Texte 887, année 1632, 14 juillet, Henri d’Escoubleau de Sourdis à Richelieu

Henri d’Escoubleau de Sourdis à Richelieu, Brouage, 14 juillet 1632.

Ministère des Affaires Étrangères, archives diplomatiques, centre de La Courneuve, coll. Mémoires & Documents France vol. 804, f° 257. Le texte original a été publié dans Marie-Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance du cardinal de Richelieu : au faîte du pouvoir, l’année 1632, Paris, éditions L’Harmattan, 2007, p. 328-329. Il s’agit du premier de trois courriers adressés le même jour à Richelieu : voir aussi les textes 888 et 889.

Monseigneur,

Je suis arrivé en ce lieu le 9e de ce mois, où je n’ai pas trouvé les travaux si avancés que j’espérais, à cause de divers bruits qui courraient des entreprises qu’on avait sur ce lieu. On n’a pas osé faire de grandes ouvertures et, partant, on n’a pu y mettre quantité d’ouvriers. Maintenant, j’espère que cela ira plus diligemment, ayant fait faire un travail au-dehors pour assurer les brèches qu’on pourrait faire au bastion. 

Comme j’étais à Richelieu, M. le Prince [de Condé] m’envoya commander de m’en aller à Poitiers, sur ce qu’il disait qu’il n’estimait pas la ville en sûreté. Comme je n’avais point de commandement de vous, mais bien de m’en venir ici, je partis à l’instant pour m’y rendre, où je n’ai trouvé aucun bruit, au contraire la garnison très forte et en bonne résolution de bien servir, M. de La Roche-Allard, se sentant si obligé de l’honneur qu’il a reçu de vous, qu’il ne fait autre chose que le publier tout haut. 

Pour Poitiers, j’ai su de M. de Londigny, et presque tous ceux du pays, m’ont dit que le maire [François Massard] est gendre de M. de Peyrault, et que ledit sieur de Peyrault est absolument à la dévotion de M. de Fontaines-Chalandray. Mme de Fontaines est en ces quartiers, qui cherche (à ce qu’on dit) des gens pour envoyer à son mari. Je lui ai mis des gens après elle pour s’en assurer, l’en empêcher, et puis après vous en donner avis.

Vous aurez appris comme le lieutenant du chevalier de Coursan, nommé Casenac, ayant eu avis, le 5e de ce mois, qu’une pinasse biscaïenne, avec deux chaloupes sur lesquelles il y avait 40 hommes, avaient enlevé de nuit un navire hollandais (sur lequel il y avait 16 pièces de canon et plusieurs marchandises dedans), prit avec lui deux ou trois chaloupes de La Rochelle, ne pouvant y mener son vaisseau à cause du calme, et s’en alla attaquer lesdits Biscayens, desquels il en tua cinq, et voulant approcher pour sauter à bord, les Biscayens se sauvèrent dans leur pinasse qu’ils avoient à côté dudit vaisseau, qu’ils abandonnèrent, et lequel a été rendu aux Hollandais, sans que ledit Casenac ait perdu un seul des siens en cette occasion.

Je vous supplie de me faire l’honneur de me mander si vous voulez qu’on emploie La Roullerie, ou si vous désirez qu’on emploie un autre commissaire. Nous avons maintenant du fonds pour le travail et pour ses gages. Ce faisant, nous aurions besoin des commissions et lettres, tant du Roi que de vous, Monseigneur, lesquelles furent expédiées quand La Roullerie alla en Cour.

J’estime que vous aurez su la révolte des habitants des Sables contre ceux qui sont allés pour établir quelques édits, et saurez par celle-ci que cette place-là n’est point du tout en sûreté, laquelle néanmoins est la seule du Bas-Poitou, et qui tient un port où il y a toujours cent vaisseaux. Il me semble que deux compagnies du régiment de M. de La Meilleraye seraient bien employées là-dedans. Si vous l’agréez, envoyez, s’il vous plaît, une lettre du Roi. Je serais aussi d’avis qu’on refortifiât ledit régiment et qu’on remît les compagnies à cent hommes.

Il est venu depuis quinze jours un ministre à Marennes, nommé Chardavoine, qui est extrêmement séditieux et turbulent. Je crois qu’il serait besoin de l’éloigner de là. Pour cet effet, nous aurions besoin d’une lettre du Roi ou de vous, Monseigneur, par laquelle vous défendiez qu’il ne s’établît à Marennes. Il n’y a non plus de bruit en ce pays-ci ni de remuements que si l’on n’avait jamais parlé de guerre. 

Je vous rends grâces très humbles, Monseigneur, de l’honneur qu’il vous plaît me faire pour l’affaire de M. de Paris1, et ne sais comme quoi je m’en pourrai dignement ressentir, ayant déjà reçu tant d’honneur et de bien de vous que cela surpasse tous les services que je [ne] saurai jamais vous rendre. Il est vrai, Monseigneur, que je n’ai rien aussi que je ne confesse tenir de votre bonté, et que je n’en désire que pour l’employer à votre service et me rendre plus digne de la profession que je fais d’être, Monseigneur, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur,

Sourdis, archevêque de Bordeaux

À Brouage, ce 14e juillet 1632

Marie-Catherine Vignal Souleyreau

Docteur en Histoire, ingénieur d'études à Sorbonne Université, Faculté des Lettres, Institut de Recherche sur les Civilisations de l'Occident Moderne (IRCOM - Centre Roland Mousnier)

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  1. Peut-être en référence à l’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi (1584-1654) : premier archevêque de Paris en 1622, à la mort de son frère, Henri, évêque de Paris. Il est fait cardinal en 1618. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marie-Catherine Vignal Souleyreau (29 septembre 2024). Texte 887, année 1632, 14 juillet, Henri d’Escoubleau de Sourdis à Richelieu. Correspondance et papiers d'État du cardinal de Richelieu. Consulté le 13 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12do1


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