [↩]
4. Voir le courrier que Pierre Séguier adresse à Richelieu, de Paris, le 24 juillet 1634, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi …, ouvrage cité, tome 2, p. 71-72. Claude de Bullion et Claude Bouthillier écrivent également à Richelieu, le lendemain, 25 juillet : « Monseigneur, […] Cette lettre sera rendue à Votre Éminence par Monsieur Talon lequel est pressé de l’affaire du sel de Provence. Nous avons avis qu’elle est en bon état. Elle importe de plus de quatre millions de livres de revenu à Sa Majesté, étant l’unique moyen de conserver les fermes du sel du Lyonnais, Dauphiné, Provence et Languedoc. […] Monsieur Tallon s’en allant en Provence, il peut exécuter l’arrêt du Dauphiné, qui a été donné avec grande justice, et dont l’ancienne noblesse ne se peut plaindre, si ce n’est qu’ils aient dessein de renverser l’ordre de la province, n’étant raisonnable qu’ils rendent nobles les biens roturiers de tout temps assujettis aux cadastres, suivant les conclusions des gens du Roi, qui ont toujours insisté au Parlement qu’il fallait mettre dans les cadastres les biens aliénés par les roturiers aux nobles […]. », Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Le trésor pillé du Roi…, ouvrage cité, t. 2, p. 60. Voir également Daniel Hickey, « Taille, clientèle et absolutisme : le Dauphiné aux XVI^e et XVI^e siècles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, année 1992, 39-2, p. 263-281. [↩]
5. Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France, XVII^e-XVIII^e siècles, Paris, Picard, 1984, p. 530 ; voir aussi Joël Cornette, L’affirmation de l’État absolu – 1492-1652 –, 9^e édition, Paris, Hachette, 2016, le chapitre 7 « Les années cardinales » et « L’exemple du Dauphiné » ; Hubert Mailfait, Un magistrat de l’Ancien Régime : Omer Talon, sa vie et ses œuvres – 1595-1652 –, Genève, éd. Slatkine, 1971, p 16 et 25 ; Hervé Drévillon, Les Rois absolus – 1629-1715 –, Paris, Belin, 2011, p. 137 ; Joël Cornette, La mélancolie du pouvoir, Omer Talon et le procès de la Raison d’État, Paris, Fayard, 1998, p. 63 ; Aimé Champollion-Figeac et Aimé Champollion fils – éd. -, Mémoires d’Omer Talon, Lyon et Paris, Guyot frères, 1853, Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France. [↩]
6. Voir les courriers que le maréchal de Vitry adresse à Richelieu, d’Avignon, le 3 octobre 1634, et de La Tour d’Aigue, le 19, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi…, ouvrage cité, tome 2, p. 250-252 et p. 305-307. [↩]
7. Voir le courrier que Jacques Talon adresse à Richelieu, de Toulon, le 2 novembre 1634, et celui que le marquis de Saint-Chamond adresse au cardinal-ministre, de Toulon, le 4 décembre, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau – éd. -, Le trésor pillé du Roi…, ouvrage cité, tome 2, p. 340-341 et p. 397-399. [↩]