Nicolas de L’Hôpital, marquis de Vitry, à Richelieu, La Tour d’Aigues, 24 mai 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France vol. 1702, f^° 46-47. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 230-231. Voir également le post-scriptum ajouté ultérieurement par le signataire, texte 766.

J’envoie ce gentilhomme vers le Roi sur les lettres que j’ai reçues des ambassadeurs de Sa Majesté d’Italie, quadrants à l’avis que vous aviez pris, très prudemment à votre accoutumée, que les desseins des Espagnols étaient plutôt pour les îles d’Hyères que pour autre sujet. J’envoie aussi par cette voie une lettre d’un patron de Saint-Tropez, qui est retenu avec deux de ses compagnons à Naples par le vice-Roi [Manuel de Acevedo y Zuñiga, comte de Monterrey], avec trois barques, qui peuvent bien porter six à sept cents soldats, et à dessein de les en charger. 

Le principal sujet du voyage de ce courtier est pour Ribaudan [Grand-Ribaud], afin de savoir du Roi et de votre part, Monseigneur, si l’on s’en assurera, car j’ai estimé cette action de si grande conséquence que je n’ai pas osé y rien agir de mon propre mouvement, joint qu’un petit travail n’est rien, et qu’il court fortune d’être enlevé, et qu’un grand est de grande dépêche et de longue exécution pour la presse du temps. Si bien, Monseigneur, que je vous supplie très humblement apporter votre considération et prudence ordinaire en cette occasion, vous assurant que, cependant, je ferai tout mon possible, en homme de bien et de courage, pour la défense de cette charge où vous m’avez fait la faveur de travailler pour me la faire mettre en main, dont je me demeure le ressentiment que je dois à votre estime, confiance en moi et bonne volonté particulière, vous suppliant très humblement encore me faire l’honneur de me témoigner en ce qui regarde le régiment de La Tour pour Toulon, croyant bien que lorsque vous aurez vu la lettre de Sa Majesté, dont je vous envoie la copie, ou qu’il vous plaira vous en faire faire le rapport par quelqu’un sans vous importuner, Monseigneur, que vous serez dans mes sentiments, et jugerez que j’ai eu raison d’en user ainsi comme j’ai fait, y allant de la sureté du service du Roi, qui requerrait un prompt remède et ma vigilance, ayant à donner compte de cette province à Sa Majesté.

Cependant, je vous demande encore très humblement cette grâce que je sois entendu désormais devant que de passer outre aux affaires qui me regardent servant le Roi et que vous ayez agréable, Monseigneur, que ce régiment étant beaucoup plus affectionné à M. de Guise qu’à moi, et la haine particulière contre moi aussi par les discours qu’ils publient par toutes les villes et lieux de cette province contre ma personne et l’autorité qu’il a plu au Roi de m’y donner, se ventant partout publiquement de rentrer malgré moi dans Toulon, et faisant vanité de la lettre de Sa Majesté, devant même que j’en aie oui parler, toutes insolences dont je ne me suis voulu faire la raison moi-même, serve ailleurs, afin qu’il n’en arrive inconvénient par ci-après.

Au surplus, Monseigneur, le sieur de Saint-Cannat m’a dit qu’il va au premier jour à la cour, et j’estime que son voyage ne doit s’achever que cette place de Toulon ne soit entre vos mains, dont il est fort disposé à se défaire, à ce que j’apprends. 

C’est où tendent mes désirs de longue main, Monseigneur, comme vous savez, et à y voir les personnes établies de votre part et non d’autre, ainsi que j’ai eu l’honneur de le vous mander depuis peu et finissant sur cette vérité, je vous assurerai aussi qu’en part du royaume, il n’y a nul autant que moi, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur, 

Vitry

À La Tour d’Aigues, ce 24^e mai 1632

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