Claude de Rebé à Richelieu, Pézenas, 1^er juin 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f^° 210. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 246-247.

Monseigneur,

Jusqu’ici, il était bien difficile d’écrire à Votre Grandeur avec quelque sorte de certitude, touchant les affaires de cette province. Les obstacles qui se sont rencontrés depuis sept mois que nos États sont assemblés ont été tels qu’ils rendaient l’événement d’iceux fort douteux, et quasi les portaient dans une infaillible impossibilité de les faire réussir heureusement, ou dans une nécessité de rompre, si M. d’Hémery, par sa prudence, accompagnée d’une bien grande et nécessaire patience, ne les eut délicatement traitées et accortement réduites au point où elles sont arrivées. Or donc, c’était le seul instant qu’il a pu ménager depuis le temps que nous sommes assemblés, et dut hasarder que cette seule voie pour en tirer les avantages qu’on en peut vraisemblablement attendre et espérer pour le service du Roi, et soulagement de ses sujets dans ces contrées. 

M. de Montmorency, qui jusqu’ici était demeuré fort affermi dans ses premiers desseins, s’est à présent résolu, sur les persuasions dudit sieur d’Hémery qui lui a fait voir et comprendre que la longueur du temps, les inconvénients que trainait apprès soi tout autre expédiant que celui qu’il lui a fait goûter, fondé sur beaucoup de grandes et puissantes raisons, entre autres sur l’impuissance en laquelle se trouve la province de satisfaire aux partisans des élus aux termes et aux conditions portées par le traité qu’on avait dessiné, et c’est cette raison qui convint principalement les plus obstinés de notre compagnie. Depuis deux fois vingt-et-quatre heures seulement, Mondit sieur de Montmorency s’en est ouvert à moi et m’a témoigné assez nettement qu’il fallait se résoudre à ménager par quelque autre voie que celle qu’on a tenue depuis l’ouverture de nos États quelques avantages pour le bien et soulagement de cette province, s’en remettant (m’a-[t]-il dict), pour la conduite, à ce que M. d’Hémery en trouvera à propos pour la perfection de l’affaire. 

À présent, en attendant le retour de ce courrier, et pendant que quelques-uns de nos députés ont pris cet intervalle pour aller en leurs diocèses donner quelque ordre à leurs affaires domestiques, Mondit sieur d’Hémery a trouvé bon que je demeure ici avec lui, afin qu’ensemblement nous prévoyions, et prenions nos mesures, pour faire recevoir et exécuter doucement et agréablement dans cette province les ordres qui nous seront envoyés de la cour, et d’autant que je sais bien qu’il donne un compte très exacte à Votre Grandeur de l’état de sa négociation, je n’entreprendrai pas de lui en dire davantage et me contenterai de l’assurer qu’en mon particulier, je contribuerai, à mon accoutumée, pour la perfection d’icelle, les soins, affection et fidélité que je dois au service du Roi, et au contentement particulier de Votre Grandeur à laquelle, offrant la continuation de mes obéissances et de mes services très humbles, je lui demande, si lui plait, celle de sa protection, dont il lui a plu m’honorer jusqu’à présent, laquelle j’espère que vous, Monseigneur, ne dénierez pas à celui qui est, par obligation et par inclination, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur, 

Cl. de Rebé, archevêque de Narbonne

De Pézenas, ce 1^er juin 1632

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