André Duval (ou du Val) (1564-1638) est docteur en théologie et le supérieur des carmélites de France. Il représente, dans les années 1620-1630, le courant ultramontain né chez les réguliers à la suite du cardinal de Bérulle.

André Duval a d’abord étudié le droit et la théologie, puis est ordonné prêtre. En 1596, il est nommé professeur en Sorbonne, et côtoie des théologiens de renom comme Philippe Gamaches et Nicolas Ysambert.

Dans les années 1610, une vive querelle l’oppose à Edmond Richer (1559-1631), principal et supérieur du collège du cardinal Le Moine, défenseur des libertés gallicanes. Malgré le soutien du Parlement, Edmond Richer voit son ouvrage De ecclesia et politica postestate libellus condamné et interdit en 1612, quelques mois après sa parution. Il n’en poursuit pas moins le combat contre André Duval. En 1622, Edmond Richer doit même prononcer sa rétractation officielle, rétractation dont Richelieu exige la réitération en 1629 afin d’apaiser les dévots. Auteur d’une Disputatio de suprema Romani Pontificis in Ecclesiam potestate (1614), André Duval s’oppose encore au cardinal Bellarmin. Il participe également à la condamnation du jésuite Santarel, en 1626, et prend une part active à la réforme des ordres religieux en France.

Il est l’auteur d’un commentaire du traité de Thomas d’Aquin, Ila-IIae, qui reprend les grandes lignes de son enseignement. Ne se référant qu’occasionnellement aux autorités intellectuelles de son temps, Robert Bellarmin, Francisco Suarez ou Louis de Molina, il préfère reprendre les sources de la doctrine, en citant la Bible et les Pères, ainsi que les docteurs médiévaux, Thomas d’Aquin en premier lieu, mais également Gilles de Rome, Hervé de Nédellec, Alexandre de Halès, et Jean Duns Scot.

En mars 1632, André Duval attire l’attention de Richelieu sur les excès anti-monastiques de l’évêque de Belley, Jean-Pierre Camus¹. 

En 1633, Pierre Séguier le charge de faire une contre-expertise de la proposition de condamnation des Heureux succès d’Yves de Paris, en compagnie de Nicolas Ysambert et de Jacques Lescot. Mais André Duval se rend coupable, aux yeux de Richelieu et de Jean Filesac, doyen du collège de théologie de Sorbonne, de collusion avec les jésuites et avec les dévots. Proche de Bérulle et de Vincent de Paul, dont il est le confesseur, André Duval a en effet contribué de manière déterminante à l’introduction du Carmel en France et est aussi le premier biographe de Barbe Acarie (1622). L’éviction temporaire d’André Duval, en 1633, à l’initiative, il est vrai, de Jean Filesac témoigne de l’autorité acquise par Richelieu mais aussi de la difficulté à trouver une position médiatrice entre les partis qui, au sein de l’Église de France, se déchirent en querelles théologiques et dogmatiques. Jean Filesac envisageait, avec Richelieu, l’éviction d’André Duval de sa chaire universitaire, en raison, non seulement  de ses liens avec les jésuites et avec les dévots, mais aussi de son refus de signer une déclaration des docteurs de Sorbonne concernant l’invalidité du mariage du duc d’Orléans². La prise de position commune à Jean Filesac et Richelieu, puis le recours consécutif au savoir d’André Duval, témoignent de la complexité des débats dogmatiques de l’époque. Ces contradictions mettent en lumière la difficile nécessité politique, pour le cardinal, de se démarquer à la fois des thèses ultramontaines chères au parti dévot, et des thèses jansénistes, de se conformer à une position religieuse modérée compatible avec exercice du pouvoir et autorité ecclésiastique.

Surtout, Richelieu ne peut, en 1634, faire abstraction d’un avis écouté, dont il connaît le poids en cours de Rome. Il parvient à fléchir André Duval et à obtenir son assentiment à l’argumentaire formulé contre le mariage du duc d’Orléans³. 

Voir aussi Pierre Blet, Le Clergé de France et la Monarchie : étude sur les Assemblées générales du Clergé de 1615 à 1666, Rome, Cura Pontificiae Universitatis Gregorianae Edita, 1959, deux volumes, t. 1, p. 417.

Textes 843, 876, 

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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1. Voir le courrier original qu’André Duval adresse à Richelieu, de Paris, en Sorbonne, le 9 mars 1632, est conservé au Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires et Documents France, vol. 804, f° 64. [↩]
2. Voir Jean Filesac à Richelieu, en Sorbonne, 23 juin 1633, dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), Richelieu à la conquête de la Lorraine. Correspondance : 1633, Paris, éditions L’Harmattan, 2010, p. 291-292. [↩]
3. Voir l’« Advis de M. Duval, docteur, sur le mariage célébré par un religieux », transmis par Mathieu Molé à Richelieu, et le projet de la note d’accompagnement de Molé, du 9 janvier 1634, avec le résumé des arguments de Duval, à la Bibliothèque nationale de France, collection Cinq-cents Colbert, volume 83, fol. 345 ; le courrier qu’André Duval adresse à Mathieu Molé, de la Sorbonne, le 20 janvier 1634, conservé à la Bibliothèque nationale de France, collection Cinq-cents Colbert, volume 83, fol. 34 ; et le courrier qu’André Duval adresse à Mathieu Molé, de la Sorbonne, le 10 novembre 1634, à la Bibliothèque nationale de France, collection Cinq-cents Colbert, volume 83, fol. 347. [↩]