Louis XIII à Richelieu, Laon, 10 juin 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 1505, f^° 11-12. Original de la main d’un secrétaire, signatures du Roi et de Claude Bouthillier. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 258-259.

Mon Cousin,

Sur les fréquents avis que j’ai eus de la continuation des desseins et entreprises formées contre le bien de mon service et le repos de mes sujets par ceux qui sont sortis hors de mon royaume sans ma permission, et de leurs pratiques ordinaires sur les places de mes frontières, particulièrement sur celles de ma province de Picardie, je m’y suis acheminé comme en celle qui, étant plus proche d’eux, était par conséquent plus exposée au mal, afin de le prévenir par une prévoyance et par les ordres qui pussent entièrement l’assurer. 

Ce que j’ai [fait] en peu de jours, ayant visité les villes et places importantes de madite province et les ayant fortifiées de bonnes garnisons, munitions et vivres, en sorte que désormais l’on n’en peut appréhender aucun mauvais évènement. Je n’ai point eu occasion de faire séjour ni apporter autre ordre plus particulier qu’en ma ville et citadelle de Calais, dont j’ai retiré le gouvernement des mains du sieur de Valençay, lui ayant toutefois ordonné une récompense telle qu’il a sujet de se louer de ma bonté, n’ayant point voulu ajouter foi aux avertissements qui me sont venus de plusieurs endroits, mais seulement ôter tout sujet de soupçon. J’ai mis audit lieu diverses compagnies de mes vieux régiments pour y tenir garnison, sous le commandement du marquis de Saint-Chamond, maréchal de camp en mes armées, et mon lieutenant général au gouvernement de Provence. 

Et comme en personne j’ai ainsi pourvu à la sureté de mes affaires de ce côté-là, bien que j’aie en Champagne une puissante armée commandée par mes cousins les maréchaux de La Force et d’Effiat, y ayant envoyé le dernier depuis quelques jours, afin que rien ne défaille à sa subsistance, laquelle armée est déjà de plus de vingt-cinq mille hommes de pied et trois mille chevaux effectifs et sera bientôt augmenter d’un tiers et davantage, j’ai néanmoins résolu d’y aller moi-même. Je continue mon voyage pour cet effet, voulant m’opposer de toutes parts, et par tous moyens, à ceux qui auraient dessein d’entreprendre contre cet État et conserver à mes sujets la paix que j’ai tant, et si longuement travaillé à leur acquérir.

J’espère ainsi que j’empêcherai bien ceux qui la veulent troubler, et le procédé de mon cousin le duc de Lorraine ne me donnant pas sujet de satisfaction, vu qu’il n’a point observé le traité que j’ai depuis fait avec lui en mon voyage de Metz, joint les avis que j’ai eus, lesquels je puis dire certains, et joint aussi le soupçon que les forces qu’il a levées m’ont causé d’une union avec d’autres qui se veulent approcher à cette fin, mon intention est, puisque les assurances qu’il m’a données n’ont pas été suffisantes, pour le retenir dans les termes où il devrait être, de les prendre de nouveau telles qu’il ne me puisse plus manquer, quand même il le voudrait, l’opportunité et l’assiette des États dudit duc étant disposée, de sorte que je ne pourrai autrement (dans l’incertitude où il m’a tenu jusqu’ici durant ce difficile siège de La Rochelle et mes voyages d’Italie et de Languedoc) être en assurance du côté des Trois-Évêchés et de ma province de Champagne, j’y donnerai donc, avec l’aide de Dieu, bon ordre, et non seulement le réduirai à ne pouvoir rien entreprendre contre moi, mais aussi ferai que mon approche avec mon armée servira beaucoup à mes anciens et bons alliés en Allemagne, et à la conservation de la religion qui m’est chère sur toutes choses. À quoi je ne perdrai point de temps et serai dans peu à Sainte-Ménehould, où je fais état d’arrêter quelques jours, pour arrêter toutes les dispositions nécessaires à l’exécution d’un si bon dessein.

Vous êtes pleinement informé de tout ce que dessus, dont je désire que vous rendiez participant mes bons sujets de ma province de Bretagne, et teniez la main qu’en l’étendue d’icelle chacun se contienne en devoir, et corresponde par affection, obéissance et fidélité aux bonnes résolutions que j’ai prises de longtemps pour la manutention de mon autorité royale, la réputation de mes affaires et le repos et salut de mon peuple. M’en reposant donc en vous, je prie Dieu qu’il vous ait, Mon Cousin, en sa sainte garde. 

Écrit à Laon, le X^e jour de juin 1632

Louis, Bouthillier

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