Le baron de Rorté à Richelieu, Moulins, vers le 12 juillet 1632.
Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France, vol. 804, f° 310-311. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 326-327.
Monseigneur,
J’ai cru ci-devant que ce vous serait apporter un trop grand divertissement que de vous surcharger de la lecture des dépêches que j’ai envoyées à M. le maréchal d’Effiat, touchant les affaires de cette province depuis l’entrée qu’y a faite Monseigneur frère du Roi jusqu’à maintenant, et que, lui en faisant l’adresse, c’était à la faire à Votre Altesse Illustrissime-même, considéré qu’il est notre gouverneur, et que le récit qu’il vous en ferait vous en serait beaucoup plus agréable que la lecture d’un discours malpoli. Mais, ayant appris son départ de la Cour pour aller commander l’armée du Roi en Allemagne, j’ai osé, en cette rencontre, me souvenant, Monseigneur, que par un excès de bonté vous avez autrefois daigné recevoir les miennes, vous envoyer ce courrier exprès, avec toutes les lettres qui ont été trouvées au laquais du sieur du Plassier, et les procès-verbaux de ce qui s’est passé en la capture du sieur de Boisdevant, se disant gentilhomme de la vénerie de Monsieur1, duquel j’ai appris particulièrement, dans l’espérance que je lui ai donnée de le relâcher, qu’il était assuré que M. de Montmorency se déclarerait pour mondit seigneur, tout aussitôt qu’il arriverait en Languedoc avec son armée, et croyait que bientôt après, la paix se ferait avec Sa Majesté, et que, pourvu que mondit seigneur eut quelque place de sûreté pour sa personne, il ne serait pas difficile à le contenter, du reste, bien qu’il eut grande aversion maintenant contre Vostre Altesse Illustrissime, mais que la grande nécessité qu’il avait souffert et souffrait aussi la Reine sa mère, lui ferait fermer les yeux à un accommodement pour lui et ladite dame Reine, et que pour cette raison, il avait disgracié les sieurs de Coigneux et Monsigot.
Ledit sieur de Boisdevant m’a ensuite dépeint la misère où était réduite la dame du Fargis et toutes les autres de la même cour, ensemble toutes les libéralités dont avait usé l’archiduchesse à l’endroit de Mondit Seigneur frère du Roi avant son départ, jusqu’à lui avoir donné tout le linge qui lui était nécessaire, lequel s’était promis, entrant en armes en France, qu’il trouverait bien une plus grande disposition en l’esprit des sujets de Sa Majesté pour l’assister et lui ouvrir les portes des villes qu’il n’a pas fait, représentant audit sieur que Mondit seigneur, souffrant tant de maux et de ravages à ceux de son armée comme il faisait, il était bien difficile que l’on eût de l’affection pour lui, m’a dit que son intention était de chasser tous les Étrangers qu’il avait amenés, aussitôt que son armée serait grossie de Français, dont il lui en venait bon nombre de tous côtés, et que lesdits Étrangers étaient seuls cause des désordres. Enfin il m’a conclu que la haine de Mondit Seigneur était en votre personne seule.
En ce qui est de l’état de cette province, toutes les villes sont dans leur devoir, et je ne sache aucun gentilhomme qui ait désemparé pour suivre le parti contraire, ni aucun autre qui soit tant soit peu de condition. M. le maréchal de La Force fait son logement aujourd’hui à Châteldon, et, partant, ne sera éloigné de l’armée ennemie que d’une bonne journée, si elle ne passe point Issoire, aux environs duquel lieu on m’a rapporté qu’elle était depuis hier2 après avoir quitté Vourny et Labazat, et que la pièce bâtarde qui avait été prise à Vichy avait été laissée audit Vourny pour n’avoir moyen de la conduire sans affût.
Voilà, Monseigneur, tout ce que j’ai le plus soigneusement pu rechercher pour le service du Roi et celui de Votre Altesse Illustrissime, à quoi j’apporterai toujours tant de diligence et d’affection qu’elle aura sujet de me départir l’honneur de ses commandements et la conservation de ses bonnes grâces, puisque je n’ambitionne rien davantage que d’être cru d’elle, comme je suis, Monseigneur, le très humble et très obéissant serviteur,
À Moulins, ce ***
- Le sieur de Boisdevant est absent de l’état de la Maison du duc d’Orléans pour 1627 publié par Eugène Griselle, qui cite deux gentilshommes de la vénerie : Guillaume Guillemin, seigneur de Trépigny, et Jacques d’Espinay, seigneur de Vaux et de Mézières. [↩]
- L’armée du duc d’Orléans se trouve devant Vichy les 4 et 5 juillet ; à Antoingt, près d’Issoire, le 11 juillet. Ce détail permet de dater le document. [↩]
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Marie-Catherine Vignal Souleyreau (21 septembre 2024). Texte 885, année 1632, vers le 12 juillet, le baron de Rorté à Richelieu. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 18 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12c2v