Le lieutenant civil, Michel Moreau, à Richelieu, [Paris], vers le 22 juin 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f^° 229. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 289.

Voir les textes 831, 844 et le courrier que Louis Testu adresse à Richelieu, le 2 juillet, texte 851.

Monseigneur,

Ce matin, les commissaires du Châtelet m’ont donné avis que l’on avait jeté, la nuit, dans les rues, un libelle intitulé Questions d’Estat, plus méchant que ceux qui ont encore été vus. L’on m’en apporté deux exemplaires, l’un desquels j’envoie à Votre Éminence, et je réserve l’autre pour le condamner et le faire brûler par le bourreau, comme l’on a fait ci-devant en semblables rencontres¹. L’on a semé dans la ville, la nuit, ledit libelle, et a été recueilli par le menu peuple dès le grand matin, et détesté généralement de tous les gens de bien comme très pernicieux et très abominable, qui ne mérite autre lumière que celle du feu, non plus que son auteur.

Le bruit du succès des armées du Roi a été reçu avec extrême applaudissement, et j’ose vous assurer que l’on n’appréhende guère ici les armes des ennemis du Roi, et qu’elles sont en extrême mépris <…>.

Le sieur de Laffemas est venu au Châtelet en l’audience publique <…> édits du Roi vérifiés en Parlement, Sa Majesté y séant, portant création des contrôleurs des consignations et du Parisis, et installer ensuite l’officier. Cela s’est passé avec toute la soumission et le respect que nous devions, et sans que les juges, ni moi, ayons désemparer le siège, et qu’aucun ait osé faire le moindre bruit, quoique cette affaire fût de très grande importance et qu’elle heurtât les intérêts de cette compagnie et de tous les officiers qui en dépendent. J’en avais hier donné l’avis à M. le premier président [Nicolas Lejay], et lui dis en même temps les défenses que j’avais du Roi d’aller donner compte au Parlement de tous les établissements qui se feraient dans le Châtelet en suite des édits vérifiés en la cour, le Roi y séant. Il me témoigna du désir qu’il avait que le Roi fût obéi en son particulier, mais que ce n’était sans raison que ce commandement m’avait été fait, pour ce que, si j’allais dans la compagnie, peut-être trouverais-je résistance.

Pardonnez-moi si j’ose divertir vos occupations importantes par la lecture de choses de si peu de conséquence, mais desquelles j’ai estimé vous devoir [rendre] compte comme de toutes mes actions, n’ayant point d’avantage à espérer en ce monde que celui qui me peut donner la profession publique que je fais d’être, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur, 

Moreau

1. Le pamphlet a été attribué au père Chanteloube : voir la notice bibliographique que consacre la Bibliothèque nationale de France à l’opuscule, consultée en ligne le 21/05/2024. Il est condamné à la destruction trois jours plus tard. Voir aussi le texte 180 et le courrier que Louis Testu adresse à Richelieu, le 29 juin, translation publiée en ligne, texte 844. [↩]

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