Michel Moreau à Richelieu, [Paris], 6 juillet 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 802, f^° 260. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 313.

Monseigneur,

Je n’aurais pas osé, ces jours passés, vous importuner des nouvelles de ce qui s’était passé en l’affaire des orfèvres, qui firent un très grand désordre vendredi dernier, du détail duquel, et de ce qui s’est fait ensuite, j’ai donné compte à M. le garde des sceaux [le marquis de Châteauneuf]. Mais la suite d’une plus grande émotion causée par l’imposition faite sur muid de plâtre, qui nous a jeté sur les bras un nombre infini de menu peuple, qui ait courre par la ville ces deux jours, m’a fait craindre de manquer au respect dû à Votre Éminence si je ne lui donnais compte en gros de ce qui s’y est passé.

Le sieur Barbier, qui a traité de cette affaire avec le Roi, ayant hier établi aux portes ses commis, à l’heure-même, les ateliers furent fermés, et les plâtrières, si bien que tout ce menu peuple courut par Paris en troupes, qui de cent, les autres de cinquante, les autres de plus. J’envoyai à tous les ateliers en diligence, envoyai par la ville les commissaires, et fis en sorte que ces gens se retirèrent sans faire aucun autre désordre que celui de l’exemple de les voir faire ce qu’ils faisaient. Les maîtres des ateliers ne les purent retenir, non plus que ce jourd’hui. Étant ébranlés par le vin, et par l’exemple les uns des autres, ils allaient au logis du sieur Barbier, si le sieur chevalier du guet [Louis Testu] et moi ne les eussions suivis et fait retirer. M. le Comte [de Soissons] a résolu de faire publier demain une ordonnance portant surséance de ce droit jusqu’en janvier, sous le bon plaisir du Roi, et en a enjoint, de là, dire à toute cette honnie populace qui m’étaient venus trouver [sic] avec les maîtres-carriers, plâtriers et maçons, que j’avais envoyés quérir par des commissaires, et que j’avais menés près de Saint-Eustache, attendant que je les allasse trouver, ce que j’ai fait, et de là été par toutes les plâtrières et ateliers de Paris moi-même, si bien que cette affaires s’est dissipée heureusement. J’ai fait informer et dresser procès-verbaux de tout ce qui s’est passé en ces affaires, même décrété contre quelques-uns, complices de l’émeute des orfèvres.

M. le Comte, par l’avis de MM. de Bullion et Senneterre, m’ont ordonné de surseoir à l’exécution jusqu’à ce que j’eusse eu commandement de vous. M. le garde des sceaux, à ce que j’estime, vous fera rapport du détail de l’affaire, auquel j’en ai donné compte le plus exact que j’ai pu, crainte, vous surchargeant de ces affaires, de manquer à la soumission que doit à Votre Éminence, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur, 

Moreau

6 juillet [1632]

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